Sur bureburebure, il n’y a pas de comité organisé de publication et vérification de publication. Cependant à la lecture de ce texte, on est 2 à avoir décidé de déplacer ce texte initialement comme document à la une, mais il reste consultable dans mémoire vive avec ce petit chapeau en plus. Une partie des propos est clairement problématique pour avoir une vocation de décrédibiliser une personne victime d’une agression et de vouloir comparer des luttes.

Un texte a été récemment publié sur les sites « Indymedia Nantes », « Bureburebureinfo » et « Manif’Est » intitulé « Agression sexiste à Bure , La hiérarchisation des luttes ».

Ce texte est écrit pour répondre à un ensemble de positions qui me semblent problématiques. Aussi, il tient à restituer une certaine réalité des faits car une partie de ceux-ci ont été rajoutés et ont eu pour effet de reproduire un stéréotype raciste qui est généralement porté dans les discours dominants, y compris dans les milieux blancs libertaires qui s’autodécrètent antiracistes. Aussi, il porte une totale négation de l’existence de comportements racistes
Il s’attend à une censure auprès des médias libres qui ont relayés le texte critiqué, tout simplement parce qu’il sont généralement modérés par des Blanc-he-s et que la blanchité des modérateur-trices tranchera le conflit entre le féminisme blanc et l’antiracisme pour la première par solidarité raciale. Qu’iels sachent qu’une telle censure ne pourra passer inaperçue, notamment dans les réseaux antiracistes, et qu’elle ne fera que renforcer notre volonté de lutter contre le racisme ordinaire et prégnant dans les milieux d’extrême gauche quasi-exclusivement blanc.

En effet, il y a eu une agression sexiste à Bure : j’ai mis une claque à une personne assignée femme et je suis un mec assigné homme et racisé. Je ne remettrai pas en cause que le coup a été porté fortement ; je n’ai aucunement l’intention de minimiser mon geste, ni le ressenti de la personne agressée, ni les traumatismes que ce geste a provoqué.

Bien entendu, je m’excuse auprès de cette personne de l’avoir agressée. En réalité, la reconnaissance de l’oppression a été faite le lendemain même de l’agression pendant une discussion à la maison de la résistance. Cette reconnaissance a eu lieu devant le fameux G.. En tant qu’organisateur de cette soirée faite pour soutenir son « fanzine », il aurait très bien pu informer la victime de l’agression de cette reconnaissance. Mais, il me semble qu’une excuse ne vaut rien du tout, tout comme les excuses adressées à la personne avant l’embrouille pour avoir marché sur son micro. Etre une personne inexcusable pour une faute commise, je connais déjà cela et il me semble important que les Blanc-he-s se questionnent sur la façon, de traiter les non blanc-he-s lorsqu’ils ne sont pas parfaits et irréprochables et comment ilselles valident ainsi un système raciste qui est intraitable avec les personnes racisé-e-s.

En tant que personne racisée, je subis quotidiennement à Bure, comme ailleurs, des agressions racistes et je déteste lorsque mes agresseur-euses osent remettre en question l’agression et le caractère raciste de l’agression. Il faut que les personnes concernées sachent que c’est ma condition d’opprimé qui ouvre à reconnaître les oppressions que je commets ; il est donc important aussi que des personnes blanches qui subissent des oppressions par ailleurs aient la même réaction lorsque je dénonce du racisme. Malheureusement, ce n’est pas le cas !

Ce texte me pose problème et ce n’est pas parce que je suis l’auteur de cette agression que je vais me taire, laisser se propager publiquement des mensonges et permettre aux auteur-e-s d’agressions racistes nier publiquement leurs comportements oppressifs et se cacher derrière des arguments relevant de la « racaillophobie », la « psychophobie » et cette idée puante selon laquelle les racisé-e-s seraient des racistes anti-blanc. LE RACISME ANTI-BLANC N’EXISTE PAS !!!

Je suis en colère lorsque je vois sur le site « Manif’Est » que l’on brandit la photo de bell hooks pour « illustrer » ce texte. Dans son livre Ain’t I a Woman ? (Ne suis-je pas une femme ?), bell hooks pose la problématique du sexisme subi par les femmes noires et comment le racisme a rendu longtemps invisible le sexisme qu’elles subissaient. Plus précisément, elle démontre comment le racisme a été souvent le seul angle d’analyse dans le traitement de l’esclavagisme, qu’il occultait la condition des femmes noires et qu’à l’intérieur des luttes féministes et antiracistes, il y avait une hiérarchie des luttes entre le féminisme blanc et le racisme. Les femmes blanches ont préféré la solidarité raciale à la sororité et des femmes noires ont préféré la solidarité antiraciste et mis de côté la question sexiste dans la classe des descendant-e-s d’esclaves.

