« Avant que Evo Morales ne soit contraint de démissionner, une liste de noms à chasser avait commencé à circuler; son application s’est accélérée à partir du 10 novembre. La stratégie de décapitation et de persécution des partisans d’Evo Morales a fait partie de l’architecture du coup d’État qui évolue selon une série d’étapes prévues. 

– La première était de forcer la démission d’Evo Morales et Álvaro García Linera. 

– La seconde, construire un gouvernement de facto, s’est matérialisée à partir de l’auto-proclamation de Jeanine Añez.

– La troisième, initié avant et approfondie ces jours-ci, concerne la persécution des dirigeants, avec le début des répressions militarisées. Cette dernière a été annoncée avec le décret d’exempter les forces armées de la responsabilité pénale et d’octroyer un budget supplémentaire de quatre mille huit cent millions de dollars.

– La quatrième étape est celle en cours d’élaboration qui ne s’est pas encore concrétisée, à savoir la convocation d’élections générales, pour lesquelles de nouveaux responsables du Tribunal électoral suprême et des tribunaux électoraux départementaux doivent être nommés. 

C’est le point le plus complexe pour les meneurs du coup d’État. La nomination des autorités du TSE (Tribunal suprême électoral) doit passer par le pouvoir législatif, où le Mouvement pour le socialisme (MAS) compte les deux tiers. Le gouvernement de facto et les véritables pouvoirs après le coup d’État cherchent à forcer l’accord avec le MAS à accepter l’appel électoral selon leurs conditions. Cela signifie que le MAS reconnaisse Jeanine Añez comme président, accepte les autorités électorales imposées et, simultanément, la proscription de Evo Morales.

– La cinquième et dernière étape sera l’élection en tant que telle. Il n’y a toujours pas d’accord dans le bloc des meneurs du coup d’Etat sur la date. Fernando Camacho a déclaré que la date limite pour le concours était le 19 janvier – le 20 mettrait fin au mandat d’Evo -, tandis que d’autres ont déjà fait savoir qu’il n’y avait pas de conditions pour réaliser les élections en janvier. Ce point est au cœur de la structure du coup d’État qui, dès le début, a été présentée comme « démocratique » et a donc été soutenue par le président Donald Trump et son administration, par le secrétaire de l’Organisation des États américains, Luis Almagro, et par l’Union européenne. […]

Voir aussi :

Un président « invité » à démissionner par son chef d’état-major. Des forces de police tirant sur des manifestants. Une chasse aux sorcières qui conduit à l’arrestation d’anciens dirigeants politiques et en contraint d’autres à la clandestinité. Des médias fermés, des journalistes incarcérés pour « sédition », des parlementaires empêchés d’accéder à l’Assemblée nationale, une sénatrice qui s’autoproclame présidente et qu’une photographie immortalise, tout sourire, recevant l’aide d’un militaire pour enfiler l’écharpe idoine. Des généraux, enfin, qui prennent la pose, le regard barré de lunettes de soleil… S’il y a une question que, a priori, la situation bolivienne ne soulève pas, c’est celle de savoir si elle répond à la définition d’un coup d’État…….

https://www.monde-diplomatique.fr/2019/12/LAMBERT/61150