Communiqué des « colleuses »

Pour la première fois, dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 novembre, plus de 300 colleuses ont été coller simultanément sur les tribunaux de la France entière pour exiger des actions et pointer du doigt la responsabilité de l’État, de la justice et de la police dans les féminicides. À Lyon, 4 de nos colleuses se sont faites embarquer au commissariat et sont convoquées la semaine prochaine. À Paris, 3 de nos colleuses ont été interpellées et ont subi un interrogatoire.
Depuis le 30 août, nous envahissons les rues de France en allant coller contre les féminicides et les violences conjugales pour reprendre la place qui nous est dûe dans l’espace public et alerter sur cette situation dramatique : tous les deux jours une femme meurt assassinée par son conjoint ou ex-conjoint. Chaque année, 219 000 femmes sont victimes de violences conjugales. Depuis le début de l’année 127 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou leur ex-conjoint.

Notre objectif est clair : arrêter de compter nos mortes.

Alors que 70% des auteurs de féminicides avaient déjà commis des violences sur la victime et que dans 1 cas sur 3 les pouvoirs publics en avaient été alertés, rien n’est fait pour mettre fin à ce massacre.

Par son inaction, l’État est coupable. Par son inefficacité, la justice est complice.

Nous déplorons n’avoir pas d’autre choix que d’entrer dans l’illégalité pour espérer nous faire entendre. Nous nous trouvons dans l’obligation de prendre la parole pour toutes celles qui ne le peuvent plus. Nous sommes révoltées de devoir crier notre colère dans toutes les rues de France pour alerter sur l’inertie des pouvoirs publics.
Cette inaction rend prisonnières les femmes de cycles de violences toujours plus brutaux.
L’Etat ne peut plus détourner le regard, la justice ne peut plus dire qu’elle ne savait pas. Nous avons collé noir sur blanc la vérité sur leurs murs.
Il est temps que la France honore les mortes et protège les vivantes.

Les colleuses.

Aix-en-Provence, Angers, Annecy, Antibes, Bayonne, Béziers, Bordeaux, Caen, Châlons-en-Champagne, Cherbourg, Cholet, Grenoble, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Nice, Paris, Périgueux, Reims, Saint-Étienne, Strasbourg

Témoignage d’une « colleuse » interpellée la nuit du 3 au 4 novembre à Lyon

J’ai été interpellée hier. Nos collages ont été arrachés par les flics immédiatement. Nous avons été amenées à l’hôtel de police où l’un des policiers a fait une blague d’excellent goût : « Oh bah R. t’éviteras de claquer ta femme ». Ces hommes sont sensés nous protéger.

Nous avons ensuite été emmenées séparément dans un bureau pour une audition libre. La femme chargée de mon interrogatoire a été odieuse. Tout d’abord mes droits ont été rapidement énoncés, en appuyant le fait que sans avocat, tout irait plus vite. L’interrogatoire a ensuite commencé. L’agente me demande alors de commencer par expliquer les raisons de mon engagement. Je lui répond que c’est un sujet qui me touche énormément, que ces femmes assassinées pourraient être moi, ma mère, ma soeur, une inconnue. Elle me demande donc si j’ai un vécu de violences conjugales. De but en blanc. Devant mon incrédulité, elle me repose la question, me demandant si oui ou non j’étais battue. Indécence. Quand je lui répond par la négative, elle me dit « donc vous n’avez pas de vécu, vous ne savez pas de quoi vous parlez ». La violence, comme toutes les femmes dans une société patriarcale, je la vis au quotidien. Dire que je n’ai pas de vécu est faux. Mais le pire reste à venir.

Elle m’interroge ensuite sur ce que je connais des statistiques et raisons derrière les violences conjugales. Elle affirme que certaines « coutumes » aident ces violences. Je lui demande ce qu’elle entend par cette affirmation. « Oh bah vous savez il y a des cultures où la femme se tait et se soumet ». Je lui rappelle alors que les violences ne connaissent ni classe, ni ethnie, ni géographie. Je lui dit aussi que les violences, elles sont autant dans le 6e arrondissement qu’à Venissieux, et que tous les milieux sociaux sont touchés. Sa réponse ? Des gens du 6e on en voit pas, des gars de banlieue par contre… ». Et ces gens là doivent nous protéger.

Viens ensuite la question de nos revendications. Elle me parle de prison, ce a quoi je répond que le système pénitentiaire ne me semble pas être la solution. « Donc pour vous un homme qui tue sa femme devant ses enfants ne doit pas être puni ? » A-t-elle vraiment compris l’action que l’on mène ? « Pour moi ces hommes là, c’est poteau d’exécution direct. » Faut il lui rappeler que la peine de mort est abolie depuis 1981 ? Nul n’est sensé ignorer la loi je crois. Nous sommes ensuite relâchées, convoquées mercredi pour entendre nos sanctions. Cette histoire ne me feras pas changer d’avis : Féminicides, police complice.


P.-S.

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