La situation n’est pas comparable car ici une femme blanche de classe moyenne se trouve confrontée dans une soirée au sexisme d’un homme racisé issu de la classe ouvrière et inversement comment cette personne blanche a fait subir du racisme à cette personne racisée.

Pour moi, brandir la photo du livre de bell hooks n’est qu’un moyen pour les auteur-e-s de la publication d’invisibiliser le racisme subi dans le conflit, au cours de cette soirée et les jours précédents. En fait, c’est une « instrumentalisation de l’afroféminisme à des fins racistes »!

L’instrumentalisation de cette photo me mets d’autant plus en colère car, parce que je suis « noir », il faut qu’on brandisse une femme « noire » pour justifier que l’on puisse considérer que j’ai eu un comportement sexiste. Pour moi, cette démarche est en soi raciste. Si j’avais été Blanc, on aurait pas mis en avant bell hooks pour justifier que l’on puisse m’attribuer des comportements sexistes. Mais si j’avais été Blanc, comme je le démontrerais dans des exemples ultérieurement, je ne sais pas si ce texte aurait été publié sur des sites « libertaires »….Si j’avais été Blanc, je ne sais pas si on m’aurait pris autant la tête pour avoir marché sur des micros et bousculer une chanteuse…

Et cette photo augmente ma colère quand je vois qu’on dénature le concept de sororité ; ici, il s’agit de demander à des sœurs racisées de suivre sans réfléchir le féminisme blanc, alors que la sororité me semble un concept plus évolué qui s’articule, d’une part, entre une demande aux femmes blanche de rejeter toute forme de solidarité raciale et de prendre en compte dans leur combat la condition des femmes non-blanches et d’autre part, une demande aux femmes noire de prendre le courage de dénoncer le sexisme des hommes racisés et de ne pas culpabiliser parce qu’iels vivent par ailleurs du racisme.

Premièrement, il n’y avait pas d’autre personne non-blanche ce soir là, et quand je lis que j’ai tapé une de ses amies qui n’était visiblement pas blanche, je ne peux que répondre qu’elle ment. En fait, en ajoutant cet élément, l’auteure essaye de se renforcer dans l’idée qu’il n’y avait pas de racisme à cette soirée-là et que je ne suis qu’un mec ultra-sexiste qui aurait frappé n’importe quelle femme, ce qui me pose question. En effet, les lecteurices pourront se faire leur propre idée de la situation lorsque j’aurais fini de décrire l’ambiance, les dialogues houleux échangés et les réactions des blanc-he-s.

Cela ne me va pas aussi lorsqu’on me transforme en « bête » furieuse, sauvage, folle, capable d’actes que je n’ai pas commis.
Non, je n’ai pas plaqué à plusieurs reprises cette femme contre un mur, je n’avais pas tenté de la frapper avant que le coup parte (1) , et je n’ai pas non plus mis des coups dans cette voiture. Ces mensonges ont leur utilité.
Il faut que cette personne démontre que je suis « normalement violente » et que le coup n’est qu’un élément d’un déchaînement de violences qui ne trouveraient aucun fondement à part dans la folie et la sauvagerie que l’on essaye de m’attribuer. Ce n’est pas la seule à penser ça. Le lendemain, lorsque j’ai provoqué une discussion pour m’excuser du comportement sexiste que j’avais eu la veille mais aussi pour expliquer l’ambiance générale de racisme ordinaire que je subis à Bure, le fameux G. m’a répondu « tu voulais seulement te défouler contre les gens, ça rien à voir avec le racisme ». Contrairement aux oppressions sexistes, il n’est pas possible de demander à des personnes qui nous font subir du racisme de partir, de quitter les espaces et les inviter à se remettre en question sur les oppressions qu’elles font subir à des personnes racisées du seul fait de leur apparence dont elles déduisent un certains nombres de préjugés puisés dans leur éducation raciste.

On se retrouve dans une situation classique où l’on psychiatrise la colère des personnes racisé-e-s (comme on le fait aussi pour des femmes, des personnes trans, des prolétaires etc…). L’auteure tente de justifier cette psychiatrisation en affirmant que mes « cohabitant-e-s » lui auraient témoigner que ce n’était pas la première fois que j’étais « violent », qu’elles seraient « en colère contre moi », mais que dans le fond elles n’oseraient rien dire par « peur ».

Il me semble aussi nécessaire de revenir sur le déroulé des événements. Contrairement à ce qu’essayent de faire croire l’auteure de ces lignes, tout ne se passait pas forcément bien et je ne suis pas un individu isolé qui aurait eu des comportements anormaux contraires aux « bons comportements » des autres personnes présentes sur place.

