Un bois ni local…

Côté recto, on nous présente le bois comme un matériau naturel, renouvelable, un « aspirateur à carbone » au bilan positif pour l’environnement, et qui a donc toute sa place dans une démarche de construction durable. Une théorie bien séduisante, mais qui a ses limites si l’on y regarde plus près…
Car côté verso, le bois utilisé en construction est en grande majorité du bois de résineux. Alors que les forêts françaises sont composées en grande majorité… de feuillus. Des bois plus chers, en réalité boudés par le secteur de la construction. Il faut donc savoir que les constructions à ossature bois qui fleurissent partout en France sont en fait réalisées pour beaucoup avec du bois importé – des pays scandinaves, d’Allemagne, du Canada, mais aussi d’Asie ou d’Amérique du Sud. De quoi sérieusement alourdir le bilan carbone de ces constructions, si l’on prend en compte le transport des matériaux. Comme le précise Jean-Marie Ballu, ingénieur général honoraire des Ponts des eaux et des forêts, « la campagne actuelle de promotion de la construction à ossature bois risque de soutenir les filières bois à l’étranger » (1). Sans compter que les importations viendront dans le meilleur des cas seulement de forêts gérées durablement. Pour le reste… Il faudra accepter de porter sa part de responsabilité dans des déforestations sauvages aux conséquences dramatiques pour l’environnement. Un récent rapport de l’ONG Greenpeace (2) a d’ailleurs épinglé la France pour ses importations de bois illégal en provenance d’Amazonie.

… Ni naturel !

Autre avantage proclamé du bois : son caractère naturel, souvent associé à de prétendues propriétés saines et écologiques. Or si le bois est bien un élément issu de la nature, il subit bien des traitements avant de devenir bois de construction : contre le feu auquel il est vulnérable, contre les insectes xylophages qui en sont friands, et contre les champignons lignivores qui le dévorent dès que son taux d’humidité dépasse les 20%. Il y a aussi les colles, les résines, les peintures et les vernis, des produits chimiques à base d’arsenic, de cuivre chromaté, de perméthrine, d’éthers de glycol… (entre autres !).
Après ces traitements, le bois devient ainsi grand émetteur de COV (Composés Organiques Volatils), dont les conséquences sur l’environnement et sur la santé sont importantes. « Les principaux effets sur la santé humaine décrits pour ces substances peuvent aller des irritations de la peau (exemple du toluène), des muqueuses ou du tractus respiratoire, des nausées, des céphalées, jusqu’à des cancers » avertit l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Le formaldéhyde par exemple est reconnu comme cancérigène depuis 2004 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Le bois génère donc, à différentes intensités selon les traitements subis, une pollution extérieure, mais aussi intérieure des habitations. D’autant que dans le cas des constructions, les traitements chimiques qu’il reçoit sont à renouveler régulièrement (contre les insectes et l’humidité notamment). Dernier effet lié, que l’on occulte trop souvent : ainsi gorgés de produits chimiques, les bois deviennent très difficiles à recycler. Ils finissent leur vie en décharge, pour ceux qui ne sont pas brulés. Dans les deux cas, ils libèrent le CO2 qu’ils avaient jusque là capté…

Isolation oui… Inertie non

Côté confort d’habitation, si le bois est réputé solide et isolant, on a tendance à « oublier » de dire qu’il a en revanche une faible inertie thermique. Les maisons vont donc se réchauffer, et se refroidir rapidement. En été, la surchauffe de l’intérieur sera plus rapide, et en hiver, la chaleur emmagasinée par l’ensoleillement de la journée peu durable. Chauffage et climatisation seront donc nécessaires selon la saison.
La folie du bois s’est emparée du secteur de la construction, autour d’une communication aux airs de greenwashing, qui tend à passer sous silence certains arguments pourtant utiles à rappeler, dans l’intérêt de la santé des personnes et de l’environnement. Ne serait-il pas plutôt souhaitable de concentrer les énergies vers la recherche d’une vraie utilisation durable et écologique du bois dans la construction, associé à d’autres matières, plutôt que de miser tête baissée sur le tout bois ?

1)http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/65339/RFF_2017_69_3_241_248_ballu.pdf?sequence=1
2) https://www.greenpeace.fr/bois-illegal-en-amazonie-la-france-impliquee/