Le juge français de la Cour Européenne des Droits de l’Homme défend l’Etat français dans une affaire de maltraitance.

Avec tout le respect dû à la Cour précitée et à ses juges.

Dans deux articles précédents :

j’avais évoqué les problèmes que peut poser, à mon sens, le fonctionnement de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Certes, ce fonctionnement ne viole explicitement aucun article du règlement de la Cour, mais la question que peut se poser un justiciable est de savoir si ce règlement suffit à garantir son impartialité. Il s’agit, après tout, d’un règlement élaboré et approuvé par des milieux politiques émanant des Etats qui sont en même temps des parties aux procédures.

Le règlement est suffisamment « bien tourné », par exemple, pour que la Cour puisse, via des comités de trois juges, déclarer irrecevables sans appel, ni obligation de motivation ni correspondance ultérieure, autant de recours qu’il lui semblera opportun d’éliminer d’emblée et dont, de ce fait, aucune publicité ne sera faite. Comment garantir, dans ces conditions, l’impartialité des décisions prises ?

Une autre point « sensible » est à mon sens celui des garanties d’impartialité des juges eux-mêmes.

Est-ce normal qu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme le juge originaire d’une partie contractante (proposé donc à l’origine par cet Etat) puisse faire partie de la formation de jugement chargée d’examiner une affaire mettant en cause son Etat d’appartenance ? Avec tout le respect dû à la Cour, on peut penser qu’une incompatibilité empêchant de telles situations et interdisant également l’attribution du dossier d’un justiciable à la Section dont fait partie le juge originaire de l’Etat mis en cause serait bien plus normale.

La discussion n’est pas académique. Il est déjà arrivé, par exemple, que le juge français de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ait à juger d’une affaire mettant en cause la France et, devant la condamnation de cette dernière, devienne l’initiateur d’un avis dissident. Ce fut le cas récemment dans une affaire de maltraitance par des policiers, jugée au printemps dernier mais dont le texte définitif du jugement n’est paru que récemment (dossier 44568/98).

A remarquer que ces deux justiciables ont, certes, pu « passer avec succès » l’étape éliminatoire et « arriver jusqu’au au jugement public », mais apparemment au prix d’engager conjointement un montant supérieur à 10.000 euros de frais d’avocats et assimilés. Combient de justiciables français peuvent se permettre de telles dépenses ?

Suit un extrait du jugement, avec en entier l’opinion dissidente du juge français, vice-président de la Cour et président de Section, M. Jean-Paul Costa soutenu par deux autres juges :

« 

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE R.L. ET M.-J.D. c. FRANCE

(Requête no 44568/98)

ARRÊT

STRASBOURG

19 mai 2004

DÉFINITIF 10/11/2004

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire R.L. and M.-J.D. c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. G. Ress, président,

Cabral Barreto,

J.-P. Costa,

L. Caflisch,

B. Zupančič,

Mme M. Tsatsa-Nikolovska,

M. K. Traja, juges,

et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 19 juin 2003 et 29 avril 2004,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 44568/98) dirigée contre la République française et dont deux ressortissants de cet Etat, M. R.L. et Mme M.-J.D. (« les requérants »), ont saisi la Cour le 5 novembre 1998 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). Le président de la chambre a accédé à la demande de non-divulgation de leur identité formulée par les requérants (article 47 § 3 du règlement).

2. Les requérants sont représentés par Me Abadjian, avocat à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par M. A. Buchet, sous-directeur à la sous-direction des droits de l’homme de la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent.

3. Les requérants alléguaient en particulier avoir subi des traitements contraires à l’article 3 de la Convention lors de leur arrestation. Le requérant se plaignait également, sous l’angle de l’article 5 § 1, de l’illégalité de son arrestation et sa détention subséquente et de ne pas avoir eu droit à réparation au sens de l’article 5 § 5.

4. La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

5. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).

6. Par une décision du 20 mars 2003, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.

7. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).

8. Une audience s’est déroulée en public au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 19 juin 2003 (article 59 § 3 du règlement).

Ont comparu :

– pour le Gouvernement

M. A. Buchet, sous-directeur à la sous-direction des droits de l’homme de la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, agent,

M. G. Dutertre, rédacteur à la sous-direction des droits de l’homme de la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères,

Mme O. Wingert, magistrat au service des affaires européennes et internationales du ministère de la Justice,

Mme F. Doublet, de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur, conseillers ;

– pour les requérants

Me F. Guery, avocate au barreau de Paris, conseil.

La Cour a entendu M. Buchet et Me Guéry en leurs déclarations et en leurs réponses aux questions des juges.