Cette soirée, je n’ai pas participé à son organisation et j’avais déjà des problèmes avec certain-e-s de ses organisateurs-trices qui m’avait fait subir du racisme à plusieurs reprises (3) ….et je ne voyais cette soirée que comme un événement de Blanc-he-s et à la base je ne voulais pas y venir parce qu’il est difficile de se retrouver en tant que minorité visible dans une soirée quasi-exclusivement blanche et que l’on s’expose à une multitude d’agressions racistes qui, si elles ne passent pas par la violence physique, se diluent dans des agressions de types psychologiques, notamment par des regards de méfiance, des gestes de rejet implicite, des situations excluantes ou encore des remarques renvoyant les personnes racisé-e-s à la place assignée par le système raciste.

Vu de ma position de personne racisée, cet « événement » est un truc de gent-e-s blanc-he-s de « classes moyennes » ou issues de la « petite bourgeoisie précarisée » qui véhiculent leurs cultures, leurs modes de vie et un ensemble complexe de violences sociales qui, s’il on est une personne blanche, il est difficile de capter à part si des personnes racisées ont pris le temps de l’ éduquer pour qu’elle puisse elle aussi les repérer.

La première de ces violences est de considérer que je n’habite pas ce lieu ; comme le dit Fabe « peut-être qu’ils croient que les Arabes et les Noir-e-s sont arrivés avec la pluie (3)». Ce préjugé est une exclusion sociale et donc, une exclusion raciste car il n’y pas d’un côté la question de classe et de l’autre la question de race, et il n’y a pas non plus la question de la classe qui s’ajoute à la question de race mais une imbrication des deux questions : un-e non-blanc-he est pauvre et tous les non-blanc-hes sont perçus comme pauvres (4) !

Si les organisateur-rices, et les groupes se seraient débarassés un instant de leur racisme intégré consistant à croire que la maison de résistance et Bure en général ne serait qu’un endroit fréquenté par les Blanc-he-s et que les non-blanc-he-s ne serait que des gens de passage ou des personnes peu importante dans la vie et l’organisation de ce lieu (voire des luttes!!), ielles auraient pu constater que je suis une personne assez investie tant dans la vie du lieu que dans la lutte du nucléaire. A mon arrivée, ce lieu était dans un état qui ne donnait pas envie d’y passer car des Blanc-he-s avaient passé leur temps à en avoir rien à faire et il m’a fallu surmonter l’idée que je n’étais pas en train de nettoyer la merde des Blanc-he-s, comme de nombreuses personnes racisé-e-s le font dans ce pays de merde, pour rendre à nouveau ce lieu utilisable et accueillant. Ce fait a été soulevé lors de ma dispute avec l’auteure du texte qui m’avait dit : « Tu fais chier, nous on vient faire ce concert pour soutenir ce lieu et toi tu fous ta merde ». Ce à quoi je lui ai répondu : « T’as raison. Je suis juste le sale nègre qui a nettoyé ce lieu pour que des gent-e-s comme toi puisse faire des concerts ». C’est à ce moment que j’ai craché par terre ; j’étais tellement dégoûté que je préférais resalir à nouveau ce lieu car si l’investissement consiste à nettoyer un lieu pour que des dominant-e-s viennent ensuite me mépriser, je préfère leur rendre le lieu dans lequel je l’ai découvert.

Aussi, à aucun moment, ces personnes n’ont cherché à établir le contact avec moi et il m’a fallu, comme dans de nombreuses situations vécues dans la vie, « m’intégrer » à des espaces sociaux blancs. En effet, les Blanc-he-s sont éduquées à être au centre des choses, tandis que les personnes racisé-e-s sont tenues à la périphérie. L’organisation géographique néo-coloniale des villes « françaises » après la Seconde Guerre Mondiale, se reproduit dans celles des espaces sociaux : c’est aux non-blanc-he-s de venir vers vos espaces de luttes, c’est aux non-blanc-he-s de venir dans vos cercles de discussion, vos soirées etc….Je n’avais pas envie de m’abaisser à venir rencontrer des gent-e-s que je connais pas et que personnellement je n’avais pas invité, j’ai déjà fort à faire à essayer d’organiser des rencontres entre non-blanc-he-s sur des questions de racisme et coloniales à Bure ! A un moment, je m’y suis risqué de m’approcher de ces gent-e-s. Dans ces moments, j’ai ressenti du mépris et de l’exotisme. Tout d’abord, du mépris : je demande à une personne blanche, blonde, aux yeux bleus, si ce sont les personnes qui vont jouer et elles me répond d’un air prétentieux « Non, on est les organisateurs » et là elles commencent à m’envoyer chier gratuitement, pour me provoquer !!!! A un autre moment, je viens m’incruster dans une conversation où les Blanc-he-s parlent de racisme entre elles (surtout pour critiquer les autres, pas elles-même bien entendu), et là leurs yeux s’illuminent car elles ont enfin trouver un opprimé qui parle des oppressions systémiques au racisme ; si je n’avais pas enclencher cette conversation, il n’y aurait pas eu de yeux qui brillent mais plutôt de l’indifférence.

