A L’HÔPITAL

Vous avez été blessé-e…

Si vous êtes conscient-e, assurez-vous que le service qui vous prend en charge est apte à opérer votre blessure (les blessures occasionnées par les Lanceurs de Balles de Défense (Flashball, LBD 40, Penn Arms) ou les grenades sont des blessures de guerre qui NE PEUVENT PAS être opérées dans n’importe quel service d’urgences).

Précisez immédiatement aux médecins qui établissent les premiers certificats médicaux qu’il s’agit d’un tir de police et demandez que la cause et la nature de l’arme y soient indiquées (« balle de caoutchouc de type Flash ball » ou « plot / éclat de grenade »).

Insistez pour garder avec vous les copies du certificat médical initial précisant la nature et les causes de la blessure ou demandez que toutes les pièces du dossier médical soient copiées et confiées à un proche qui vous accompagne ou qui vient vous rendre visite.

Demandez avant toute opération, tout geste, à ce que les résidus de grenade (éclats ou autre) soient conservés et certifiés par le médecin/chirurgien qu’ils proviennent bien de votre corps. Ainsi, la cause de votre blessure ne pourra pas être remise en question (la police tente la plupart du temps de faire croire que la blessure ne vient pas d’une de ses armes).

Si les policiers veulent rester dans votre chambre d’hôpital ou vous poser des questions, refusez, ne leur dites rien tant que êtes hospitalisé-e et sous l’effet de médicaments altérant vos capacités (anesthésie, morphine, opiacés…). S’ils insistent ou s’imposent, exigez d’un-e responsable de service de l’hôpital de leur refuser l’accès. Demandez à vos proches de vous aider à les tenir éloignés de vous.

Confiez les vêtements et effets personnels que vous aviez lors de l’incident à une personne de confiance pour qu’elle les mette à l’abri ailleurs qu’à l’hôpital ou à votre domicile.

 

Vous êtes proche de la personne blessée…

Assurez-vous que le personnel de santé prenne en charge la personne blessée dans les meilleures conditions. Aidez-là à obtenir et conservez précieusement toutes les copies des pièces du dossier médical (bilan initial, images médicales, analyses, certificats médicaux…).

Intervenez pour que seul-es ses proches et soutiens accèdent à sa chambre d’hôpital, refusez l’accès aux policiers et aux journalistes. Rappelez au personnel hospitalier (secrétaire, infirmier, médecin) qu’il est tenu au secret médical et qu’il ne doit pas répondre aux questions des policiers. Assurez-vous que les vêtements et effets personnels de la personne blessée soient mis à l’abri au plus vite, ailleurs qu’à l’hôpital ou à son domicile, notamment si ils portent les marques de l’incident (sang, traces…) : ne laissez pas les policiers saisir des effets qui pourraient constituer des preuves à charge ou à décharge, précieuses pour la suite.

En accord avec le personnel médical, apportez à la personne blessée ce dont elle a besoin pour vivre au mieux son hospitalisation.

Ne prenez aucune initiative (interviews, actions…) sans en référer au préalable à la personne blessée. Assurez-vous de ne pas révéler son identité publiquement avant qu’elle n’en aie fait le choix par elle-même et après avoir été en capacité d’y réfléchir à tête reposée et sans être sous l’effet de médicaments.

 

A VOTRE SORTIE DE L’HÔPITAL / SUITES PSYCHOLOGIQUES

Vous avez été blessé-e…

Prenez le temps nécessaire à votre convalescence, mais n’oubliez pas de faire constater vos blessures au plus vite, avant leur rémission. N’hésitez pas à effectuer des photographies de vos blessures chaque jour au cours des quinze premiers jours, en notant tous les soins et opérations effectuées.

Assurez-vous d’obtenir dés que possible un certificat médical établissant le nombre d’ITT (Incapacité Totale de Travail) dont vous bénéficiez. ATTENTION : les tribunaux ne prendront en compte que les certificats établis par un service de médecine légale, les Unités Médico-Judiciaires (UMJ), qu’on ne peut généralement obtenir que sur la base d’une réquisition de la police ou de la justice. Leur obtention nécessite d’avoir porté plainte au préalable ! On ne peut donc pas se présenter aux UMJ sans être passé avant par la case police…

Tentez de vous concentrer sur des choses concrètes, de vous informez sur l’arme qui vous a blessé, de rassembler les contacts de personnes, associations ou collectifs qui peuvent vous conseiller, vous accompagner et vous aider pour la suite.

