Au début des années 70, les professionnels de la rébellion qui se trouvaient sur les barricades ont été
incarcérés dans certains recoins de France. Des détenus politisés et organisés, sont ainsi regroupés
derrière les murs. En 1971, autour du philosophe Michel Foucault, se crée le GIP (Groupement
Information Prisons) avec pour objectif d’informer, de donner la parole à ceux qui ne peuvent pas la
prendre et de témoigner.

Parallèlement, les prisons françaises connaissent une crise majeure. A la fin de l’année 1972, la
pénitentiaire dénombre pas moins de 85 incidents graves en détention (dont plusieurs prises d’otage,
parfois dramatique). Pour y répondre, et réaffirmer son autorité, la pénitentiaire ordonne la
suppression des colis de noël qui permettent aux familles d’offrir aux personnes détenues de quoi
améliorer leur quotidien. Ce n’était pas malin. La crise se transforme en révoltes, en rébellion, en
mutinerie : protestations collectives, grèves de la faim et du travail. Des organisations se créent
alors pour structurer la contestation (ADDD et CAP).

En 1974, c’est plus d’une quarantaine d’établissements pénitentiaires qui s’enflamment et
perturbent même la campagne présidentielle qui oppose François Mitterand et Valérie Giscard
d’Estaing. Le 27 mai 1974, VGE l’emporte et devient le plus jeune Président de la Vème
République. Il n’a pas de baguette magique. La crise continue. En juillet 1974, la maison d’arrêt de
Nimes est saccagée par les détenus. Mais Giscard est brillant, et il est bien conseillé par un certain
Lionel Stoléru : ingénieur des mines, chef d’orchestre, économiste, conseiller technique à la
présidence sur les questions d’économie et humaniste, d’abord. Le 10 août 1974, VGE se rend à
Lyon, entre en prison, se mêle aux détenus, sert la main des prévenus. Il fait montre de respect. Les
révoltes cessent. La crise est passée, au moins pour un temps. VGE commande une grande réforme
des prisons : augmentation du nombre de personnels médical, d’enseignants, de juges, protection
sociale des détenus, effort budgétaire, renforcement de la formation des personnels…

Valéry Giscard d’Estaing, cet affreux gauchiste, en somme. Lionel Stoléru recommande alors au
Président de conduire une expérience en faveur de la réinsertion : pourquoi ne pas faire entrer en
détention de jeunes gens, de grandes écoles, pour aider ceux détenus dans les prisons ? Il s’agissait
de permettre à ces gamins qui réussissaient leur vie de tendre la main à ceux qui étaient entrain de la
rater. Et de montrer aux futurs chefs d’entreprise du pays que les personnes détenues pouvaient
constituer de bons travailleurs. Le 26 mai 1976, le GENEPI (Groupement Etudiant National
d’Enseignement aux Personnes Incarcérées) vit le jour, composé de 120 bénévoles répartis dans 12
groupes locaux. Pour le sigle, Lionel Stoleru choisit le nom d’une fleur (oui, celle qui donne
l’alcool) : une belle fleur qui pousse dans la roche des montagnes, là où rien d’autre ne vit. Il signait
là l’ambition de l’association, être là où personne n’irait.