Voici le première épisode de nos émissions hors-série. À cette occasion nous avons le plaisir et l’honneur d’accueillir le Dr. Samah Jabr, psychiatre psychothérapeute et écrivaine palestinienne. Nous sommes non seulement véritablement admiratif.ve.s du travail essentiel qu’elle réalise en Palestine mais nous  considérons également que l’intelligence et la pertinence de ses analyses sur la santé mentale en lien avec le trauma, le silence, la somatisation, l’enfermement, l’humiliation font d’elle une penseuse essentielle de l’émancipation et de la résistance. Nées de la Palestine et des horreurs de la colonisation israélienne, la force de sa pensée, la puissance de ses actions, doivent rayonner, résonner partout où l’oppression piétine les âmes au quotidien, partout où les barbaries de la colonisation et de la suprématie blanche saccagent les individu.e.s.

Nous remercions infiniment Samah Jabr pour sa disponibilité et sa bienveillance. Merci beaucoup également à Alexandra Dols pour la connexion.

Interview réalisée le 18 juin 2018.

Musique:
Zaïnaba « Eulindo Mngu »
Ahmed Abdul Malik « Farah ‘Alaiyna (Joy Upon Us) »
Os Tincoas « Deixa a girar girar »

Extraits lus : Derrière les fronts. Chroniques d’une psychiatre psychothérapeute palestinienne sous occupation, Dr Samah Jabr, 2017, édité par Premiers Matins de Novembre et Hybrid Pulse.

Diplômée de l’université de Al Quds à Jérusalem, de l’université Paris VI et Paris VII à Paris, et de l’Institut israélien de psychothérapie psychanalytique, Samah Jabr traite les dommages psychologiques de l’occupation israélienne, à la fois au niveau de l’individu et de la communauté palestinienne.

Ce recueil de chroniques choisies parmi les nombreuses écrites par le Dr Jabr sont égrenées au fil du temps de 2003 à aujourd’hui. La psychiatre-écrivaine-penseuse et témoin partage sa vision de soignante sous occupation.

L’auteure revendique que la psychiatrie, la psychothérapie ne peuvent pas guérir les personnes opprimées sans une éthique des professionel-le-s qui inclue la justice et les droits humains comme des éléments essentiels pour leur santé mentale et leur bien-être.

Samah Jabr considère en effet le travail clinique à la lumière du contexte socio-politique et analyse le traumatisme psychologique trans-générationnel qui marque la mémoire collective palestinienne.
Malgré un vécu sous oppression constante, la psychologie du peuple palestinien ne se forme pas uniquement autour du traumatisme mais rassemble aussi les gens dans la solidarité et une cause commune. Prendre la parole. Faire parler. Témoigner pour que ces humiliations, ces tortures, les séquelles d’une occupation ne soient pas les outils du silence et consomment pour toujours l’âme des résistant-es. Parler pour que se brise le cercle vicieux de la domination. Trouver la force de garder des traces, de faire comprendre, de partager ces expériences à ceux et celles qui vivent de l’autre coté du Mur de la colonisation et de l’impérialisme.
Il est indispensable de transmettre et répéter au monde que face au système colonial, le souffle de la résistance et de la résilience palestiniennes est comme le vent, nul ne peut le mettre en cage.

Derrière les fronts, un témoignage précis, lumineux, poétique qui permet d’envisager la situation en Palestine avec une subtilité accrue par un engagement quotidien, sans relâche, depuis sa Terre.