9. Par une décision du 18 septembre 2003, la chambre a déclaré le grief tiré de l’article 8 irrecevable.

(…)

61. La Cour rappelle tout d’abord que, pour tomber sous le coup de l’article 3, les mauvais traitements doivent atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des circonstances propres à l’affaire, telles que la durée du traitement ou ses effets physiques ou psychologiques et, dans certains cas, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime. Lorsqu’un individu se trouve privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l’ordre, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3…

(…)

63. La Cour relève que dans la présente affaire, les mauvais traitements allégués se sont produits lors de l’intervention des policiers dans le restaurant des requérants et de l’interpellation du requérant.

64. Elle constate par ailleurs que trois certificats médicaux ont été établis deux jours après les faits et suite à l’examen du requérant par deux médecins et de la requérante par un médecin.

(…)

72. La Cour constate que d’importantes et nombreuses traces ont été relevées sur les corps des requérants et qu’ils ont subi des ITT de dix jours pour le requérant et de six jours pour la requérante.

Elle estime, dans les circonstances de l’espèce, que les hématomes et contusions relevés étaient trop nombreux et trop importants et les ITT trop longues pour correspondre à un usage, par les policiers, de la force qui était rendu strictement nécessaire par le comportement des requérants (Selmouni précité, § 99, et Rehbock c. Slovénie, no 29462/95, §§ 76, 77, CEDH 2000-XII).

73. Partant, il y a eu en l’espèce violation de l’article 3 de la Convention

(…)

La Cour rappelle que l’article 5 § 1 de la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en respecter les normes de fond comme de procédure, mais il exige, de surcroît, que la privation de liberté intervenue ne soit pas contraire au but de cet article, qui est de protéger l’individu contre l’arbitraire…

(…)

[La Cour] relève toutefois que son maintien à l’IPPP entre 4 h 15 et 10 h 45 le 3 août 1995 ne trouvait, d’après les déclarations du Docteur Philippe, aucune justification médicale puisque elle-même a indiqué que le requérant était resté à l’infirmerie jusqu’au lendemain matin car elle n’avait pas de pouvoir de remise en liberté.

Dans ces conditions, la Cour ne peut que conclure que le requérant a été maintenu dans les locaux de l’infirmerie psychiatrique pour des raisons purement administratives.

129. Dès lors, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention en ce que la privation de liberté du requérant n’était pas justifiée au regard de l’alinéa e) de cette disposition.

(…)

Etant donné que le requérant a utilisé un remède dont il disposait et qu’il n’a pas obtenu gain de cause

(…)

… il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention.

(…)

LA COUR

1. Dit, par quatre voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention dans le chef des requérants ;

2. Dit, par quatre voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 c) de la Convention dans le chef du requérant ;

3. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 e) de la Convention dans le chef du requérant ;

4. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention dans le chef du requérant ;

5. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. par quatre voix contre trois, 35 000 EUR (trente cinq mille euros) au requérant pour dommage physique et moral ;

ii. par quatre voix contre trois, 10 000 EUR (dix mille euros) à la requérante pour dommage physique et moral ;

iii. par six voix contre une, 10 000 EUR (dix mille euros) conjointement aux requérants pour frais et dépens ;

iv. à l’unanimité, tout montant pouvant être dû à titre de taxe ou d’impôt sur lesdites sommes ;

(…)

OPINION EN PARTIE DISSIDENTE DE M. LE JUGE COSTA, À LAQUELLE SE RALLIENT MM. LES JUGES CAFLISCH ET TRAJA

1. Je suis en désaccord avec la majorité de mes collègues sur deux points.

I. En ce qui concerne l’article 3 :

2. La Chambre conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. Elle considère que l’usage de la force par les policiers était excessif par rapport au comportement des requérants.

3. Je suis évidemment hostile à ce qu’on appelle dans le langage des médias les « bavures » policières. Je les juge par principe incompatibles avec les droits de l’homme et avec la dignité de la personne humaine. Je n’ai pas eu de doutes à considérer, par exemple, que dans l’affaire Selmouni c. France (arrêt du 28 juillet 1999, CEDH 1999-V) les agissements des policiers, particulièrement graves et cruels, avaient constitué des actes de torture au sens de l’article 3. Je suis par ailleurs convaincu que les arrêts de notre Cour ont un effet pédagogique, et devraient inciter les Etats à inculquer aux forces de l’ordre la déontologie de leur métier, donc à user de la force quand c’est strictement nécessaire, mais à ne pas en abuser.

