Pour les personnel·le·s des hôpitaux qui depuis des nombreuses années déjà bossent dans des conditions dégradées et vont prendre des risques énormes avec des moyens dérisoires [1].
Pour toutes celles et tous ceux privé·e·s de leurs libertés parce que n’ayant pas les bons papiers [2] ou ayant enfreint les lois faites d’abord pour réprimer les classes populaires [3].
Pour celles et ceux qui n’ont ni toit,ni travail, ni revenu et risquent de plonger encore plus dans la misère et l’isolement.
Pour celles et ceux qui n’ont pas de contrat de travail et se retrouve du jour au lendemain sans revenu.
Pour celles et ceux qui continuent de bosser à l’usine comme ailleurs parce que le télétravail n’existe pas. Il leur est demandé de poursuivre la production de bien et services inutiles mais ensuite de renoncer à leurs sociabilités [4].
Pour nos ami·e·s et proches n’ayant pas des systèmes immunitaires aussi solides que les nôtres.
Pour les gosses de pauvres dont les parents ne peuvent payer un soutien scolaire personnalités ni même un ordinateur pour recevoir les cours à distances le temps que les écoles fermeront. [5]
Pour celleux qui vont se retrouver confiner avec des personnes qui les mettent en danger.

La situation actuelle montre que les systèmes économiques et politiques sont faillibles parce qu’ils reposent sur l’individualisme, l’avidité et la recherche du profit maximum. L’État ne pense qu’à se sauver lui-même alors il fait tout pour ne pas briser l’économie dont il dépend et a maintenu des élections malgré les promesses d’une abstention record.
Nous entrons dans l’inconnu. À mon sens une telle situation n’offre que deux alternatives. La panique matée par l’autoritarisme de l’État, soit notre défaite. Ou bien la responsabilité collective et individuelle, la solidarité ce qui permet d’entrevoir un jour notre victoire.

Entre temps les hôpitaux de nombreuses régions arrivent à saturation, et l’on est probablement sur le point de connaître une situation identique à l’Italie du Nord où les médecins choisissent qui va (peut être) vivre et qui va à coup sûr mourir. Dès lors refuser les appels gouvernementaux à l’auto-discipline, voir l’épidémie uniquement par le spectre de la liberté, c’est peut être un beau pied de nez à un État qui tente de sauver la face, mais c’est se tirer une balle dans le pied (ou dans celui de son/sa voisin·e). Aussi désagréable que soit l’idée se suivre l’incitation à la discipline de l’État, l’auto confinement devrait à mon sens être une pratique généralisée, y compris dans nos groupes anarchistes/anti-autoritaire. Pour toutes les personnes citées plus haut, et encore plus. Il ne s’agit pas de faire une croix sur la liberté, sur nos idées, mais de temporairement en mettre d’autres en avant. Quel sens à la liberté si il n’y a plus collectif ? A quoi bon être libre sans solidarité ?

Voir les fascistes, complotistes et les consommateurs et consommatrices hyper-individualistes (ça fait pas mal de monde malheureusement) fascinés par les courbes de morbidité et exercés un repli sur elleux drastique suffit à se convaincre qu’on ne peut pas prendre la situation à la légère. Même si la maladie ne se diffuse pas autant qu’estimé, les idéologies éco-fascistes, néo-maltusienne ou survivalistes auront progressé [6]. Je ne me leurre pas l’État imposera tôt ou tard des règles très autoritaires si l’épidémie s’amplifie, comme en Espagne ou en Italie. Évidemment cela peut opportunément lui servir d’entraînement à la mise en place de règles similaires dans d’autres circonstances [7]. Mais est-ce l’unique manière dont il faut entrevoir cette crise ?
Faisons un peu de fiction. Imaginons qu’avec la crise sanitaire, les crises économique et politique qui l’accompagnent, nous sommes aux prémices d’une crise du capitalisme hors norme, faut-il vraiment s’en réjouir ? Qui d’entre nous pourrait souhaiter que l’État s’effondre non parce que nos mots et nos actes l’auraient abattu mais parce qu’il a été balayé par une crise sanitaire ?

