De l’émancipation à la réaction.
micro-texte de merde sur les rézos associaux.

On s’est formé sur plein de questions sur le net. On a obtenu des savoirs, élargi notre vision du champ des possibles, partagé nos expériences. On a gagné en certitude, en rage de vaincre, en outils pirates.
On a formé une culture collective bien plus importante que n’importe quelle encyclopédie, une bibliothèque pirate immense et actualisée, des espaces de libre expression sans pareil. Une oeuvre collective.

Et petit à petit, t’as ceux qui sont restés dans ces espaces et ceux qui ont fait la démarche de s’inscrire sur les « réseaux sociaux », d’occuper ces nouveaux espaces au milieux des annonceurs et des communiquants. De toucher plus de gens, de radicaliser à coup d’articles et de meme. Entre humour et reflexions, une nouvelle école politique.

Sauf qu’on a laissé le champs libre aux bourgeois. On a laissé le champ libre à la logique individualiste. Et ils l’emportent clairement.

On ne se regroupe plus sur ce qui nous unit, mais sur ce qui nous désunit, ce qui nous fait nous haïr entre nous. Le pouvoir nous a fait nous mettre des barrières entre nous, la distinction bourgeoise s’exprime pleinement au moment de mettre des gens dans des cases. C’est plus pratique avec internet qui n’oublie rien, qui garde en mémoire toutes les conneries qu’on a pu dire. On en arrive à legitimer l’aggression et l’harcelement entre nous.

On est devenu les juges des uns des autres, à chercher qui est cette personne avant de décider que cette personne soit digne que l’on lui parle. On exige une pureté qu’on est même pas capable d’appliquer à soi même. On doit se justifier de sa place pour s’exprimer, ça se tape dessus entre opprimés sous l’oeil bienveillant des bourgeois. Ils ont changé notre échelle, du collectif, du structurel, on est passé à de l’individuel. Ce qu’ils ont réussi pour l’écologie, ils le réussissent pour le reste des luttes.

On produit des espaces d’entre-soi, à la manière de sortes de sectes politique, et qui ont surtout pour particularité d’être deconnecté du réel. On se retrouve avec des spécialistes de l’inaction politique, des spectateurs du monde qui s’enlise, des personnes qu’on a perdu, happé par les réseaux, qu’on ne retrouvera jamais même si on les recroise de temps en temps.. Guidé dans nos espaces par les égos de cybermilitants..

A coté de ça on a pas trop le temps et l’energie de se bouger contre ça, à part ce texte pondu une après-midi de déprime grisatre. Pris par la survie de nos existences précaires, on laisse passer l’energie réactionnaire nous passer au dessus de nos têtes. C’est plus un appel aux copaines. Tombez pas là dedans,restez pas dans cette position de spectateur aigri du vieux monde, restez aggripés au réel.

Sur un bateau au port, en toute autonomie – 2019