Ne cherchez pas à trouver d’autre coupable que la personne qui vous a tiré dessus : ni vous ni vos proches ne sont responsables du fait que vous ayez été blessé-e, à partir du moment où vous ne menaciez pas directement l’intégrité physique du policier qui vous a tiré dessus ou de l’un-e de ses collègues (légitime défense).

 

Vous êtes proche de la personne blessée…

Assurez vous que la personne blessée ne soit pas seule à sa sortie d’hôpital. Ne soyez pas trop présent-e et laissez la être seul-e quand elle en émet le souhait, mais restez néanmoins disponible et à l’écoute.

Ne soyez pas surpris si la personne blessée a un comportement agressif envers vous, si elle vous semble nerveuse, hostile, méfiante, renfermée sur elle-même, craintive ou absente… Le choc post-traumatique peut impliquer toutes sortes de modifications de comportement et peuvent altérer, tout au moins temporairement, les rapports de la personnes blessée avec son entourage et sa relation avec vous. Il faut être particulièrement attentif et tolérant, éviter au maximum d’entrer en conflit, mais également éviter d’être trop protecteur/ice, maternant-e ou moralisateur/ice.

Ne JAMAIS chercher à rendre la personne blessée responsable de sa blessure, en lui reprochant de s’être rendu là où elle a été blessée ou en la soupçonnant d’avoir « fait une connerie » qui justifierait qu’elle aie été visée par un tir de police.

Aidez la personne blessée à accomplir les démarches nécessaires, mais de préférence en l’associant à ces démarches : ne faites pas les choses à sa place, impliquez-la dans les prises de décisions et tenez la informée de ce que vous faites pour elle. Elle se souviendra toujours des trois premières semaines qui ont suivi sa blessure et il est préférable qu’elle ne garde pas le sentiment d’avoir été abandonnée ou trop peu soutenue, ce qui pourrait alimenter par la suite des rancunes, voire des sentiments suicidaires (« j’ai dû tout faire moi-même » → « on m’a laissé presque seul-e » → « personne ne m’a soutenu » → « s’ils avaient été là, j’aurais mieux vécu ce qui m’est arrivé » → « je suis sûr-e que mes proches pensent que c’est de ma faute » → « si je n’y était pas allé, tout ça ne serait pas arrivé », etc.)

 

FACE AUX MEDIA

Ne vous précipitez pas à communiquer avec les médias. Si vous voulez faire parler de votre affaire, prenez le temps de préparer par écrit ce que vous voudriez dire aux journalistes, en vérifiant vos informations, en essayant de retrouver d’abord d’autres témoignages sur les moments et les lieux où vous avez été blessé-e.

ATTENTION : les journalistes peuvent vous faire dire des choses que vous pourriez regretter, parce que vous n’étiez pas préparé-e et parce qu’ils vous semblaient être « de confiance ».

Accompagnez vous d’une ou deux personnes de confiance lors des premières entrevues. N’hésitez pas à revenir sur vos déclarations si vous n’êtes pas satisfait-e ou rassuré-e en demandant que ça n’apparaissent pas dans le sujet final (reportage, article…).

Privilégiez la presse écrite et la radio si vous ne voulez pas exposer votre image ou si vous voulez conserver votre anonymat.

 

LES SUITES JURIDIQUES

Quels gestes, quels réflexes pour préparer les procédures juridiques ?

– Récupérer et conserver tous les éléments matériels possible sur l’arme utilisée : douille, balle de flashball, éclats métalliques, etc.

– Garder tous les vêtements endommagés par des éclats ou des explosions par exemple.

– Faire des photos des blessures le plus tôt possible et pendant une longue période en datant ces photos.

– Recueillir des témoignages ou prendre des contacts pour récupérer ces témoignages.

– Se renseigner pour savoir si les sommations d’usage ont été effectuées.

– Chercher des vidéos ou des photos de l’intervention policière : tirs tendus de grenades assourdissantes ou de gaz lacrymogène, distance de 7m non respectée dans l’usage du flashball par exemple.

– Obtenir les documents médicaux les plus précis possible sur la nature et l’origine de la blessure, le descriptif des lésions : certificat médical, photos, radios, ITT.

