En réponse à la venue de cette créature réactionnaire et fascisante à Brest, une quinzaine d’associations et de partis de gauche avait appelé à un pique-nique antifasciste en face de l’hôtel de luxe où la « candidate du peuple » devait tenir sa conférence.

Puisque je ne pouvais pas supporter la présence de Marine Le Pen dans ma ville, j’étais présent lors de ce rassemblement pour m’opposer à sa venue, malgré mes reticences à manifester aux cotés des organisations à l’origine de l’appel.

Ce fut bien sûr l’occasion de se faire rebattre les oreilles de discours plein de démocratie, de république et de citoyenneté par toute la brochette de bureaucrates et de petits chefs de la gauche brestoise.

Voir ces organisations se revendiquer de l’antifascisme m’emplissait d’un mélange de mépris et d’hilarité. L’histoire de ces organisations consiste à mes yeux en une longue oeuvre de décrédibilisation de l’idée d’émancipation qui a pour conséquence d’alimenter naturellement les mouvements qui oeuvrent à la perpétuation de l’oppression de toustes, notamment les mouvements fascisants.

Parmis les 15 organisations à l’origine de ce rassemblement on retrouvait notamment le Parti Socialiste et le PCF

Pour rappel :

Le parti socialiste, de 2012 à 2017 a mené une offensive sans précédent contre les libertés publiques et les droits des travailleur.ses. Il a réprimé le mouvement social causant des dizaines de blessé.es dans nos rangs. Il a mené une politique agressive contre les éxilé.es. On peut aussi évoquer tous les scandales de détournement de fond public et autres affaires de corruption qui rythment l’histoire de ce parti. De plus tout ce qui a été mentionné précédemment n’est rien d’inhabituel pour ce parti qui s’est spécialisé depuis bien longtemps dans la trahison systématique des personnes qu’il prétendait représenter.
Localement le PS c’est aussi des détournements de fonds à la mairie de Brest, ainsi que des politiques d’embourgeoisement et de marchandisation de l’espace public qui visent à terme à faire de notre ville un parc d’attraction pour petit.es-bourgeois.es et cadres dynamiques.

Le PCF, ancien parti stalinien reconverti à la sociale démocratie de bas étage, n’est pas en reste dans l’hypocrisie et le ridicule. C’est un parti qui a discrédité les idéaux de communisme, de fraternité et de sororité universelle en s’empétrant dans le soutien à des régimes tyranniques et dans le culte des chef.fes et des bureaucrates. Plus largement, tout comme le parti socialiste, son action politique s’est au final toujours résumée à contrôler les classes populaires en prétendant faire leur bien à leur place. Plus présentement à Brest, le PCF a renouvelé son soutien au candidat socialiste François Cuillandre, maire sortant pris dans les scandales cités plus haut.

Je vais m’arrêter à ces deux structures parce que je n’ai pas assez de temps à perdre pour faire la liste de toutes les trahisons, de tous les petits chefs, de tous les bureaucrates accros au contrôle, de toutes les collaborations et compromissions avec l’Etat et le système économique capitaliste qui font l’histoire et le présent de la plupart des organisations à l’origine de ce pique-nique.

Dans tous les cas quand on regarde l’action politique concrète de ces organisations, on voit bien qu’elles ne peuvent que jeter le discrédit sur toutes les luttes dans lesquelles elles s’impliquent, et notamment ici dans le cadre de l’antifascisme. Et ce qui m’a inquiété et dérangé lors de ce rassemblement c’est de voir que ces organisations, qui sont incapable d’opposer un projet, des pratiques et une ethique politique forte au fascisme, prenait toute la place et que toutes les personnes qui étaient venues ici pour s’opposer légitimement à la présence de Marine le Pen s’y retrouvaient amalgamées.

A ce rassemblement j’ai croisé pas mal de camarades et de personnes qui se revendiquent révolutionnaires. C’est à dire qui luttent en ayant l’émancipation universelle pour horizon.