Le jour du concert, je ne me sens pas forcément à l’aise et je ne vois pas beaucoup d’inclusions des gent-e-s présentes sur place, à part voir des caisses entières de bières arrivés etc…Le même jour, une personne vient nous informer qu’un membre d’un groupe (dont je tairais le nom par respect à la personne agressée) a commis à plusieurs reprises des agressions sexuelles tout en tenant des positions pro-féministes. Personnellement, je ne suis pas vraiment d’accord pour que la personne joue et encore moins qu’elle soit là. Je n’ai pas envie d’exposer ma vie mais les personnes racisé-e-s subissent des agressions sexuelles de la part de personnes blanc-he-s détentrices de pouvoir délivrés par les institutions, parmi lesquelles je ne ferais que citer les services d’aide sociale à l’enfance, la police et la prison, sans compter que leur condition économique peuvent les exposer et ce, dès l’enfance, à des agressions sexuelles que des gens nieront et cacheront sous des discours racistes, sociaux et psychophobe….

A aucun moment, je n’ai vu l’auteure de ce texte venir dépenser son énergie pour enjoindre à cette personne qu’elle n’est pas bienvenue et encore moins qu’elle ne pouvait chanter. C’est justement ce que je lui ai rappelé au cours de la dispute « Tu viens m’embrouiller parce que j’ai marché sur ton micro et que je t’ai bousculé sans faire exprès alors que tu vas jouer avec un agresseur sexuel ». Moi, ça me pose question : pourquoi l’auteure de ce texte n’a pas signalé cet événement dans son texte ? Pourquoi n’a-t-elle pas demandé son exclusion ?
Je vois bien là une certaine hiérarchie des sanctions à l’intérieur de sa lutte où elle n’aura pas la même virulence, ni les mêmes objectifs, selon que l’auteur d’un comportement sexiste est racisé ou non. En tout cas, moi je suis allé parler à cet agresseur pour lui faire comprendre que je n’étais pas à l’aise avec lui, que je préférerai qu’il ne participe pas à cette soirée ! Bien entendu, il est quand même resté !
Cette hiérarchie des sanctions dans des espaces de luttes n’est pas anodine et je tiens à faire remarquer que c’est souvent le cas, ce qui démontre l’impact du racisme structurel dans la dénonciation et la sanction des comportements sexistes. Par exemple, dernièrement, à Nantes, des personnes ont rendu visible l’asymétrie qui existe entre oppressions sexistes des Blancs privilégiés et les oppressions sexistes des racisés (5). En pratique, les hommes Blancs bénéficient de solidarités masculines et blanc-he-s et leurs émotions semblent protéger. Lorsque je constate qu’une gifle est sanctionnée par une dénonciation en partie mensongère sur tous les réseaux sociaux tandis que des Blancs auteurs d’agressions sexuelles, ne font pas l’objet d’une telle publicisation, se limitant le plus souvent à une information dans des cercles restreints, je constate qu’envers les hommes racisés, les milieux militants reproduisent, une même mécanique raciste, que dans la justice raciste : ils leur enjoignent d’être irréprochable et que la moindre erreur sera sanctionnée plus lourdement.

J’aimerais également revenir sur ce qui s’est passé avant et après que j’ai donné un coup ! Contrairement à ce que la personne agressée expose dans les faits, la situation au moment du pogo n’était pas aussi binaire qu’elle le dit. Il n’y avait pas d’un côté des gens qui se tenaient loin de la scène et qui respectaient une soi-disante demande du groupe et moi qui fonçait à plusieurs reprises sur la chanteuse. Nous étions une petite dizaine de personne à danser le pogo et des personnes me poussaient comme j’en poussaient d’autres et à plusieurs reprises des personnes ont marché sur des fils et je ne pense pas avoir été la seule personne à toucher un-e des chanteur-euse, ; en outre, je n’ai pas touché plusieurs fois cette personne, mais une seule et je me suis immédiatement excusé mais peut-être qu’à cause du volume sonore, elle n’a pas entendue. En plus, la scène était très mal organisée alors qu’il y avait assez de place pour délimiter la scène du reste des gens. C’était donc un choix délibéré des groupes de chanter près du public et il ne peut être ensuite reproché qu’ielles ont été bousculé au cours d’un pogo.

