Juillet 1995 Dans Combat Breton est publié un texte de Mélanie, du groupe Fulor Bro Naoned. Ce groupe anarcho-indépendantiste est proche d’Emgann, tout en restant autonome, et est plus lié à la contre-culture urbaine des jeunes générations que les historiques de la gauche indépendantiste. Intitulé Lettre à un(e) camarade français(e), le texte ne manque pas d’arguments efficaces pour décrire les décalages avec les gauches françaises, dont le jacobinisme est souvent trop peu déconstruit. « J’entends aussi souvent qu’il s’agirait d’un replis culturel. Or il me semble, à moi, qu’ayant par force intégré la culture de l’envahisseur tout en partant à la reconquête de la nôtre propre, nous ne faisons qu’agrandir notre savoir, ce qui est toujours signe d’ouverture. (…) D’autres posent contre l’identité Bretonne (ou Basque ou Corse ou Macédonienne ou Tchétchène…) celle de « citoyen du monde ». Mais qu’ils m’expliquent une bonne fois pour toutes comment, d’un autre côté, ils arrivent à tenir un discours antiraciste basé sur l’enrichissement du partage des différences. Comment est-ce possible si, comme ils le disent si bien, la revendication de ces différences est un « processus de haine ». Faut-il pour aimer, déposséder l’autre de son identité ? Vous seriez un Peuple bien étrange de fonctionner ainsi. » « Camardes Françaises. Camarades Français. Vous qui par vos réactions avez plus que moi écrit cet article, nous ne blâmerons personne d’une méconnaissance de notre réalité locale, nous-mêmes avons des lacunes sur moult pays. Mais nous exigeons que cette méconnaissance soit reconnue et que vos reproches et sentences, s’il y a, soient cohérents avec ce que vous défendez par ailleurs. »

17 juillet 1992 Lors des fêtes maritimes de Brest, le groupe Stourm Ar Brezhoneg trouve une façon originale de faire parler de lui. Durant les festivités, France télévision est sur place via l’équipe de Thalassa, qui fait un direct sur le pont du « Mutin », un nom tout trouvé. Lors de la prise d’antenne, des membres de SAB sautent sur le pont et crient des slogans hostiles à la politique de France télé sur la langue bretonne, ou encore pour réclamer la création d’une chaîne de télé en langue bretonne. Les Gwenn ha Du font bien sûr aussi leur apparition pendant le direct.

23 juillet 1978 Les fêtes de Cornouaille montrent qu’en plus de leur folklorisation touristique à outrance, elles sont capables d’être également une succursale de la répression contre la Bretagne militante. L’époque est alors marquée par les procès et les emprisonnements liés aux luttes clandestines bretonnes ; c’est dans ce contexte que des militant.e.s du COBAR (comités bretons anti-répression) se rendent sur place pour distribuer des tracts. À peine les papiers commencent à circuler que des policiers en civils et des gendarmes mobiles sautent sur toute personne coupable d’expression d’idées politiques. 23 personnes sont arrêtées, parquées dans un hall d’immeuble, puis envoyées les unes après les autres au fichage anthropométrique. Le jour même, un communiqué commun de la CGT, CFDT, PCF, UDB, PSU, LCR, HR, collectif anarchiste, Skol an Emsav, Paysans Travailleurs Sud Finistère, demandent la levée des gardes-à-vue, des poursuites et dénoncent l’illégalité du fichage. Seul un militant sera au final poursuivi pour outrage à agent, comme le témoigne ses camarades : « C’est quand même un peu gros : maintenant, un flic te fout son poing dans la gueule et c’est toi qui te fais accuser de lui avoir donné un coup de tête dans le poing ! »

8 juillet 1977 Dans la chaleur de l’été, beaucoup de Breton.ne.s sont devant leur télé pour assister au débat de l’émission Apostrophes de Bernard Pivot, où Pierre Jakez Hélias et Xavier Grall se font face. Le premier est devenu célèbre grâce à son best-seller Le Cheval d’Orgueil, un livre majeur pour la Bretagne qui décrit en détail le fonctionnement de la société paysanne traditionnelle. L’écrivain et poète nationaliste breton Xavier Grall lui répond dans un texte pamphlétaire : Le Cheval Couché. Les échanges sont tendus, d’un côté du plateau télé, des spécialistes de la matière bretonne hostiles aux mouvements politiques bretons, comme Hélias ou Yves Le Berre, de l’autre deux artistes et militants bretons affirmés, Grall et Youenn Gwernig. Grall semble assez largement éméché – l’alcool pouvait couler à flot à l’époque lors des émissions de télé – mais il ne lâche pas l’affaire pour exprimer sa principale critique au livre d’Hélias : faire comme si l’explosion politique et culturelle bretonne des années 1970 n’existait pas, notamment dans la fin de l’ouvrage qui parle du présent et de l’avenir de la société bretonne. Un moment de l’émission marque bien cette différence : Bernard Pivot, s’adressant à Grall : « Je vais vous lire une citation, non seulement vous vous en prenez au Cheval d’Orgueil, mais vous vous en prenez à Helias. Grall : Non. BP : « [en citant le Cheval Couché] « Hélias est un être tombale. (…) On peut être un bretonnant passionné, et certes il l’est, et un médiocre Breton. Un homme qui pleure sur un tombeau qu’il a contribué à édifier. Il faut l’inclure dans cette cohorte assez minable de cette élite qui a trahi son peuple en étant fidèle à son clan. »  » Hélias : Là vous y êtes allé un peu fort. Grall : Non je ne crois pas, fondamentalement je n’ai pas eu tort. BP : Dites moi pourquoi? Grall : Jakez Hélias est un excellent bretonnant, mais politiquement parlant, le combat politique pour la Bretagne il ne l’a jamais mené, il ne le mène pas, il ne veut pas le mener. Parce qu’il ne croit plus, pratiquement, en l’avenir de la Bretagne. (…) J’ai relu les dernières pages du Cheval d’Orgueil et vous dites carrément… Vous posez la question, (…), vous dites : « Il y a t il un peuple breton ? » Est ce vrai oui ou non ? Hélias : Oui. Grall : Et bah moi je dis qu’il y en a un ! « 

Juillet 1975 De multiples attentats du FLB viennent rythmer l’été. Le 12 juillet, une gendarmerie est attaquée à Cléguérec et le 14, pour la fête nationale, c’est une statue de l’école de Saint Cyr Coëtquidan en Brocéliande qui explose. Le 27 juillet, une nuit d’action commune conduit à un attentat à la direction départementale de l’agriculture de Quimper, ainsi qu’à celle de Nantes, où trois militants sont arrêtés pendant leur tentative. Le même soir, le camp militaire de Saint Aubin du Cormier est attaqué. Avant la fin du mois, la cité administrative de Vannes connaît le même sort, le 29 juillet. Toujours au début de l’été 1975, le journal Combat Breton publie un communiqué du FLB-ARB qui met en garde l’État contre ses projets d’installation de centrale nucléaire en Bretagne, qui finiront par déboucher à Plogoff. Le texte précise : « Cette mise en garde constitue une véritable déclaration de guerre. La France n’a pas hésité à sacrifier des centaines de milliers de vies Bretonnes pour la défense de l’idée qu’elle se faisait de la liberté. Pour ne pas voir d’autres générations sacrifiées lâchement à la gloire, au profit, à l’argent, nos commandos se montreront intraitables. Notre foi en l’indépendance de notre patrie est inébranlable et pour assurer la survie de notre peuple nous lutterons, s’il le faut jusqu’au sacrifice suprême. Bevet Breizh. »