Depuis quand les keufs sont nos amis ? Depuis quand s’acoquine t-on avec l’ennemi ?
Mais je vais cesser de suite de parler au « on », car il est évident que ce « on » ne vaut rien. Dans mon « on », il n’y a pas de place pour cela. Il est clair. Évident, qu’on ne parle pas à la police. Qu’elle soit de gauche, de droite, babos, en reconversion en naturopathie ou que sais-je encore. On ne parle pas à la police. Et on ne devient encore moins amiE avec elle. Mes amiEs ne copinent pas avec la flicaille, je ne copine pas avec la flicaille et tu ne devrais pas copiner avec la flicaille. Je pourrais continuer à le conjuguer ad lib. Faut-il encore repréciser, en 2019 pourquoi les flics ne peuvent pas être nos alliés ? J’ai très peu envie de réexpliquer des basiques. Comme dirait l’autre c’est pourtant : simple. Basique.

En apprenant les mathématiques, j’ai appris que les ennemis de mes ennemis sont aussi mes ennemis. Simple. Basique. Encore une fois. Alors ne t’étonne pas si j’te claque la porte au nez. Ne viens pas m’expliquer comment t’as pu tomber sous le charme d’une condé. Une condé, reste une condé. La meilleure des condés restera une sale raclure de condé. Elle aura beau traiter aussi bien qu’elle le souhaite les personnes qu’elle arrête, elle continuera à les arrêter. Aussi gentiment ouvrira t-elle la porte de nos cellules, elle continuera à nous la fermer sur la gueule. Elle pourra sourire, parler sans hurler, ne pas frapper, ne pas tuer, elle restera une sale keuf. Une keuf reste une keuf. Garante du bon déroulement des choses. Elle traquera les malfrats, les voyous, les galériens, les pauvres. Tous les pauvres. De façon générale. Elle mettra en geôle la misère. Sans réfléchir. Parce que la police ne réfléchit pas. La police applique. Bêtement. La police applique bêtement les règles dictée par l’état. La police tue et assassine pour maintenir l’ordre. Elle nous humilie, nous insulte. Nous fouille. Nous contrôle. Nous rabaisse, nous tabasse… pour nous faire entrer dans le rang. Pour nous y maintenir. La police n’est que le chien de garde de l’état. La police ne peut pas être notre alliée. La police traque, la police rafle. La police est raciste, sexiste, transphobe, putophobe, grossophobe, homophobe, islamophobe. Faire partie de la police c’est devenir une machine. C’est renoncer à penser. C’est faire partie de cette machine qui broie les gens. C’est accepter sans broncher, et souvent avec fierté. Sans jamais remettre en question, les ordres donnés. La police tu choisis d’y entrer. Par choix. Par patriotisme. Ou par quelconque illusion absurde. Par conviction. Pas par nécessité. C’est pas comme aller taffer à l’usine. C’est pas comme aller au turbin pour se payer un bout de pain, parce que y’a rien d’autre à faire. C’est un jour, se dire qu’en s’engageant tu vas changer le monde. Et y croire. En maintenant l’ordre établi par les riches et les puissants. Par les blancs pour la plupart homme cis. La police ne fait qu’exécuter sciemment.

En réalité je ne sais pas ce que c’est que d’être keuf. Je ne connais pas cette envie de vouloir servir et protéger mon pays, ma patrie. Avec force et honneur. Parce que je conchie le patriotisme dégueulasse. Je conchie ce racisme nauséabond. Je conchie ce classisme puant. Je vomis les uniformes et le bleu des gyrophares me donnent des céphalés.
Je ne peux que voir et constater ce que la police fait. Le rôle qu’elle joue. Les morts. Les mutilés. Les enfermés. Les privés de liberté. Je ne peux que constater les barreaux, l’odeur de pisse, les insultes, les coups. Il n’y a pas de bon flic. Il n’y a pas de bon flic comme il n’y a pas de justice. Il n’y a que des sales larbins de l’état.

Alors comment une keuf pourrait devenir mon amie ? Comment pourrais-je un jour me retrouver à sa table, à partager des bribes de ma vie avec un ennemi ? Je sais qui sont mes ennemis, et je fais tout pour m’en tenir éloignée. Simple. Basique.

