L’affaire défraie la chronique nantaise depuis samedi. Le 14 septembre vers 13H, la police organise une embuscade énorme pour capturer un homard en papier mâché avant une manif. Au moment de transporter le crustacé, des dizaines de policiers cagoulés surgissent, saisissent le véhicule, arrêtent trois personnes. Une embuscade rocambolesque.

Le lendemain, le procureur Pierre Sennès prolonge les gardes à vue. Le magistrat exige des poursuites pour « association de malfaiteurs ». Une qualification réservée au banditisme. Le haut fonctionnaire justifie sa décision parce qu’une voiture a été contrôlée quelques heures plus tôt, à l’autre bout de la ville, avec un arsenal terrible de … parapluies ! Ses deux occupants sont aussi enfermés. Pour le procureur, le homard et les parapluies seraient les armes d’un terrible complot.

Pour rappel, Pierre Sennès est un procureur qui enterre systématiquement des affaires gravissimes de violences policières, fréquentes à Nantes depuis des années. Mais qui tente d’anéantir toute contestation, en réclamant l’emprisonnement du moindre manifestant.

Après plus de 52 heures en cellule, les personnes arrêtées peuvent finalement revoir la lumière du jour. Le juge d’instruction n’a pas suivi les demandes du procureur, tellement le dossier est grotesque. Les membres du « gang du homard » sont placés sous le statut de « témoins assistés », en attendant les suites de l’enquête. Leurs téléphones sont confisqués pour être expertisés. Un avocat parle de « fiasco », alors qu’au sein du tribunal, on peine à masquer la gêne à propos des délires du procureur de Nantes.

En sortant, les trois arrêtés sont sidérés. Encore choqués par ce guet-apens inattendu. Nos reporters ont pu les interroger pour avoir quelques précisions.

« On n’a pas compris quand ils nous ont parlé d’une association de malfaiteurs. Pendant les auditions, ils nous ont montré des photos de plusieurs personnes, prises dans la rue. Ils nous ont demandé si on les reconnaissait. Il y avait notamment des photos prises devant la Maison du Peuple. » Il s’agit manifestement d’un fichage clandestin réalisé par la police politique. Visiblement, des agents secrets enquêtaient depuis des semaines pour arrêter les fabricants de homard en papier …

« Pendant la garde à vue, on nous a dit que c’est un témoignage anonyme sur la manif de samedi 14 septembre qui avait déclenché toute l’enquête, il y a trois semaines ». En langage plus clair : un « témoignage anonyme », c’est la déposition d’un agent infiltré ou d’un indic. D’ailleurs, le chef de la police nantaise reconnaît, gêné, dans la presse, qu’il s’attendait à trouver autre chose qu’un simple homard. Combien d’agents étaient infiltrés dans la maison du peuple ? Depuis combien de temps ? Quel scénario paranoïaque s’étaient-ils imaginés pour justifier une telle répression ? La procédure le révèlera peut-être.

  • En attendant, le homard géant en papier, abimé lors de l’embuscade, a été placé sous scellés « pour les besoins de l’enquête ». Il va encombrer, pendant de longs mois, la cave du commissariat.