Il s’agit aujourd’hui de penser à demain. Bien que le propos de ce texte soit de demander à chacun·e de se confiner volontairement pendant un certains temps, je pense que nous n’avons pas non plus intérêt à tout arrêter et à nous isoler. Il faut encore lutter. Il s’agit d’imaginer, pour un temps, faire différemment. En créant des réseaux de solidarités dans nos immeubles et nos quartiers (courses, garderies, prise de nouvelles des vieux, etc), en affichant l’exigence d’une amnistie des personnes en taules et en CRA [8], en réclamant ou en appliquant par nous-mêmes les seules mesures économiques nécessaires pour éviter que les plus précaires se retrouvent la corde au cou dans les prochaines semaines (à minima la suspension des loyers et factures d’énergies et d’eau, bouffe et transports gratuits [9]. Nous pouvons continuer à discuter avec les personnes vivantes près de nous, nous pouvons continuer à tagger et afficher des slogans dans les rues, à accrocher des banderoles là où elles seront visibles, à diffuser sur internet l’idée que la solidarité doit vaincre la peur [10].
Pourquoi pas aussi appeler à des manifestations pour porter ces idées. Mais en réfléchissant sérieusement à leur pertinence et la manière de faire. Une proposition : faire des manifs en vélo pour couvrir de plus grande distance, aller dans les quartiers où l’on ne va jamais, ne pas être invisible dans des villes désertes, le tout en évitant des contacts physiques trop rapprochés.

Une fois la tempête passée, nous devrons être présent·e·s pour que ne subsiste de cette période que ses aspects les plus autoritaires et hygiénistes. Que ce ne soit pas une simple étape du renouvellement du capitalisme. Nous devrons être vigilantes pour la potentielle crise économique qui suivra ne soit pas l’occasion pour l’État et le capital d’avancer plus loin dans l’ordre néolibérale et sécuritaire en restreignant par exemple la liberté de circuler, en mettant en place des formes de surveillances technologiques plus poussées (la Chine est devenue un exemple) en faisant de la technologie et de la science l’unique réponse à nos problèmes. Chaque petit gain issu de cette période devra ouvrir la possibilité de se transformer en acquis durable.

Notes

[1] Les hôpitaux manquent de gel hydroalcoolique, de masques et de gants alors que des stocks ont été utilisé pour assurer le premier tour des municipales…

[2] Les prisonnières et prisonniers du CRA de Lesquin dans le Nord sont en grève de la faim depuis le 12 mars. Un cas de coronavirus a été diagnostiqué, aucune mesure de protection n’est prise. Mais les parloirs sont suspendus. [Leur communiqué→https://twitter.com/MuArF/status/1239272976257859586]

[3] En Italie des mutineries généralisées ont lieu suite à la fermeture des parloirs. Des mesures de restrictions sont déjà en place en France

[4] En Italie des grèves ont surgi dans les usines qui ne fermaient pas comme celles de Fiat alors que des employés étaient diagnostiqués positifs.

[5] À bas l’école cependant.

[6] Ces derniers sont obsédées par la fermeture immédiate des frontières et le déploiement de l’armée dans les rues, ou une disparition massive de l’humanité pour « sauver la nature ». Ou ne pense qu’à leur survie à cellles de leur famille.

[7] [Voir l’article publié sur IAATA : Morbihan. Le COVID-19, le réseau de pouvoir et l’Etat d’exception, trop de virus !
https://iaata.info/Morbihan-Le-COVID-19-le-reseau-de-pouvoir-et-l-Etat-d-exception-trop-de-virus-4070.html]

[8] Ce dimanche 15 mars le ministère de la Justice annonce la suspension des jugements, sauf les « contentieux essentiels ». Les audiences en comparution immédiate sont maintenues…

[9] Ce n’est pas impossible d’obtenir tout ça. Même dans la [dystopie capitaliste américaine→https://itsgoingdown.org/autonomous-groups-are-mobilizing-mutual-aid-initiatives-to-combat-the-coronavirus/] des décisions similaires ont été prises

[10] Des groupes Télégram et Facebook locaux et nationaux existent avec des ébauches de tracts d’entraide préremplies, de cartographie, de tuto divers, de manière de mettre en place concrètement la solidarité

https://iaata.info/Contre-le-virus-contre-la-peur-Solidarite-et-entraide-4089.html