En plus, je ne suis pas aller voir cette personne après le concert mais c’est bien elle qui est venu m’embrouiller pour l’avoir touchée au cours du pogo ; je me suis quand même excusé et c’est à ce moment, vu l’acharnement à continuer à me prendre la tête, que je lui ai répondu « Tu ne veux pas que je danse de pogo alors ! ». A ce moment, j’ai ressenti une différence raciale de traitement et c’est à ce moment que je lui ai dit « tu es raciste ».

Après que le coup soit parti, la personne n’est pas partie chercher ces potes « pour se défendre » mais bien pour qu’ils fassent la police et là, je vois trois mecs blancs (avec une bonne tête de viking) tenter de m’attraper et un de mes agresseurs a tenté d’éclater une bouteille de bière sur mon crâne. Ce geste n’est pas anodin car les Blanc-he-s sont éduquées à utiliser une violence sauvage lorsqu’il s’agit de personne racisée. Alors oui, à ce moment, j’ai éclaté car je me retrouve face à des ennemis qui portent le visage des colons, et de ses polices racistes, crs, bac, etc….qui veulent mater ma colère à coups de matraque.
Il est dit dans le texte que j’ai même agressé des ami-es ; en fait, je n’ai pas agressé des ami-es, car, dès lors qu’iels se mettent en protection de mes agresseurs, iels s’exposent au risque d’être perçu-es comme solidaires de l’acte qui vient d’être commis ! A ce moment, j’ai même crié « Tu te fous de ma gueule, des Blancs m’agressent et toi, tu te mets à les protéger ». Quoiqu’en pensent les gens, les racisé-e-s s’exposent à des solidarités blanches dans beaucoup de situations et aucun-e ne s’est demandé s’il était normal de tenter d’éclater une bouteille sur le crâne de quelqu’un parce qu’elle est en colère et qu’elle refuse de se faire exclure manu militari sans que les gent-e-s sachent exactement ce qui s’est passé !

Ensuite, je n’ai pas frappé dans ce camion car il était dehors, devant la maison de résistance. Le seul moment où j’y suis venu, c’est pour partir car mes potes m’avaient demandé d’aller dormir ailleurs !

L’exemple du camion est assez révélatrice d’une ambiance dans les milieux blancs. On dit que j’ai « traumatisé » une non-humaine qui était dans le camion. En effet, j’ai constaté que des non-humaines ont plus de valeur que des personnes racisé-e-s dans les milieux blancs ; qu’une violence commise à l’égard d’une personne racisée, on s’en fout ou on la minimise ; en revanche lorsqu’il s’agit d’un non-humain, là c’est le scandale. Hormis qu’il s’agit d’un mensonge supplémentaire, je me permets d’affirmer que la lutte antispéciste est au-dessus de la lutte antiraciste. A mon arrivée, j’ai vu des cuisines veganes, mais aucune cuisine anticoloniale (6) et j’ai vu plus de tags, stickers, etc…sur l’antispécisme que sur l’antiracisme.

Et je peux continuer sur la hiérarchie des luttes à Bure où des luttes (que je respecte par ailleurs) féministes, queer, anticapitalistes étaient présentes, mais en revanche les luttes des quartiers populaires, le racisme d’Etat, le colonialisme etc…étaient bien absentes et qu’il m’aura fallu, et ça m’a couté, mettre en avant ces luttes pour que les gens tentent de prendre conscience. Si certaines personnes ont commencé à les prendre en compte et je remercie quelques potes Blanches de Bure qui ont commencé, par elles-mêmes, à installer des brochures antiracistes dans l’info kiosque, d’autres continuent de ne pas les prendre en compte car elles sont prises dans leur curseur de blanc-he-s autocentrées incapables de se remettre en question et de se poser les bonnes questions.

Au contraire, je pense qu’il y a une certaine hiérarchie des luttes au mépris de l’antiracisme et des luttes des quartiers populaires. Par exemple, un soir, il y a une fanfare et tout le monde va vers l’Eglise et une personne habitante du coin me demande si je vais y aller et je lui réponds que non et elle me fait la gueule. Ce qui m’a surtout énervé, c’est que des gen-t-e-s engagées dans la lutte et à qui je place une confiance politique partent dans l’Eglise au nom d’un localisme car il faut se mettre bien avec les gens. A leur retour, je leur signifie que ça ne me va pas qu’elles rentrent dans une Eglise car elle symbolise l’institution qui a légitimé l’esclavage et la colonisation au nom de la barbarie européenne. En fait, ça leur pose pas de problème en tant que Blanc-he-s car elles ne sont pas touchées dans leur être par le racisme et le colonialisme : si ça les dégoûte et qu’elles « veulent » les combattre par idéologie, elles ne peuvent être la cible de ces oppressions et ce n’est pas « vital » pour elles de s’engager dans ces luttes. Le lendemain, le Rassemblement National gagne les élections européennes et aucune réaction. A l’intérieur de moi-même, je ne fais que bouillir parce que je sais que les nôtres seront la cible prioritaire de ce parti dès qu’il sera au pouvoir. Même chose, lorsque la justice acquitte les policiers qui ont tué Zyed et Bouna…le silence total ! Là, j’entreprends de recouvrir les murs d’une maison des noms et prénoms des personnes tuées par la police ; peu de gent-e-s connaîtront ne serait-ce que quelques noms !