Et ce sont en bonne partie ces personnes qui ont permis l’envahissement du hall de l’hotel et donc le déplacement à la dernière minute de la conférence de presse de Marine le Pen dans le local miteux du RN à l’autre bout de la ville. Puis ce sont ces personnes qui ont tenu à poursuivre la présidente du RN jusqu’à son nouveau lieu de conférence pour partie d’entre elleux. Tandis qu’une autre partie du groupe partait bordeliser le local de campagne de la non-moins répugnante Bernadette Malgorn.

Bref ce jour-là des révolutionnaires était présent.es en nombre et ont agi de manière relativement offensive, et en définitive assez efficace pour empêcher la conférence de se tenir. Alors même que la plupart des bureaucrates et des politiciens de gauche étaient rentrés chez eux une fois le micro remballé et n’ont donc rien fait face à cette situation. Si ce n’est faire les coqs devant la presse sur leur tribune. C’est pourtant eux qui en ont récolté toute l’attention médiatique et tout le mérite.

C’était assez triste de voir qu’on était là en nombre, mais que par manque de confiance en soi et de coordination nous n’avions pas reussi à formuler notre propre appel avec notre propre discours et que nous nous sommes retrouvés associé.e.s à tous ces discours creux sur la république et la citoyenneté. Bref nous nous sommes retrouvé.e.s encore une fois à la marge de la gauche alors que nous avions toute la légitimité à ce moment pour prendre de la place et s’assumer comme une force politique à part entière, avec ses propres enjeux, méthodes et projets.

Je considère que ce que nous avons à dire sur le fascisme et à proposer contre lui est bien plus intéressant et conséquent que ce que proposent ces organisations et que nous devons dès que nécessaire prendre l’espace politique pour diffuser notre discours, nos pratiques, notre projet politique.

De plus, il est plus que temps de mettre tous ces gauchistes bureaucrates face à leurs compromissions et leur rôle d’allié.e.s objectifs.ives de ce monde. Et c’est dans notre interêt et dans l’interêt de la lutte antifasciste que de poser des lignes de fractures politiques et de faire vivre un projet politique différent de celui de la gauche. A mes yeux on passe, à raison, pour des guignols et des hypocrites en frayant avec ces gens sans s’en dissocier clairement.

Un antifascisme conséquent est un antifascisme révolutionnaire, qui construit de réelles perspectives de bouleversement de l’ordre actuel, qui construit au quotidien la maîtrise de chacun.e sur sa vie, la maîtrise par les pauvres et les personnes broyées par ce monde de leur destin. Il n’y a qu’ainsi qu’on peut couper l’herbe sous le pied de mouvements comme le Rassemblement National qui prétend défendre les intérêts des classes populaires mais n’est qu’un rassemblement d’opportunistes qui n’ont pour seule pratique réelle que de perpétuer l’ordre capitaliste qui pourrit nos vies chaque jour. Et ce notamment en montant les pauvres et les dépossédé.es de ce monde les un.es contre les autres (c’est à dire en étant un agent du système raciste et patriarcal notamment).

Un antifascisme conséquent ne laisse pas la possibilité à un parti comme le Rassemblement National de se faire passer pour le parti du peuple, parce qu’un antifascisme conséquent est l’émanation d’un mouvement des opprimé.es pour leur émancipation et contre celleux qui visent à les maintenir dans l’oppression.

Un mouvement contre le fascisme est un mouvement pour la liberté.

Or, Il est imposible de construire un tel mouvement en s’alliant à des corrompu.e.s, des traîtres, des bureaucrates, des affairistes qui ne sont pas capables d’autres choses que de perpétuer le statu-quo et qui ressemblent plus à des vestiges du passé plutôt qu’à une force politique propre à affronter les enjeux de l’époque. Et qui ne luttent en réalité pas pour la liberté mais pour la perpétuation de leur rôle d’encadrement social au sein du système républicain et capitaliste.

La république n’est pas la liberté.
L’économie capitaliste, même de gauche, n’est pas la liberté.

