Avec le soutien de Wahington, du patronat et des Evangélistes, c’est un coup d’Etat qui a lieu en ce moment en Bolivie.

En France, la plupart des médias présentent les événements de dimanche en Bolivie comme la simple « démission d’Evo Morales ».

Je t’arrête tout de suite. Ce qu’il s’est passé, ce dimanche, en Bolivie, c’est un coup d’Etat en bonne et due forme. Dimanche matin, après la publication par l’Organisation des Etats Américains (OEA) d’un rapport donnant raison à l’opposition et selon lequel les élections du 20 octobre dernier n’auraient pas été remportées, dès le premier tour, par Evo Morales, ce dernier a décidé de reculer partiellement sur sa position initiale et a annoncé l’organisation d’un nouveau scrutin ainsi que le renouvellement du Tribunal Suprême Electoral, accusé de complicité avec le gouvernement et de partialité. Mais l’armée, qui se maintenait jusqu’à présent en retrait, est sortie du bois, exigeant que Morales démissionne.

Qui se trouve derrière le mouvement actuel, qui a commencé le 20 octobre ?

Le mouvement est piloté, depuis le début, par la droite dure, dont les bastions se trouvent dans l’Est du pays, dans la région de Santa Cruz, mais qui dispose de relais dans plusieurs villes du pays, dont Potosí. Cette droite dure, que l’on appelle en Bolivie le « mouvement civique », est soutenue par l’opposition à Morales, très forte au sein des classes moyennes et au sein, bien entendu, de la bourgeoisie, mais elle a su tisser des liens, également, avec certains secteurs du mouvement social, expliquant non seulement l’importance des manifestations qui ont eu lieu dans un certain nombre de villes depuis une vingtaine de jours, mais également les blocages routiers mis en place par l’opposition pour faire pression.

Ces derniers jours, la situation a changé avec plusieurs unités de police qui se sont mutinées contre le gouvernement et le ministère de l’Intérieur. La décision de l’OEA a fini de faire basculer les militaires dans le camp des putschistes. Dans cette situation, donc, une heure après la conférence de presse organisée par l’état-major, Morales a bel et bien « démissionné », suivi de son vice-président et des présidents des deux chambres ainsi que plusieurs gouverneurs et maires du Mouvement Au Socialisme (MAS).

Le leader de la droite crucègne, Luis Fernando Camacho, a tenu promesse : il a fait irruption, ce dimanche, au siège du gouvernement, brandissant un drapeau bolivien et sa Bible. Avocat et chef d’entreprise, très lié aux milieux d’affaires et agro-industriels de l’Est du pays, c’est un évangéliste convaincu qui se prévaut d’avoir l’appui des Etats-Unis. Dès la publication du rapport de l’OEA, le secrétaire d’Etat de Donald Trump, Mike Pompeo, a déclaré que les Etats-Unis soutenaient l’option de l’organisation de nouvelles élections, ce qui équivaut à un blanc-seing donné aux putschistes.

Quelle est la situation d’un point de vue institutionnelle et comment expliquer un tel dénouement, pour l’heure ?

Camacho, aujourd’hui, réclame la mise en place d’un « gouvernement de transition » composé de membres des comités civiques et de militaires, c’est-à-dire, dans les faits, l’instauration d’un gouvernement piloté par les Forces Armées, avec l’aval des Etats-Unis. Mais si le bloc conservateur-libéral, composé du tandem Camacho-Carlos Mesa, le candidat malheureux de l’opposition aux élections du 20 octobre, a aujourd’hui le dessus, c’est également en raison de la politique de conciliation mise en place par les gouvernements successifs du MAS qui, au moins depuis 2008, n’ont eu de cesse de chercher des alliés à droite. L’autre élément à mettre en lumière pour expliquer aussi la raison pour laquelle ce bloc d’opposition a trouvé des alliés au sein des classes populaires, c’est la gestion de l’Etat, ces dernières années, caractérisée par un degré important d’autoritarisme et de personnalisme autour de la figure de Morales. Ce que craint par-dessus tout Morales, c’est l’action indépendante des masses. C’est pour cela que les rassemblements de soutien au gouvernement qui ont été organisés, ces derniers jours, avec la Confédération Ouvrière Bolivienne (COB), l’emblématique syndicat bolivien, à La Paz ou avec les organisations paysannes, à l’instar de la FNMCBBS, à Cochabamba, la seconde ville du pays, n’avaient que pour objectif de faire pression sur la droite. Et ça n’a pas marché. La décision de l’OEA, dans laquelle Morales plaçait ses espoirs, a été le coup de grâce. Il a donc fait un pas de côté et continue, avec les ex-membres de son gouvernement, à appeler au dialogue avec les putschistes et à la cessation des hostilités, alors qu’en ce moment des groupes paramilitaires d’extrême droite attaquent les domiciles de cadres du MAS et d’ex-ministres, mais également des locaux syndicaux et de partis de gauche.

Que se passe-t-il du côté des organisations populaires ?

La Confédération Ouvrière Bolivienne, longtemps l’un des principaux soutiens de Evo Morales aux côtés du mouvement paysan et des mouvements indigènes a déclaré dimanche que « si pour éviter que le pays ne tombe pas dans la guerre civile, il faut que le président démissionne, et bien qu’il démissionne ». Ça a été un coup très dur pour le MAS. Certains secteurs d’extrême gauche, à l’instar du Parti Ouvrier révolutionnaire (POR-Masas), participe au mouvement civico-putschiste, se faisant les porteurs d’eau de la droite agro-industrielle.

De notre côté, nous comme cela a été discuté lors de la Rencontre Ouvrière, Paysanne, Etudiante et Populaire organisée samedi, à La Paz, nous appelons à s’opposer énergiquement à cette offensive de la droite. Pour ce faire, plus que jamais, nous avons besoin d’auto-organisation au sein du mouvement ouvrer, paysan, indigène, étudiant et de femmes, pour être en capacité d’affronter de manière indépendante cette nouvelle avancée de la droite la plus réactionnaire qui souhaite en finir avec nos conquêtes et nos acquis.

Propos recueillis par Jean Baptiste Thomas

https://www.revolutionpermanente.fr/C-est-un-coup-d-Etat-qui-a-lieu-en-ce-moment-en-Bolivie