Alors, je me tape des barres de rire lorsque je lis dans un texte qu’il y a eu hiérarchie des luttes à Bure et que l’antiracisme est au-dessus des autres luttes ! Je pense que c’est bien le contraire, les luttes qui touchent les Blanc-he-s dans leur identité, leur être sont bien au-dessus des luttes non-blanches et même à l’intérieur de la lutte du nucléaire, c’est encore la lutte contre le nucléaire en Europe qui prévaut sur les luttes dans le « monde ». Aucun texte sur la situation au Niger, dans les colonies britanniques (dixit « Canada », « Australie », « Etats-Unis ») où les Aborigènes, les Cris, les Denes, les Kel Tamasheq subissent une colonisation de leurs territoire, une destruction de leur mode de vie et de leur environnement, sans compter les impacts non comparables sur leur existence (par exemple, une personne sur cinq meurt de maladies respiratoires dans la région d’Arlit à cause de l’exploitation de l’uranium pour les intérêts de la France) et il faudra encore que l’on épuise nos efforts pour que les Blanc-he-s se rendent compte de ces situations ; en vérité, certain-e-s s’en préoccupent mais c’est souvent leur regard de Blanc qui décrivent les situations sans compter les bénéfices politiques qu’elles en retirent alors que dans leur quotidien elles critiquent les modes d’organisation des colonisé-es sur le territoire français ou encore qui refusent de reconnaître l’immensité de leurs privilèges et comment elles sont complices du recel des produits du colonialisme.

Cette question du recel m’amène une fois de plus sur une phrase du texte qui m’a heurté : « On est pas responsable de sa vie de merde ».

Désolé, en fait, les Blanc-he-s, vous êtes responsables des oppressions que subissent les populations colonisées, leurs déplacements forcés et des exactions commises « au nom de la France » car celles-ci ne sont que le reflet de vos privilèges. Vous pensez que vous n’êtes pas responsable de la colonisation (qui n’a jamais cessé, il n’y a que les sot-tes qui croient le contraire !) parce que vous n’étiez pas là ou parce que vos ancêtres ne faisaient pas parti-es des classes dirigeantes.
Quelle pauvreté dans vos raisonnements pour des gens qui avez tant reçu de privilèges éducatifs !
Les richesses extraites dans les colonies, les produits tirés du travail gratuit pluri-séculaires des peuples colonisés exécutés sous la torture, etc…tout-e-s les Blanc-he-s en ont profité, de la classe ouvrière à la la caste des possédant-e-s en passant par la classe moyenne, par le simple fait que l’Etat a prélevé l’impôt sur ces richesses et les a redistribués d’une manière ou une autre aux Blanc-he-s, que cet argent sale a été placé dans des banques puis réinvesti dans l’économie du territoire central de l’empire français et que beaucoup de militant-e-s bénéficient de ce sale fric par le système des successions, la discrimination positive à l’emploi, les « prêts » etc…des « bienfaits » » du colonialisme et qu’il ne suffit pas que vous ayez conscience de vos privilèges pour qu’ils soient effacés.

En outre, je ne considère pas avoir « une vie de merde » car je suis très fier d’être issu de peuples colonisés en luttes et qu’au lieu d’avoir été détourné pour être exploité par les Blanc-he-s racistes et impérialistes je suis, sans vos privilèges, dans des espaces pour lutter contre ce système conçu sans nous et pour vous protéger….En revanche, je considère que je vis certaines oppressions systémiques faites pour protéger les Blanc-he-s et qu’elles en bénéficient quoiqu’elles en disent. Lorsqu’on érige la violence physique en violence fondamentale dans la hiérarchie des violences, c’est parce qu’un système de privilèges protège les Blanc-he-s et ne les exposent pas aux violences de l’État : la non-violence physique est raciste !
En vivant dans des espaces sécurisés, vous êtes très loin des violences quotidiennes que subissent les non-blanc-he-s, à commencer par la violence physique exercée par les forces d’occupation coloniales dans les quartiers populaires et aux frontières. Vous êtes, en partie, responsables de ce système d’oppression car, par exemple, pour vos bons plaisirs, des populations entières vive sous la terreur policière, subissent des perquisitions musclées à 6h du matin, sont incarcérées, et elles sont assassinées par le système policier et carcréral.
Le système vous a protégé de cette violence et vous avez une certaine fragilité lorsqu’elle apparaît devant vous, mais ce n’est que le retour des violences encaissées dans une vie, ce n’est que le retour de vos privilèges lorsque vous restiez dans votre zone de confort pendant qu’on en prends plein la gueule. Pour vos privilèges de merde, les populations des quartiers populaires subissent les contrôles racistes, les intimidations, les séances d’humiliation, les coups, les déportations, les enfermements, les assassinats et il n’est pas possible de se déresponsabiliser de cette situation en rejetant la faute sur la police, l’Etat ou les institutions. En outre, le plus souvent, les Blanc-he-s participent aux violences psychologiques et symboliques et les renvoient quotidiennement aux personnes des quartiers populaires qui, à Bure, comme ailleurs, ne se sentent pas à l’aise !

Lorsque je lis que le problème est d’avoir marché « sur des micros … mon micro personnel », je ne peux que me mettre en colère ! Je pense qu’il ne faut pas oublier que ce « matériel » a été acquis avec des moyens qui puisent leur source dans l’argent sale du colonialisme et qu’en pleurant pour un micro, vous ne faites que porter plainte pour atteinte à votre petite propriété privée. Et si vous avez l’audace de pousser le raisonnement, vous vous rendriez compte qu’aucun de ces biens ne vous appartient, tout comme la Maison de Résistance, et qu’en réalité, nous sommes plus légitimes que vous à se croire chez nous car c’est avec les richesses des colonies que tout ça est financé !

« Du racisme anti-blanc »…..

Quand je lis dans ce texte qu’une personne (un Blanc) aurait dit, je suis « anti-blanc », et que ce serait un argument pour dire que la violence sexiste a été déniée, ça me renvoie à ces mots nauséabonds de l’extrême droite, et leurs pseudo-intellectuels, Zemmour, Finkerkraut et compagnie. Peut-être que les tags « à bas ta fragilité blanche » et « je suis raciste anti-blanc » choquent des blanc-he-s qui débarquent à la maison de la résistance ; CE N’EST PAS MON PROBLEME !!!

En revanche, une chose est certaine, je n’aime pas les Blanc-he-s, avec leur fragilité, leur centrisme et l’ensemble de leurs privilèges.

Pour terminer ce texte, j’en conclurai qu’à la lecture du texte critiqué, il y avait bien une part de racisme dans cette soirée et que les personnes blanches ne peuvent pas se faire passer pour des personnes tranquilles tandis que la seule personne racisée de la soirée serait un problème. Pour légitimer leur texte, elles ont du passer par des mensonges et des stéréotypes afin de démontrer que mes réactions étaient infondées et se présenter en totale victime. De même, elles refusent tout dialogue avec les personnes racisées et on les accuse même d’être responsable de la « mort de l’anarchie » ou de vouloir « contrôler » les Blancs. Ce texte est adressé à des blanc-he-s pour qu’elles discutent entre elles de savoir comment ne pas de être divisée à cause de la lutte antiraciste menée par les personnes concernées !
Bref, une personne blanc-he peut oppresser des racisé-e-s dans une soirée, pleurer pour des questions de matériel sonore qu’elles ont pu acquérir grâce à leurs privilèges économiques liées à leur condition raciale, et à aucun moment se remettre en cause sur ces privilèges ou les oppressions racistes qu’elles sont susceptibles de commettre dans une soirée ; en effet, si les soirées sont souvent l’occasion de microagressions à caractères sexiste, sachez qu’elles sont également des lieux où les violences racistes et classistes s’exerçent. Si la personne que j’ai agressée considère que c’est une agression sexiste (et je le reconnais), je considère également que le fait d’être la seule personne réprimandée pour les bousculades générées à l’occasion d’un pogo est une agression raciste et que les coups et tentatives d’éclater une bouteille de bière sur ma tête par des personnes blanches sont également des agressions et qu’elles sont racistes.

Quant à la hiérarchie des luttes à la maison de résistance, je pense que ce texte a largement démontré qu’on est loin de ce que l’auteure pense. A la soirée, les agressions racistes ont été mises de côté et occultées délibérément par l’auteure du texte ; pire encore, elles les cachent en m’individualisant et en peignant un portrait diffamatoire de ma personne en tant que personne incapable de répondre à une directive des chanteur-euses (soi-disant tenez-vous éloigner de nous, ce que je n’ai jamais entendu), violente, folle, agressive, qui déchaînerait gratuitement sa violence sur tout le monde et le matériel présent, ce qui révèle encore mon avis que ces Blanc-he-s ont le cerveau rempli de cette merde raciste que leurs maîtres leur ont inculqué depuis leur enfance pour maintenir leurs privilèges.