 

Vous voulez poursuivre le policier = PLAINTE AU PÉNAL

L’histoire et la jurisprudence démontrent que ce type de plainte a très peu de chance d’aboutir, car pour avoir gain de cause :

– le juge doit reconnaître que votre blessure a été occasionnée par une arme de police,

– le juge doit pouvoir identifier avec certitude le policier qui a tiré,

– le juge doit établir que le policier qui vous a blessé n’était pas menacé,

– le juge doit établir qu’aucun policier présent n’était menacé ou ne pouvait se sentir menacé par vous ou par les gens autour de vous,

– le juge doit établir que le policier a commis un « acte manifestement illégal »

– le juge doit estimer que l’utilisation de l’arme n’était pas proportionné,

– le juge ne doit pas rejeter la responsabilité sur les supérieurs hiérarchiques du policier,

– le juge doit douter des déclarations du ou des policiers,

– le juge doit penser que vous n’avez commis aucun délit au moment de l’incident,

– le juge ne doit pas tenir compte de votre éventuel casier judiciaire,

– il doit y avoir des images ou des témoignages qui retranscrivent précisément les circonstances de l’incident,

Pour autant, la plainte au pénal permet d’obtenir sans grands frais des éléments d’enquête que vous pourriez avoir du mal à obtenir autrement : saisie des PV de tir, auditions de policiers, citations de témoins, images de vidéosurveillance, expertises médicales et balistiques, certificats d’habilitation au tir, attestations de formation…

Pour porter plainte, il est conseillé de procéder comme suit :

1/ adresser une lettre en recommandé avec accusé de réception (LRAR) au Procureur de la République de là où vous avez été blessé, formulée comme suit :

Votre NOM et Prénom

Votre adresse

M. le Procureur de la République

Tribunal de Grande Instance de VILLE

Adresse du TGI

Objet : dépôt de plainte contre X pour violences volontaires avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique

Monsieur le Procureur,

Je soussigné Mme X, née le 00/00/1900 à [lieu de naissance], demeurant [adresse], souhaite porter plainte contre X pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique.

Le [date] vers [heure], je me trouvais à [lieu exact] avec [mention d’éventuels témoins] lorsque… [description précise et circonstanciée des événements ayant conduit à votre blessure : combien de personnes présentes, actions et nombre de policiers, atmosphère générale, etc.]

[…]

Je vous demande par conséquent de bien vouloir ouvrir une enquête sur les faits dont je vous informe par la présente et de la confier à un juge d’instruction.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Procureur, l’expression de ma très haute considération.

[signature]

2 / prendre contact avec un-e avocat-e de votre choix. Ne pas faire confiance à des avocats qui se font payer à la consultation et à l’acte. Choisissez plutôt des avocats qui sont prêts à vous défendre aux conditions de l’Aide Juridictionnelle ou qui ne vous demandent pas d’entrée de jeu plus de 1800 euros. N’ayez pas peur de demander tout de suite le montant de ses honoraires et ses modalités de travail : privilégiez un-e avocat-e qui vous associe à la plainte, vous donne accès au dossier sans contrainte, se rend disponible pour vous conseiller par téléphone et ne vous dicte pas de ligne de conduite qui pourrait vous isoler de tous soutiens et vous empêcher de bénéficier d’une solidarité plus large. Une procédure peut durer jusqu’à 10 ans, mettez toutes les chances de votre côté d’être accompagné jusqu’au bout par votre avocat-e et vos soutiens.

3 / déposer plainte en parallèle auprès de l’Inspection Générale de la Police Nationale (ou de la Gendarmerie si vous avez été blessé-e par un-e gendarme). Pour cela, déplacez vous dans les locaux de la délégation locale de l’IGPN ou de l’IGGN et demandez à obtenir un rendez-vous pour y être auditionné. Vous n’êtes pas obligé-e de dire que vous avez déjà envoyé un courrier de plainte au Procureur. Demandez, si possible, à votre avocat-e de vous y accompagner. Vos proches ne pourront pas assister à l’audition.

ATTENTION : passer par l’IGPN n’est pas obligatoire. Le faire par vous-mêmes dans les premiers jours après la blessure vous permet d’avoir l’initiative de la plainte avant le Ministère Public et d’obtenir rapidement les certificats médicaux des UMJ établissant le montant de vos ITT. Les agents de l’IGPN sont des policiers : ils peuvent donc chercher à établir votre responsabilité et vous poser des questions gênantes voire déplacées sur la raison et les motivations de votre présence, vos actions et comportements avant et pendant les événements au cours desquels vous avez été blessé-e, ainsi que chercher à vous faire douter de ce dont vous vous souvenez, en mettant en doute l’origine de votre blessure, dans le but de réduire la responsabilité du ou des policiers impliqués si vous ne semblez pas sûr-e de vous.

