Lettre à vous autres

 

Si aujourd’hui je prends mon stylo pour sur une feuille y poser des mots c’est que mes besoins de respect, de cohérence et de liberté ne sont pas nourris.

 

Depuis tant de temps, je vous vois, je vous observe, en contradiction totale avec vous-mêmes, en désaccord basique avec vos idéaux.

 

Vous les libertaires, pourfendeurs du faible face à l’oppresseur,

Vous les anarchistes, les communistes, les socialistes et autres aux engagements idéalistes,

Vous, vous commettez pourtant la première des oppressions :

après avoir engendré la vie, après avoir signé son début de la fin, vous avez tôt fait de le rendre muet, de lui ôter sa liberté d’expression, au-delà de sa parole.

 

Quoi? vous vous indignez et ne voyez de quoi je parle?

 

Je m’adresse à vous, parents idéalistes et ainsi moralistes, vous qui pensez à tout mais pas à l’essentiel, à cette première oppression qu’est de fourrer une tétine dans la bouche du nourrisson!

A peine vient-il de naître, à peine vient-il d’émettre son premier cri que déjà on cherche à le faire taire, que déjà on lui dit, on lui apprend à fermer sa gueule.

Oui, FERMER SA GUEULE.

Déjà on lui fait ravaler ses émotions. Déjà on lui fait comprendre qu’il devra se soumettre, que ses besoins face aux vôtres sont moindres.

Que déjà tout est dans le paraître!

Déjà l’enfant apprend que dans cette société du spectacle, un enfant qui braille, un enfant qui renâcle, est un enfant gâté, non éduqué et dont les parents, facilement, se laissent déborder.

Peut-on simplement réfléchir un instant et se dire que si un nourrisson, un bébé un enfant, un adulte, pleure, c’est que n’est pas nourri un besoin sus-jacent ?

Peut-on réfléchir au fait que si nous, nous avons déjà des difficultés à exprimer nos émotions un nouveau-né, un bébé, un enfant, d’autant plus, aura bien du mal, selon nos conceptions d’expressions, à nous faire connaître ses ressentis?

Pourtant ces pleurs qu’on juge inopportuns – capricieux, disent même certains! – ces pleurs sont l’expression la plus pure de nos émotions réelles.

Ces larmes, ces cris, ces gémissements sont sincères!

Si aujourd’hui je me permets de pousser ce cri de détresse, c’est parce-que je souhaite un monde plein de douceur, de respect, de bienveillance et d’allégresse.

Si cela me touche autant, c’est qu’étant moi-même maman, cette volonté de cohérence a été vitale à ma survie, à ce que je souhaite donner, transmettre à mes enfants pour demain, pour leurs vies.

Si révolution il y aura, elle ne peut commencer que par nous-mêmes et quel meilleur éveil que celui réalisé dans l’écoute et le respect de soi! L’empathie, par la suite, ainsi se déploie. Et dans la continuité, ce monde on souhaite le remuer.

Si l’on souhaite que crève le meilleur des mondes, armons-nous de notre rage, notre amour et notre respect envers nous-mêmes, envers les autres et envers la vie.

Si nous voulons que ce changement radical s’opère quelle meilleure victoire que celle intérieure qui fait de nous des individus à part entière? Qui fait de nous des êtres réfléchis, curieux, aimants et bienveillants.

Quelle meilleure victoire par l’être et le savoir?

Quelle meilleure victoire qu’exister tout entier?