Dans le quotidien, je ne pense pas que la lutte antiraciste soit au-dessus des autres luttes, loin de là.
Beaucoup de blanc-he-s refusent de se remettre en cause lorsqu’on dénonce du racisme structurel.
La lutte de Bure est blancho-centrée : il n’y a aucune carte qui relate l’impact du nucléaire en dehors de la France (7) et de l’Allemagne, il y a très peu d’informations sur les impacts du nucléaires dans les pays colonisés par la France, l’Angleterre etc….alors que ce sont les populations colonisées qui subissent en premier lieu l’impact du nucléaire en amont à l’occasion de l’extraction de l’uranium, d’essais nucléaires ou encore du traitement de déchets nucléaires. Egalement, il y a peu de liens entre la répression militaire à Bure et celle existant dans les quartiers populaires. Par exemple, à ce jour Bagui TRAORE a été renvoyé aux assises pour tentative d’assassinat pour les révoltes qui ont suivi l’assassinat de son frère, Adama. Il y a clairement une vengeance d’Etat pour sanctionner lourdement toute révolte ; à Bure, on retrouve le même phénomène où des personnes sont sous instruction suite à une révolte contre l’ANDRA. Pourquoi les liens ne sont-ils pas fait ? La révolte contre le nucléaire serait-elle plus légitime que la révolte contre le colonialisme ?

En tant que personne racisée, j’accepte de reconnaître les oppressions que je peux commettre mais je refuse que des blanc-he-s qui refusent de reconnaître leurs privilèges et les oppressions racistes viennent après ériger leurs oppressions comme fondamentale et considérer nos luttes comme moins importantes que les leurs.

De même, je refuse que ces opresseur-euses s’arrogent le droit (et de quel droit?) de considérer que nous utilisons le racisme comme argument d’autorité ou comme un moyen d’éviter de reconnaître nos oppressions. Si une personne racisée vous dit que vous êtes racistes, apprenez à fermer votre gueule et posez-vous la question en quoi vos comportements peuvent générer du racisme structurel et renvoyer à des situations de racisme vécu.

Pour finir, je ne sais plus quelle position adopter vis-à-vis de la lutte à Bure. Il est certain que ce n’est que si plus de personnes racisé-e-s débarquent dans cette lutte que les personnes non-blanc-he-s pourront enfin avoir un réel pouvoir sur leur vie et qu’une personne racisée seule ne peut que vriller à répétition face à un milieu blanc qui commet à répétition des agressions racistes. Mais je ne sais pas si on doit inviter les gens à rejoindre cette lutte ou au contraire la déserter ! C’est aux Blanc-he-s de discuter entre elles comment Bure peut aussi être accueillant pour les personnes racisé-e-s et/ou issues des quartiers populaires. C’est aux personnes racisé-e-s de choisir si ce lieu mérite que l’on dépense de l’énergie pour mener une lutte écologique décoloniale !

Un damné de la terre

 

Notes :

(1) Il est possible que cette personne a eu ce ressenti mais il est important de se demander si ce ressenti découle de son imaginaire raciste où une personne racisée en colère va systématiquement donner un coup…..

(2) Blague raciste, propos islamophobe, description que je suis raciste anti-blanc, accusation de racisme pour avoir visibiliser les privilèges blancs.

(3) Fabe, La rage de dire

(4) Ce préjugé raciste a pour effet qu’on va juger que cette personne n’a pas de diplômes, ne peut pas faire tel truc ou encore qu’elle n’est pas légitime dans des espaces de luttes. Cette situation avait déjà été vécue pendant les Burlesques où un organisateur m’avait pris de haut, puis, après que je lui ait exposé clairement les liens entre colonialisme et nucléaire a eu un moment de silence par étonnement !!! Burlesques, événement où l’on a harcelé des personnes racisé-e-s de quitter l’événément pour avoir réagi à des comportements racistes et textes transphobes

(5) V. l’article sur Indymedia Nantes : L’Autre Cantine : indigeste ? »

(6) A ce jour, la cuisine anticoloniale initiée à la Maison de Résistance n’existe plus. En revanche la cuisine vegane continue.

(7) A mon arrivée, il y avait même une affiche intitulée « La Gaule envahie par le nucléaire ». Bien entendu, je l’ai arraché car mes ancêtres ne sont pas Gaulois et il n’est pas inutile de rappeler que dans les colonies on a imposé à des peuples une histoire qui commençait par « nos ancêtres les gaulois ». Pourquoi n’avait-elle pas été arrachée avant ? C’est bien la preuve que le racisme se véhicule inconsciemment à Bure et que des Blanc-he-s sont indifférentes jusqu’à ce qu’un racisé enrage et visibilise le racisme ordinaire !