Il s’agit d’une histoire de GAV qui aurait pu être ordinaire. Simple. Basique. Menottes trop serrées, quelques bons gros hématomes, des insultes sexistes en pagaille… rien de bien surprenant. Jusqu’ici tout va bien. Dans le meilleur des mondes. La police fait son métier. Comme il faut. En « utilisant la force adaptée ». A trois sur une personne. Simple. Basique.
Ouais, il s’agit d’une histoire de GAV qui a commencé comme une GAV normale. Dans une cellule crasseuse, qui pu la pisse, la merde et la sueur. La base. A trois sur un matelas. Normal. Et puis au bout d’une vingtaine d’heures, y’a une flic en vilci qui arrive et nous (ma comparse de galère et moi) fait sortir de notre geôle. Sans rien dire. Dès qu’il n’y a plus de caméra et de bleus en présence, elle nous dit pour nous « rassurer » visiblement… qu’elle est pote avec L. une meuf qu’on est censé connaître. Et là y a l’embrouille. Autant dire que cela ne me rassure pas du tout. Déjà je ne connaît pas cette L. en question. Et en plus je suis bien étonnée qu’une personne que je suis censée connaître soit amie avec une flic. Cette personne en question fréquente le milieu féministe marseillais et militant de façon plus large et copine avec UNE flic. Une ou dix … même combat mais a priori c’est important de le souligner. Donc, je suis dans le sas du comico avec ma codétenue, et cette keuf qui se dit être une alliée. Cette dernière nous invite à boire un café. Autant dire que j’ai l’impression d’être dans un mauvais film. Je suis pas sereine. Mais j’y vais. Je veux pas faire d’esclandre. Et puis je suis fatiguée, j’ai mal partout parce que les crs n’y sont pas allés de main morte pour m’arrêter, j’ai peu dormi et j’ai une bonne gueule de bois et puis surtout je sais pas quoi faire d’autre. Merveilleux. Bref. Me voilà en train de boire un café avec une keuf. Elle nous demande direct ce qu’on a fait. Histoire de nous mettre à l’aise, hein. « Rien madame le commissaire ». Ahah. Comme si j’allais plus parler autour d’un café. Enfin… j’ai parlé et c’est bien ça le problème. Et c’est ce qui me mange le cerveau à l’heure actuelle. J’ai rien dit de bien embêtant mais j’ai parlé à cette condé. J’ai accepté son café, rien que pour voir la couleur du ciel. Elle nous a parlé d’elle. Pour nous mettre à l’aise encore sûrement. Ça fait 15 ans qu’elle est dans la police. 15 ans… mais « bientôt » elle arrête. Par « bientôt » elle entend 4 ou 5 ans. On pourra rediscuter de ce relatif « bientôt » … Car bientôt c’est trop tard. Elle arrête bientôt pour se reconvertir professionnellement. Elle veut être naturopathe. C’te blague. J’ai envie de rire, je te jure. Parce que ça à l’air important, elle insiste. Comme si la naturopathie lui donnait un air de gentille, de petite mignonne. Comme si ça pouvait la purifier. Mais chérie, t’es flic. Enfin… j’ai bu ce café, que j’ai regretté d’avoir bu. Elle a fait semblant devant ses collègues de nous montrer des vidéos. Très drôle aussi comme détail. Elle a prétexté devoir nous montrer des vidéos pour qu’on identifie des gens (pour qu’elle puisse nous faire sortir de nos cellules). Genre comme si j’allais à un quelconque moment participer à ça. Limite j’aurais préféré qu’elle me convie à une séance de poucaverie pour de vrai, j’aurais pu refuser plus catégoriquement. Mais bon, bien sûr vu qu’elle est sympa, c’était juste pour leurrer ses collègues. Elle a pris de gros risques quand même. Peucherette. Et pendant tout ce temps, elle communiquait avec son amie. L., la pookie. Par sms, tranquilou bilou. Cette situation est complètement incongrue, complètement déconcertante. Je me suis retrouvée malgré moi à copiner avec une flic. Purée. Je m’en suis voulu. Je m’en veux. J’aurais du refuser. J’aurais du rester en cellule. Mais j’ai pas tellement eu le choix non plus. J’aurais dû ne surtout pas boire ce café, qui n’a fait qu’alimenter ma parano. A juste titre. Pourquoi m’a t-on imposée cette situation ? Pourquoi m’a t-on forcée à subir cette situation ? CertainE me diront que j’aurais pu résister, rester en cellule, ne pas accepter ce café. Je sais. J’aurais pu. Et voilà ce à quoi ce café m’a permis finalement. C’était ni une bouffée d’air, ni un moyen de m’extraire de ma cellule, mais plutôt de m’enfermer dans ma parano. C’était juste rajouter des éléments oppressants à une situation de répression. Parce que c’est des méthodes de flics bien connues. Le bon flic. Qui te parle gentiment, qui te paye une clope, un café et qui te nique bien après. Je le sais. Elle n’a pas arrêté de nous dire qu’elle prenait de gros risques à faire ça… mais qu’est-ce que j’en ai à foutre, sérieusement ?! J’étais bien mieux dans ma cellule en paix avec moi-même et avec mes choix. J’aurais préféré ne pas avoir à dealer ce truc en plus. Cimer ! Comme quoi avoir une amie flic n’est pas une bonne idée.

