A Nantes, la nouveauté tient dans la convergence nouvelle des différentes forces de lutte. Des syndicalistes ont pris part à une assemblée de Gilets Jaunes quelques jours plus tôt, et appellent à venir grossir les rangs de cette manifestation du samedi. C’est donc un vaste cortège en jaune fluo, en capuches noires et en chasubles rouges qui se retrouve à la croisée des trams. Un prélude vers une grève généralisée et un véritable rapport de force capable de faire vaciller le gouvernement ?

Ce sont donc des milliers de personnes qui s’élancent sur le cours des 50 Otages. Autour de 5000 au plus fort de l’après-midi. A peine le parcours démarré, les manifestants sont bloqués alors qu’ils arrivent vers la place Royale. Demi tour dans le calme, malgré les provocations policières.

Retour sur le parcours classique et balisé des manifestations. Cours Saint Pierre, le cortège de tête équipé de parapluies et de banderoles tente une vaillante avancée vers la BAC, au cri de « ahou ». Les miliciens cagoulés doivent reculer. Ils se vengeront plus tard. Mais pour le moment, la manif repart, plus déterminée que jamais. Passage devant la préfecture de plus en plus barricadée, ridicule. Des gendarmes tentent une charge dans le vide. Les manifestants préfèrent esquiver l’affrontement stérile. Mais le parcours semble verrouillé par les forces de l’ordre : impossible de remonter vers Talensac ou de défiler le long de l’Erdre.

Retour sur 50 Otages, le champ de tir favori de la police. Une escarmouche provoque un gazage démesuré. Affrontements. Le cortège se reforme à Commerce. Puis recule devant le CHU, où la police tire. Un blessé sérieux est secouru par un groupe de Street Médics, qui se retrouve visé à son tour ! Un groupe de manifestants fait bloc, bras en l’air. Il est gazé. La BAC en profite pour charger, voler deux banderoles, et tabasser un maximum de monde. 2 arrestations. La main d’une jeune manifestante est fracturée par un coup de matraque.

Reflux vers l’ouest de Nantes. La Place de la Petite Hollande est noyée sous les gaz. Dans le même temps, un manifestant est tabassé au sol par la BAC derrière la FNAC, et embarqué, le visage couvert de sang. Des barricades sont enflammées. Un bout de cortège parvient à traverser la Loire pour atteindre le tribunal. Les grilles qui entourent ce temple de l’injustice sont forcées. Mais la police arrive en trombe et noie la zone sous les grenades pour sauver l’édifice mortifère. Demi tour sur la passerelle qui enjambe le fleuve sous un déluge de gaz Le cortège se reforme, et remonte dans les quartiers les plus privilégiés : Guist’hau, Graslin, puis Place Bretagne. Il reste encore au moins 1000 personnes.

Jusqu’à la tombée de la nuit, des centaines de personnes tiennent le cours des 50 Otages. Car il s’agit de cela, puisque le gouvernement a suspendu le droit de manifester depuis des semaines : tenir la rue. Par tous les moyens, malgré l’évidente disproportion des forces en présence. Pour prouver que la lutte continue, que la résignation et la peur n’ont pas gagné. Une assurance est saccagée. Le Cours est littéralement jonché de centaines de cartouches lacrymogènes. Les rares manifestants qui ne s’éloignent pas immédiatement des policiers sont tabassés et arrêtés. Comme cet homme, seul, les bras en l’air en signe de pacifisme, qui reste au milieu de la rue. Il est frappé dans le dos et embarqué. Un feu est allumé à la croisée des trams. Puis des feux d’artifices.

La nuit est tombée. Les compagnie d’intervention et la BAC chargent à Bouffay, sous le regard médusé des passants. Les rues retrouvent peu à peu le calme autour de 19H. Il est temps d’aller partager un banquet sous les Nefs.

Au même moment à Paris, Jérôme, figure célèbre des Gilets Jaunes, est éborgné. Le début de campement Place de la République pour la « Nuit Jaune » est attaqué avec une violence inouïe par la police. De Bordeaux à Toulouse jusqu’à Evreux, la mobilisation de faiblit pas. Il manque maintenant une étincelle à ce mouvement pour franchir des étapes décisives : une grève générale, des occupations de place durables, la paralysie économique du pays.

La défaite n’est pas une option : si Macron l’emporte, les conséquences seront terribles pour tous celles et ceux qui aspirent encore à la justice.