Ils/Elles ne sont pas rares celles/ceux qui proposent le chemin de l’ambiguisme politique, du camouflage temporaire – ou moins temporaire – pour croître numériquement et de cette manière se renforcer. Mais nous ne sommes pas si sur.es que la force soit une question purement numérique.

De tous côtés on entend « il faut sortir de sa tanière ». Mais pour quoi ? Pour nous fourrer dans une autre, plus grande, bien que plus ambiguë, et en fin de compte, dans un autre trou du terrain ?

« Il faut faire des alliances ». Les anarchistes doivent faire des alliances, bon, pourquoi pas dire ça. Mais avec qui ?

On dit que contre la fascisme il faut oublier les petites différences au détriment de ce mal commun, pour créer un anti qui nous englobe tous.tes, d’égal.e à égal.e. Egaux  ? Il nous vient à l’esprit la question de si nous avons déjà appris que ces alliances terminent toujours par nous exploser à la figure. Et une réponse se fait encore plus nécessaire dans la péninsule ibé- rique, où cela devrait être clair que la révolution des années 30 a merdé pour avoir eu confiance dans le fait que les alliances avec les politiques et la participation des anarchistes dans la gestion de la misère (c’est à dire, au Gouvernement), fruit du désespoir ou de la bonne foi, a accéléré le processus de décomposition et l’avancée du fascisme. Nous ne sommes pas contre le fascisme parce que ce serait le pire de tous les maux. Nous sommes contre le fascisme de la même manière que nous sommes contre le parlementarisme, contre la démocratie, contre l’autorité. Donc, en tant qu’anarchistes, et anti-autoritaires, nous joindre à des groupuscules gauchistes (nous sommes quasi tombés dans l’erreur d’écrire «  groupuscules et individus  » mais se sont toujours des groupuscules) qui sont en faveur de la politique institutionnelle, qui renforcent et soutiennent le système représentatif et qui fonctionnent de manière hiérarchique, avec leurs portes paroles, délé- gué.es, chef.es, c’est nous mener au désastre. Contre ce « fléau » que semble être le fascisme nous voyons en toute alliance anti non seulement une erreur tactique, mais également un terrible facteur amnésique.

Face à la répression, l’autre grand fantasme vis à vis duquel il faut se préparer, il se passe quelque chose de similaire.

Se préparer pour l’affronter n’est pas une question de nombre, mais bien une question de détermination. Nous pourrions être mille et continuer à percevoir la répression et tout son appareil – juges, policier.es, prisons, psychologues, maton.es, avocat.es, et un large etc. – comme un monstre qui nous englue parce que c’est ainsi. Si on refuse de voir la répression pour ce qu’elle est, et ce qu’elle représente, pour sa fonction dissuasive de l’État, nous serons toujours faibles contre cette bête |10| qui dévore pauvres et rebelles partout. Comme dans le cas du fascisme, ici aussi beaucoup d’anarchistes et anti-autoritaires oublient tout, notamment les principes de bases comme le sont l’autonomie et l’auto-organisation, et commencent à créer toutes sortes d’alliances anti-ré- pressives; avec des spécialistes et des avocat.es, même parfois avec des politien.nes (ou aspirant.es politicien. es qui pour le coup revient au même) et des journalistes, toujours à l’intérieur d’un large spectre mouvementiste. Et pour sur, en tenant compte que dans ces cas d’alliances anti-répressive, il faut céder à la logique dominante de la victimisation. Et au lieu de pouvoir assumer ouvertement ce que nous pensons et proposons, et dé- fendre ce que nous avons – ou pas – fait, il faut baisser la tête et rester silencieux. Ce n’est rien de plus qu’une « stratégie contre la répression » nous dirons les spécialistes. Le problème est que cette « stratégie » devient de plus en plus habituelle et le simple fait de revendiquer une posture d’affrontement est vu comme « psycho-pathologique » ou « martyrisant ».

Et finalement, pour terminer avec cette question des grandes alliances, il nous reste celle du rêve messianique de la Grande Organisation anarchiste. Oublier les différences et les motifs qui les créent est le prémisse pour fonder cette organisation définitive. Tant d’années de débats et de réflexions, tant de prises de tête qui ont amenés à la conclusion que toute idée de centralité est contraire à la liberté comme nous l’entendons, nous les anarchistes. Pourquoi tout d’un coup, dans un moment où tous.tes – même ceux et celles qui sont de l’autre côté de la barricade – se questionnent sur le rôle du centralisme, on dépoussière ce vieux culte de l’Organisation, on ramène cette vieille momie putride. Chercher à résoudre la question de l’organisation (en minuscules) par la création d’une Organisation (en majuscule), plus que la résoudre, c’est recourir à la manière la plus basique, banal et automatique de le faire. Il y a autant de formes organisationnelles que de nécessités à accomplir certains objectifs de lutte, mais la question mal formulée, peut résulter que ce qui est recherché est comme terminer de construire un toit sans avoir même pensé aux fondations.

Mais bon, il semble clair que si nous n’apprenons pas des expériences du passé, nous finirons par trébucher sur le même caillou. Peut-être le caillou devra-t-il être suffisamment grand pour ne pas l’oublier, même si dans ce cas le coup ne devra pas être trop fort pour la fois suivante ne pas provoquer, une fois de plus, cette amnésie.

Les problèmes abordés ici sont réels. Le fascisme a toujours été là, même s’il n’en fini pas de grandir et de s’adapter. Il en est de même pour la répression, laquelle devient de plus en plus dure. Nous ne définirions pas la question de l’organisation comme un problème en soi mais bien comme quelque chose qui les fait surgir. Néanmoins, la solution ne peut être de recourir à un moindre mal.

 

traduit de Aversión – Septembre 2014 – Espagne – repris de Avalanche – https://avalanche.noblogs.org