N’hésitez pas à mettre par écrit votre récit des événements et à leur transmettre pour appuyer vos déclarations. Demandez à ce qu’on vous obtienne un rendez-vous auprès de la Médecine Légale (UMJ). Demandez une réquisition pour faire estimer le montant de vos ITT PSYCHOLOGIQUES !

4 / se présenter aux UMJ avec la réquisition de l’IGPN. Donnez un maximum de détails sur votre blessure et les douleurs qu’elle vous occasionne. Demandez à ce qu’apparaisse sur les certificats l’arme qui a causé votre blessure, de la manière suivante : « le patient déclare avoir été blessé par un impact de grenade / une balle de caoutchouc de type Flash Ball ». Exigez de voir un psychologue pour l’établissement de vos ITT psychologiques.

Après avoir accompli toutes ces étapes, vous serez recontacté d’ici quelques mois par l’IGPN ou le Procureur. Votre avocat-e devrait vous informer régulièrement des avancées du dossier et vous recevrez personnellement vos convocations par courrier.

À réception de votre plainte, le Procureur peut refuser de poursuivre et classer « sans suite » – vous en serez alors (normalement) informé. Ou bien il peut décider d’une citation directe, ou encore de l’ouverture d’une information judiciaire. Un juge d’instruction est alors saisi.

 

SI LE PROCUREUR CLASSE SANS SUITE OU GARDE LE SILENCE = CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE

En cas de classement sans suite ou de silence gardé par le Procureur, il faut remplir les 2 conditions cumulatives suivantes :

– avoir déjà déposé une plainte simple

– posséder un courrier du procureur de la République informant de son refus d’engager des poursuites

Toutefois, au bout de 3 mois après le dépôt de plainte, si aucune poursuite n’a été engagée par le Procureur de la République, la production d’un courrier de sa part informant du classement sans suite n’est plus une condition préalable.

Dans ce cas, le dépôt de plainte avec constitution de partie civile se fait par courrier RAR (Recommandé avec accusé de réception), daté et signé, dans lequel figurent :

– une déclaration indiquant clairement votre volonté de vous constituer partie civile (« Je souhaite me constituer partie civile »)

– la demande de dommages-intérêts

– l’adresse, en France, où vous contacter

Le courrier est adressé au doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance du lieu de l’infraction ou du domicile de l’auteur de l’infraction (normalement le même TGI -Tribunal de grande instance- que celui du Procureur auquel vous vous êtes adressé).

En cas d’instruction, il est possible de se constituer partie civile à tout moment, dès lors que des poursuites pénales ont été engagées. Ne tardez pas.

 

Vous voulez poursuivre l’État = REQUÊTE ADMINISTRATIVE

Vous avez 4 ans à partir de la consolidation du préjudice (moment à partir duquel la blessure n’évoluera plus et vous ne subirez plus d’opération réparatrice) pour saisir les juridictions administratives. Cette requête peut intervenir en même temps qu’une procédure au pénal : l’une n’empêche pas l’autre.

La requête auprès du Tribunal Administratif se fait par l’intermédiaire d’un-e avocat-e de confiance, dans le but de déterminer la responsabilité de l’État et de la chaîne de commandement du policier qui vous a blessé, afin d’obtenir le paiement d’indemnités.

Généralement, c’est le préfet qui est visé par cette procédure.

Les différentes étapes de cette procédure sont :

1 / Une demande (requête en référé) d’expertise balistique et d’expertise médicale, pour établir un lien entre la blessure et le type d’arme utilisé, est adressée au Tribunal administratif.

2 / Un recours hiérarchique en indemnisation adressé directement à l’autorité visée (préfet ou ministre de l’intérieur) et qui demande une indemnisation à partir de la responsabilité de cette autorité. Le refus attendu permet de s’adresser ensuite au Tribunal administratif.

3 / Une attaque sur le fond (recours contentieux) demande la condamnation du préfet de police et une indemnisation pour préjudice moral et corporel. C’est, au final, le président du Tribunal administratif qui tranche.

 

Vous voulez être indemnisé-e par le biais d’un fonds de garantie = DEMANDE A LA CIVI

Si la blessure implique une ITT d’au moins six mois, vous pouvez obtenir une indemnisation « intégrale » par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction).

Cette demande est un acte administratif qui se fait par le biais du formulaire CERFA N°12825*03 téléchargeable sur internet.