On ne va pas (se) mentir
À propos d’une grève

« Les années passaient. L’aller et retour des saisons emportait la vie brève des animaux, et le temps vint où les jours d’avant le Soulèvement ne leur dirent plus rien. Seuls la jument Douce, le vieil âne atrabilaire Benjamin, le corbeau apprivoisé Moïse et certains cochons se souvenaient encore ».

George Orwell, La Ferme des animaux.

En fonction de nos situations, on fera grève ou pas.

…On sera sincère, cela ne sera pas pour défendre la retraite, car on n’est même pas sûr d’arriver jusqu’à cet Eldorado.

Avoir quelque chose pour survivre « dignement » comme on dit chez les curés, on n’y compte pas.

Mais comment peut-on imaginer ne vivre qu’à moitié ?

Si on s’y pointe, si on en est, c’est parce qu’on en a marre de se lever, de répéter les mêmes choses chaque matin.

De faire les mêmes longs trajets inutiles, d’avoir des rapports de merde avec des collègues, des clients, des « gens », et finalement avec nos ami(es), nos amours.

D’être soumis aux cadences du boulot, aux injonctions des petits chefs, des patrons, à la logique mortifère de l’accumulation des « richesses » et la tristesse des lieux fonctionnels et communs.

Quand chaque matin, la lumière de l’aube pointe à l’horizon, on se demande comment il peut être simplement concevable d’envisager, au-delà de la nécessité et du rapport de force, c’est-à-dire du « salaire » de continuer à aller hanter le grand dépotoir, mouroir du capital ?

Comment se fait-il que nous en soyons à vouloir, ou à désirer à être invités à négocier sur la longueur d’une laisse déjà si courte ?

À passer la majorité de notre existence à suffoquer dans les couloirs noirs de la marchandise ? De se plier à ce dressage quotidien, de le proposer comme modèle aménageable, de le souhaiter comme perspective ?

Comment se fait-il que perdre sa vie à la gagner comme on disait il fut un temps qui paraît bien lointain, ne soit plus LA question.

Ce monde se rêve en bio, en vert et en frontières bordées de cadavres. Il ne songe qu’à approfondir la supercherie de l’aliénation démocratique.

Nous ne voulons plus de gouvernements et d’États, pas plus de cette gouvernance des prothèses qui permet aux nouvelles hiérarchies tribales ou néo féodales d’imposer un calendrier de la peur comme consolation des « petits ».

En conséquence on nous ne verra pas derrière les partis, les syndicats ou même à côté d’autres pantins du capital : les pleurnicheurs gauchistes.

Car il n’y aura jamais rien « d’équitable » à se vendre. C’est de cela dont il est toujours question.

Car le temps payé ne revient plus

Vosstanie le 29/11/2019
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