CORTÈGE DE TÊTE

A Nantes le matin, la foule se masse sous les remparts du Château des Ducs, sur l’esplanade maussade du Miroir d’eau. Il y a beaucoup de monde, plus que le 5 décembre, et le cortège met du temps à se structurer. La manifestation démarre, avec la jeunesse à l’avant. Progressivement, le cortège de tête enfle, il finit par regrouper des milliers de personnes. Une foule multicolore et bordélique, avec des lycéens, des Gilets Jaunes, des syndicalistes, des parapluies, de la musique. Sans doute le plus gros cortège de tête jamais vu à Nantes. Des musiciens jouent, les slogans sont plutôt repris, et derrière, la Cagette des Terres venue de Notre-Dame-des-Lande distribue des boissons et diffuse du bon son.

PRIS EN ÉTAU

D’entré de jeu, la répression est étouffante. Très visible, pour intimider. Il y a de nombreux contrôles en amont, et surtout, des centaines de gendarmes directement au contact de la manifestation. La police est partout. En rangs serrés, matraque en main, les forces de l’ordre encerclent sur plusieurs dizaines de mètres l’avant de la manifestation. Cette promiscuité provoque le vol d’un écusson par un manifestant espiègle sur un gradé. Mais cet encadrement humiliant refroidit considérablement l’ambiance et nourrit un fort sentiment d’impuissance. En plus de cette nasse mobile, d’autres lignes sillonnent les rues parallèle : l’espace est entièrement militarisé. Il y a sans doute plus de 1000 policiers, un dispositif comparable aux mobilisations nantaises les plus dures. Dans le quartier de la Cité des Congrès, les nombreux sièges de banques et d’assurance sont férocement gardés. La BAC en cagoule prend la pose au milieu des décorations du réveillon. Magie de Noël.

TENIR LA RUE

Alors qu’un premier tour prend fin, on se rend compte qu’il y a énormément de monde. La tête la de manif coupe la fin du défilé au miroir d’eau : c’est la CFDT qui préfère arrêter de manifester plutôt que de se mélanger au reste de la manif. L’ambiance se dégèle un peu. Les premiers tags apparaissent dès qu’un morceau de mur se libère. Un canon à eau entre en action à la préfecture. Plus loin, des gendarmes sont copieusement repeints en couleurs vives. Ils noient le cours des 50 Otages de gaz. C’est le début de plusieurs heures de lacrymogène en continu. Des escarmouches se répètent le long du cours. Un bruit court et réjouit tout le monde : le courant est coupé par des grévistes de chez EDF dans le centre-ville. Les camions syndicaux se mélangent aux manifestants en noir. La Cagette des Terres passe du rap au milieu des gaz. La situation est assez confuse. Les forces de l’ordre empêchent le départ d’un troisième tour. Un cheminot est arrêté. Des salariés de GDF en tenue tentent de forcer une ligne de BAC en appelant les black blocs à les soutenir. Ils seront violemment repoussés.

SANTÉ

Une partie des manifestants parvient à se rassembler devant le CHU, en solidarité avec la manifestation du personnel hospitalier prévue à 14H30. La Cagette sert des soupes. Mais les gendarme, visiblement en roue libre, aspergent à nouveau la cantine de lacrymogène, et frappent des manifestants. Nouveau moment de confusion. Des gaz sont tirés en abondance autour de la maternité, l’épais nuage toxique force une vingtaine de femmes à évacuer. Des grenades seront tirées en bord de Loire, sur un pont. La manifestation des soignants pourtant déclarée subit aussi la répression, et sera repoussée vers l’ouest de Nantes. Pendant ce temps, des manifestants, souvent Gilets Jaunes, se regroupent à la croisée des trams et subissent la guérilla chimique des agents de l’État.

Cette journée aura donc été marquée par une mobilisation très forte : 60 000 personnes à Nantes et Saint-Nazaire. Mais la répression et le manque d’audace n’auront pas permis de tenir durablement la rue. Une autre manifestation a lieu ce jeudi, à 10H30, au départ de la Gare Sud. A suivre !