4. Toutefois, toute violence des forces de l’ordre, pour regrettable qu’elle soit, n’est (heureusement) pas constitutive de torture, ni même de traitements inhumains ou dégradants au sens de la Convention. La jurisprudence constante exige qu’un mauvais traitement, pour tomber sous le coup de l’article 3, atteigne un minimum de gravité, dont l’appréciation est relative par essence et dépend de l’ensemble des données de la cause (voir par exemple Labita c. Italie, arrêt du 6 avril 2000, CEDH 2000-IV, § 120). En outre, pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de toute doute raisonnable » (même arrêt, § 121).

5. En l’espèce, les faits sont discutés entre les parties. Selon le Gouvernement, il s’est agi d’une banale altercation entre trois policiers en civil et les requérants, un restaurateur et sa compagne, lors de leur interpellation à l’intérieur du restaurant. Pour les requérants, ce fut plutôt une agression brutale et en quelque sorte préméditée de la part de ces policiers (en nombre non précisé). Il est en tout cas constant que les deux victimes étaient surexcitées et ont eu des réactions violentes ; elles ne le contestent d’ailleurs pas.

6. En ce qui concerne les blessures subies par les requérants lors de l’intervention des policiers, elles ont consisté en contusions et hématomes ayant entraîné une incapacité temporaire de dix jours et de six jours, respectivement. Certes, ce ne sont pas des ecchymoses sans importance, et il n’y a aucune raison de mettre en doute l’avis des médecins qui ont prescrit ces durées d’incapacité, qui ne sont pas négligeables.

7. Cependant, si l’on compare ce qui est comparable, c’est-à-dire des affaires d’arrestations mouvementées et violentes, il semble bien qu’on soit ici proche des espèces Klaas c. Allemagne (arrêt du 22 septembre 1993, série A no 269), Caloc c. France (arrêt du 20 juillet 2000, CEDH 2000-IX) ou Berlinski v. Poland (arrêt du 20 juin 2002, non publié), dans lesquelles la Cour a conclu à la non-violation de l’article 3. Beaucoup plus près en tout cas que des affaires Rehbock c. Slovénie (arrêt du 28 novembre 2000, CEDH 2000-XII), où la victime a souffert d’une double fracture de la mâchoire et de contusions faciales, ou Egmez c. Chypre (arrêt du 21 décembre 2000, CEDH 2000-XII), où plusieurs policiers s’étaient acharnés « avec une brutalité sans précédent » sur le requérant. Et, bien entendu, la présente affaire n’a rien à voir avec les précédents Tomasi c. France (arrêt du 27 août 1992, série A no 241-A), ou Selmouni, précité.

8. En ce qui concerne les éléments de preuve, il n’est pas plus facile de récuser a priori l’appréciation des juges internes que les certificats médicaux. Pour motiver le rejet de l’appel contre l’ordonnance de non-lieu, suite à la plainte pénale contre les policiers, la chambre d’accusation a rendu un arrêt longuement motivé. Il en ressort notamment que « les témoignages recueillis, notamment parmi les clients, tendent à confirmer que la force n’a été utilisée par les policiers qu’en raison de la résistance opposée par les parties civiles surexcitées et ils ne permettent pas de caractériser des violences délibérées et injustifiées ». Peut-on en déduire « au-delà de tout doute raisonnable » que le traitement subi par les requérants a été inhumain et/ou dégradant ? J’ai du mal à répondre affirmativement.

9. Certes, le comportement des agents de police est répréhensible et ils auraient dû, pour maîtriser le restaurateur et sa compagne, contenir leur force malgré la violence verbale et physique de ceux-ci. Le « monopole de la contrainte légitime » oblige ses bénéficiaires à en user avec la plus grande retenue. Des professionnels devraient, face à la résistance de simples particuliers (dont une femme), la surmonter de façon moins brutale.

10. Faut-il pour autant élargir à ce point le champ de l’article 3 qu’il doive englober tout manquement à ces règles ? Je ne le crois pas, car on courrait le risque de banalisation d’une disposition capitale de la Convention, qui « consacre l’une des valeurs fondamentales d’une société démocratique » (Labita, § 119).

11. J’ai hésité à me rallier à la majorité. Il est tentant d’envoyer un signal aux autorités et juridictions nationales. Mais mieux vaut que le message soit clair, en particulier du point de vue de la cohérence de la jurisprudence, qui à juste titre s’attache aux faits de la cause et porte sur eux une appréciation nuancée. Au total, malgré la tentation de la sévérité, qui est le réflexe naturel, il m’a semblé (sauf à abandonner la notion de minimum ou de seuil) que l’application à l’espèce des critères jurisprudentiels conduit, à la réflexion, à la conclusion que, dans cette affaire regrettable, l’article 3 n’a pas été violé.

II. En ce qui concerne l’article 5 § 1 c) eu égard à l’arrestation du premier requérant :

12. La majorité de la Chambre a estimé que l’interpellation du premier requérant ne se justifiait pas au regard des faits qui pouvaient lui être reprochés : le délit de tapage nocturne, qui n’est punissable que d’amende, ne pouvait conduire à son arrestation, et celui d’outrage à agents de la force publique aurait pu la justifier, mais l’intéressé n’a pas ensuite été mis en examen de ce chef.

13. De son côté, la chambre d’accusation avait considéré « que l’excitation dont M. R.L. a fait preuve était révélatrice d’une agitation psychique suffisamment importante et inquiétante pour faire craindre, après le départ des services de police, un danger pour la sécurité de M. et Mme M. [les voisins avec lesquels les requérants étaient en litige] et c’est à bon droit que M. Marcon, en application de l’article L 343 du code de la santé publique, a pris la décision de le faire examiner par un médecin en vue de son éventuel transfert à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police ».

14. Sur le plan des faits, je rappelle que l’altercation a eu lieu vers 23 h, que M. R.L. fut conduit peu après au commissariat du 5ème arrondissement, puis de là à l’hôpital de la Pitié où il fut examiné par une psychiatre. Ramené au commissariat, puis transféré à celui du 13ème arrondissement, le requérant fut présenté à 3 heures au commissaire, qui le fit conduire pour observation à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police. Enfin, après plusieurs va-et-vient et entretiens avec d’autres psychiatres, il fut libéré à 12 h 45. Il a donc, sans conteste, été privé de liberté pendant près de quatorze heures. A cet égard, je suis bien d’accord avec l’arrêt : le maintien de M. R.L. à l’infirmerie, après 4 h 15 du matin, pour des raisons purement administratives, était injustifié au regard de l’article 5 § 1 e) (voir § 129).

15. Sur le plan du respect de la Convention, le problème est de savoir si le requérant a été arrêté « selon les voies légales ». La jurisprudence est, sur ce point aussi, bien établie. Pour que l’article 5 § 1 soit respecté, il faut que les normes de procédure et de fond du droit interne soient observées, et que l’individu soit protégé contre l’arbitraire. La Cour doit vérifier que la législation nationale a été respectée, mais c’est avant tout aux tribunaux internes qu’il incombe de l’interpréter et de l’appliquer. Le paragraphe 112 de l’arrêt rappelle à bon droit ces principes.

16. J’ai du mal à admettre que la chambre d’accusation (puis la Cour de cassation) ait mal interprété ou appliqué le droit national en l’espèce, du moins en ce qui concerne l’arrestation du requérant. Quand celle-ci s’est produite, il avait manifesté une grande violence verbale et physique, due à un état de vive surexcitation. Il n’était pas anormal de le conduire au commissariat, d’estimer qu’il pouvait être dangereux à l’égard des personnes avec lesquelles il avait un différend, et de le faire examiner par des psychiatres pour vérifier si une hospitalisation d’office devait être prononcée.

17. Le fait que ces examens ont révélé qu’il n’y avait pas lieu, eu égard à l’état de M. R.L. quand ils ont été faits, de prendre une telle mesure, et qu’il fallait donc libérer le requérant n’implique ni que le droit national ait été incorrectement appliqué, ni que l’arrestation ait été arbitraire. Comme la Chambre le relève au paragraphe 90, la jurisprudence admet qu’un but conforme à une privation de liberté doit s’envisager indépendamment de sa réalisation (à moins d’imaginer qu’il y ait eu détournement de pouvoir ou de procédure au sens de l’article 18, mais c’est là une hypothèse exceptionnelle, qui ne cadre pas en tout état de cause avec les faits de l’espèce). Je n’interprète donc pas de la même façon que la majorité la libération de M. R.L., ni l’absence de poursuites contre lui ultérieurement. A mon avis, à l’heure où il a été arrêté, la privation de liberté qui en est résultée n’était pas contraire aux voies légales ou, en tout cas, la Cour me semble mal placée pour l’affirmer contre l’avis successif et convergent de trois instances nationales. Je n’ai donc pas voté en faveur de la violation de l’article 5 § 1 en ce qui concerne l’arrestation.

18. Par contre, comme je l’ai dit plus haut, je n’ai aucune hésitation à considérer que l’article 5 § 1 a été violé en ce qui concerne le maintien du requérant en détention à l’infirmerie de l’hôpital Sainte-Anne. De même, et dans cette mesure, il y a eu violation de l’article 5 § 5.

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(fin de citation)

Justiciable

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