Donc pour résumer, j’me suis retrouvée en GAV après m’être fait’défoncer par des CRS complètement déchaînés. J’me suis faite interpeller pour une soit disant dégradation de grillage à l’aide d’un marqueur. Faudra quand même qu’on m’explique comment on dégrade un grillage avec un marqueur… mais bon, soit. Les vigiles qui devaient porter plainte ne sont jamais venus et ce chef d’inculpation est donc tombé. Mais je suis accusée « d’avoir à Marseille résisté avec violence » à Jérôme et Guilhem. Et d’avoir « commis un outrage par paroles, gestes ou menaces de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect » de Jéjé et de Guigui en les insultant je cite de « fils de putes, enculés de flics ». Évidement. Mais j’vais pas m’attarder sur le fait qu’évidement je n’ai pas insulter les flics « de fils de putes ni d’enculés », hein. Ça semblera limpide aux yeux d’un certain nombre de personnes. Faudrait, messieurs les agents, songer à mieux se renseigner sur le milieu féministe ! Et surtout au grand damne de toutes la flicailles j’ai refusé de donner mes empreintes et mon adn. Et ça, vraiment ils n’aiment pas du tout, du tout.
Donc GAV de merde pendant laquelle on m’impose le fait de devoir tenir un secret. Je ne dois pas parler de cette flic, qui vient nous voir sous un faux prétexte, pour soit disant nous donner des infos, pour soit disant nous aider. Ce qui n’est évidement pas vrai. Je ne peux pas en parler. Heureusement que je suis avec ma codétenue, quand même. Ça égaille toute cette pagaille. Mais comme si la situation de la GAV n’était pas assez lourde. Entre les coups, la douleur, et la menace de nous envoyer aux Baumettes… fallait encore qu’on se coltine une pote de pote qui pensait bien faire. Mais si tu pensais bien faire, chérie, t’aurais pas commencé à copiner avec une condé. Simple. Basique. Non ? Ni à en faire état publiquement, ce qui nous contraint actuellement à nous préoccuper collectivement de cette situation. Car les personnes doivent savoir cela avant de s’organiser. Et choisir si elles souhaitent accorder ou non leur confiance à une pote de keuf. Le consentement. La base.

Pour résumer. Il n’y a pas de place dans nos espaces pour les keufs. Il n’y a pas de place dans nos espaces pour les amiEs des keufs. Il n’y a pas de place dans nos espaces pour les amiEs, des amiEs des keufs. Aussi intransigeant que cela puisse être. Je suis et je resterai intransigeante. Peut-être que je manque d’empathie. Peut-être que je suis trop radicale. Trop puriste. Trop ceci trop cela. Mais je sais de qui je ne veux pas m’entourer et je resterai ferme là-dessus. Car il n’y a, et n’y aura jamais de bon flic.
Pas de place pour les poucaves et « advienne que pourave ».

P.S : Un texte a tourné par boite mail dans lequel la personne en lien avec la police explique la situation de son point de vue. Ce texte n’est en aucun cas une réponse. Ce texte avait pour but premier de témoigner et de donner un avis clair.
Par ailleurs, je trouvais important de souligner, que depuis 2ANS, si ce n’est plus, des personnes sont au courant et cautionnent qu’une personne relationne avec une keuf… C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup…