Les agressions violentes de ces derniers jours contre des personnes Rroms ou supposées telles dans des quartiers populaires d’une dizaine de villes de la région parisienne sont ignobles. Elles ont à être qualifiées et condamnées pour ce qu’elles sont : des passages à l’acte raciste inadmissibles. Le combat contre le racisme ne se divise pas à moins d’être dans un antiracisme de façade. L’indignation ne se hiérarchise pas en fonction de l’origine des victimes à moins d’être dans un antiracisme instrumentalisé. L’origine des agresseurs ne peut jamais amoindrir la gravité de la responsabilité à moins d’être dans un antiracisme hypocrite.

D’ores et déjà on compte de nombreux blessés et la peur s’installe logiquement auprès de nombreuses sœurs et frères Rrom. La colère contre ces violences racistes doit aller de pair avec l’effort pour saisir leurs causes et pour mettre en évidence les responsabilités directes mais aussi indirectes, immédiates mais aussi plus profondes. Depuis plusieurs années en effet les Rroms sont l’objet de discours politiques et médiatiques culturalistes et stigmatisant conduisant à les construire comme figure du danger, de l’incivilité, de la saleté, etc.

Depuis de toutes aussi longues années des pratiques d’Etat et des politiques locales contribuent par la racialisation qui les sous-tend à banaliser l’objectif de la chasse au Rroms. De l’expulsion récurrente des campements au refus d’organiser le ramassage des ordures ménagères de ceux-ci en passant par la déclaration de Manuel Valls sur les Rroms n’ayant « pas vocation à rester en France », ce qui s’est banalisé ces dernières années c’est la légitimité de l’idée de se débarrasser des Rroms en les construisant comme barbares, sauvages et inhumains c’est-à-dire comme bouc émissaire. Bien sûr le message est généralement plus policé et plus euphémisé mais le contenu est bien celui-là.

Mais l’urgence aujourd’hui n’est pas à l’analyse. Elle est à l’action immédiate. Nous appelons à la multiplication des actes de solidarité avec nos frères et nos sœurs Rroms. Le FUIQP appelle chacun à prendre des initiatives à son niveau et qu’il nous le fasse savoir pour que l’on puisse les diffuser : Rendre visite aux campements avec des roses ou des gâteaux, participer activement à la protection des lieux où habitent nos sœurs et frères Rroms, campagne de photos affichant notre solidarité (Je suis Rrom, solidarité avec les Rroms, etc.), demande à l’Imam de la mosquée du quartier d’aborder la question, etc. Nous devons aussi inonder les réseaux sociaux pour faire barrage aux rumeurs moyenâgeuses que certains s’évertuent à diffuser sans arrêt ces dernières semaines.

La leçon que Frantz Fanon nous donnait à propos des juifs, est non seulement pertinente à propos de l’Islam et des musulmans comme l’a montré l’attentat islamophobe de Christchurch. Elle est également pertinente à propos des Rroms. On pourrait ainsi paraphraser Fanon comme suit aujourd’hui : « Quand vous entendez dire du mal du musulman, tendez l’oreille, on parle de vous ! »

Rroms , Noirs , Arabes , Juifs et habitants des quartiers populaires nous devons nous unir pour ne pas subir ! AGISSONS

Intervention de Saïd Bouamama pour le FUIQP à l’hommage pour les victimes de l’attentat du suprématiste blanc à Christchurch 22 mars 2019

Chers ami-es, sœurs et frères, camarades, musulmans, juifs, catholiques, protestants, bouddhistes et adeptes des autres religions, croyants, agnostiques et athé-es

Nous voici réunis une nouvelle fois par l’émotion, la douleur et l’écœurement face à l’ignoble, Nous voici une nouvelle fois communément endeuillé par la « bête immonde » dont «  le ventre est encore fécond  » comme le disait Berthold Brecht, Nous voici une nouvelle fois rassemblés par la colère, la détermination et la volonté d’action commune contre l’ignominie, Nous sommes enfin ensemble ce soir liés par la commune volonté de s’attaquer aux causes qui produisent ces « fruits étranges » du racisme pour reprendre l’expression du poète communiste juif états-uniens Abel Meeropol rendu célèbre par la célèbre chanson de Billie Holliday : « strange fruit. »

Oui il est possible et nécessaire de faire reculer le racisme sous toutes ses formes et quels que soient ses cibles. Nous ne sommes pas face à une malédiction devant laquelle nous serions impuissants ;Nous ne sommes pas plus devant un drame sans causes renvoyant à la simple folie d’une personne ; Nous ne sommes pas enfin devant une abomination inédite, sans précédents, sans signes annonciateurs, sans alertes ou sans signaux de danger. Nous pouvons à propos du racisme en général et de l’islamophobie en particulier paraphraser le message au monde de Mandela à propos de la pauvreté : «  le racisme en général et l’islamophobie en particulier ne sont pas un accident. Comme l’esclavage et l’apartheid, ils ont été faits par l’homme et peuvent être supprimés par des actions communes de l’humanité »

Que nous ne soyons pas en présence d’un accident, le tueur de Christchurch le développe explicitement dans l’exposé de ses motivations. Comme nous le savons tous, avant de perpétrer son massacre, le criminel a publié un « manifeste » de plusieurs dizaines de pages ayant pour titre significatif : «  le grand remplacement  ». Il y évoque la France et sa supposée « invasion » par les « non blancs ». Cette simple référence souligne la responsabilité particulière des habitants de France dans le combat à mener contre cette forme spécifique du racisme qu’est l’islamophobie. Cette référence souligne que le crime odieux a aussi une de ses principales racines en France. Cette thèse du grand remplacement a, en effet, été formalisée en 2011 par l’écrivain français Renaud Camus dans son livre également intitulé « le grand remplacement » ; Cette théorisation raciste a été reprise sous de multiples formes par toutes la galaxie d’extrême-droite ; Cet argumentaire islamophobe a été diffusée à longueur d’antenne par les plateaux ouverts et les micros tendus aux Finkielkraut et autres Zemmour ;

Dans une société déstabilisée par la pauvreté, la précarité et l’impossible projection dans l’avenir, le fruit logique, inéluctable et cohérent de ce paradigme est double. Le premier fruit du grand remplacement est la production d’un climat angoissant, d’une atmosphère apocalyptique, d’une ambiance de dangerosité immédiate suscitant des volontés d’agir c’est-à-dire des passages à l’acte individuel ou collectif. Le second fruit du grand remplacement est la construction de cibles constituées des pseudo-envahisseurs : les Roms, les juifs, les musulmans et les noirs. C’est la raison pour laquelle la romophobie, la négrophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie constituent les visages contemporains du racisme qu’il convient de combattre tels quels et non par un discours abstrait et général sur le racisme. Si la responsabilité de l’extrême-droite française est indéniable, elle n’est pas la seule à être impliquée dans la création du contexte dans lequel murissent les visages et formes contemporains du racisme.

Concernant l’islamophobie qui nous endeuille aujourd’hui, nous ne pouvons pas ne pas faire le lien avec la multitude des débats politiques et médiatiques qui ont contribué à construire l’islam et les musulmans en figure du danger, en visage de la menace, en symbole de l’ennemi à combattre, en « ennemi de l’intérieur » pour la république, la laïcité, le droit des femmes, la civilité dans nos quartiers, etc. Des débats sur le voile à l’école, à celui sur le Burkini sur les plages, celui sur la viande hallal dans les établissements scolaires ou sur le dit « hijab de running » récemment, la récurrence, la régularité et la répétition produisent l’effet attendu c’est à dire une perception de l’islam et des musulmans au mieux comme réalités étrangères à la société française et au pire comme réalités dangereuse pour cette même société. Il suffit de se remémorer quelques une des « Unes » de grands hebdomadaires pour se convaincre que le développement de l’islamophobie n’est ni un accident,ni un résultat surprenant :

Depuis des décennies se réunissent donc les conditions d’une logique mortifère porteuse de tous les dangers de passage à l’acte. L’action commune au-delà de nos sensibilités, différences et même divergences doit primer si nous voulons freiner puis faire reculer cette « bête immonde ».

La diversité des appelants à notre rassemblement démontre que cela est possible. Rappelons-les :

FUIQP (Front Uni des immigrations et des Quartiers Populaires), Comité Vérité et Justice pour damaUJFP (Union Juive Française pour la Paix), ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France), Voie Démocratique Paris-EstCEDETIMAMDH – Paris/ IDF (Association Marocaine des Droits Humains), Femmes PluriellesCollectif de Défense des Jeunes du MantoisAction Antifasciste Paris BanlieueQITOKOPIR (Parti des Indigènes de la République, La Révolution Est En MarchePSM (Participation et Spiritualité Musulmanes), Identité PlurielleAlternative LibertaireSaint-Jacques Clermont-FerrandATTACFondationCopernicLallabCCIF (Collectif contre l’Islamophobie en France), La chapelle deboutNPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), Le temps des lilasAFD InternationalFilles et Fils de la RépubliqueEnsemble !ACORT (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie), CEL (Cercle des Enseignant.e.s Laïques), Vendredi MénilmontantBAN (Brigade Anti Négrophobie), Union syndicale SolidairesCollectif UAP 31UNEF (Union Nationale des Étudiants de France), Musulmans et végétariensUDMF (Union des Démocrates Musulmans de France), PACTE (Parti Antispéciste Citoyen pour la Transparence et l’Ethique), UNPA (Urgence Notre Police Assassine), La Marche des Solidarités

Cette diversité des présents démontre donc qu’une réaction à la hauteur des enjeux est possible. Nous pensons de surcroît qu’elle est urgente et nécessaire mais qu’elle suppose une condition de possibilité. Cette action commune nécessite en effet un refus de hiérarchisation des racismes et de l’indignation à géométrie variable. L’islamophobie aujourd’hui mérite la même dénonciation unanime que l’antisémitisme.
Opposer ces deux formes de la bête immonde conduit à les renforcer toutes deux. Et il en est bien sûr de même des autres visages de cette bête que sont la Romophobie et la négrophobie.

Prenons ensemble l’engagement de ne plus faire un seul pas en arrière face à la bête immonde.

Ce que Fanon disais hier à propos de l’antisémitisme est pertinent aujourd’hui à propos de l’islamophobie. Paraphrasons : « Quand vous entendez dire du mal du musulman, tendez l’oreille, on parle de vous ! » No Passaran

N’hésitez pas à le diffuser massivement dans tous vos réseaux. Courage et à force à vous, Le FUIQP

https://mars-infos.org/communique-du-fuiqp-pour-les-3998