On s’etonne alors de voir des organisations qui se revendiquent révolutionnaire comme la CNT et L’UCL s’associer à cette initiative et aposer au bas d’un appel leur signature aux cotés de telles personnes. Quel intéret en tirer si ce n’est de s’intégrer au petit monde des chefs de partis et de syndicats ? Qu’avons-nous à y gagner ? Pour ma part je considère que nous avons tout à y perdre.

En faisant des choses pareilles on peut croire gagner des allié.es et de la force. Mais en vérité on se rapproche de personnes qui ne sont pas digne de confiance, et dont le projet politique, malgré ses atours bien-pensant et son vernis « démocratique », n’est que de perpetuer un monde de séparation et d’oppression.

Et en se rapprochant de ces personnes on s’aliène toustes celleux qui ne sont plus dupe de leur manigances, de leur bien-pensance, et de leur hypocrisie. C’est à dire à peu près tout le monde.

Opposer un mouvement fort à la montée du fascisme en France ne passera jamais par le fait de faire front commun avec n’importe qui mais bien par la construction d’un réel mouvement antifasciste radical qui soit capable d’opposer aux oppresseureuses de tous bords et de tous types une réponse collective forte et qui rende ses lettres de noblesse à l’idée d’émancipation. Des alliances de circonstances peuvent s’envisager et ont toujours lieu dans tout conflit, mais ce ne doit pas être au détriment d’une stratégie de fond.

Qui frémi d’espoir en voyant une bande de gauchistes tout en chasubles et en drapeaux si ce n’est une minorité de militant.es passéistes ?

Comme l’ont montré les dernières années, la gauche est mourante, et c’est très bien. Il est temps pour le mouvement révolutionnaire de la laisser couler pour ne pas être entrainé avec elle par le fond. Nous avons un réel interêt et une vraie responsabilité historique à nous dissocier de ces organisations et à construire notre propre force, nos propres projets, nos propres rêves.

En cela, la lutte contre les fascistes n’est pas différente de toutes les autres luttes. Et les problèmes dont cette action en particulier est révélatrice, sont aussi présents lors des mouvements sociaux, et dernièrement lors du mouvement contre la réforme des retraites. Nous avons une vraie difficulté à assumer une dissociation vis à vis de la gauche et nous nous retrouvons toujours à sa marge, noyé.e.s et perdu.es dans son discours, dans son folklore, dans son discrédit.

Si, en tant que révolutionnaires, on est parfois amené.es à frayer avec la gauche dans le cadre de luttes particulières pour des raisons liées au contexte ou aux liens historique que le mouvement révolutionnaire entretient avec elle, nous poursuivons nos propres buts qui ne sont pas les mêmes que ceux de la gauche et qui à terme ne sont pas compatible avec son existence.

Nous devons être capable de porter nos propres agendas, de mettre en place des actions conséquentes, et d’être perçu.es comme une force autonome qui n’est pas compromise avec toutes ces organisations et leurs pratiques.

S’associer à ces organisations nous permet juste de fermer les yeux sur notre faiblesse numérique, et donc de remettre à plus tard la question de la multiplication de notre force propre. Mais à faire cela, on ne gagne rien, on se tire une balle dans le pied. On se voue soit à l’invisibilité soit au discrédit. Dans tous les cas, à l’impuissance.

Dire cela ce n’est pas se complaire dans une radicalité de façade, c’est inviter à penser à l’avenir. Le danger fasciste est bien trop réel pour rester bloqué.es dans nos postures et notre folklore.

Dire cela ce n’est pas non plus dire que nous n’avons rien à apprendre et que nous sommes prêt à affronter l’ennemi fasciste. Notre camp est faible, nos projets flous, notre implantation sociale minime, nous avons fort à faire pour être à la hauteur des enjeux. Mais il est clair pour moi que nous avons la possibilité de porter un véritable changement social radical là où la gauche n’est bonne qu’à se vautrer éternellement dans l’échec et dans l’inconséquence.

Construire une force à partir de peu peut sembler effrayant, mais j’y vois plus d’espoir qu’à tenter de ranimer le cadavre d’une époque bienheureusement révolue.

Quelqu’un qui veut retourner ce monde à l’envers