Je reviens de la ZAD avec un fort sentiment de loose.

Sensation que tout ça, toute cette lutte, toutes ces années de vie sur la ZAD, n’auront pas réussi à aller plus loin que ce constat digne du bar du coin ou de la cafet’ : Tant que le projet d’aéroport était là pour souder tout le monde contre lui, la ZAD tenait. Mais quand il n’est plus question d’aéroport, c’est la guerre civile entre tous les anti.

C’est moche de voir comment le mouvement ne va pas plus loin que cette vieille rengaine qui veut qu’on est incapable de construire quelque chose entre radicaux.

C’était vraiment pas brillant la semaine dernière sur la ZAD. L’impression de s’être fait écrasé au niveau médiatique, militaire et politique. D’être tombé dans un nid d’embrouilles entre les gens qui ne peuvent plus rien défendre. Ça rend ouf que le niveau d’embrouille soit tel que les gens sur zone ne soient pas capables de réagir collectivement même à un truc aussi atroce que la mutilation de Maxime.

Mais bon, ce texte ce n’est pas pour déprimer. Je n’habites pas sur la Zone, j’en suis loin géographiquement mais y viens pour les plus ou moins gros événements publics. Je sais que certaines vont paraître naïves, mais il me semble qu’il y a des questions qui doivent être posées de toute urgence pour pouvoir se relever.

Et quand je dis se relever, continuer la lutte pour la ZAD, c’est aussi avec la question en tête : est-ce qu’il y en a qui veulent se relever ? Est-ce qu’il y en à qui veulent se relever ensemble ?

Puis : Est-ce qu’on appelle encore ça la Zone A Défendre vu que force est de constater qu’il y a plus grand monde qui vient la défendre ? Ou pas pour les mêmes raisons. Et aussi, avec cette idée que la suite peut aussi vouloir dire des choses différentes, comme : Quelles suites ailleurs ?

Y a aussi une première question pour le moment présent :

Comment les gens dans la ZAD envisagent-ils de vivre ensemble, de continuer la lutte ensemble, alors qu’il y a de la haine à revendre de tous côtés, que ça s’insulte à tous moments, y a des histoires de lynchage à 10 contre 1, des histoires de gens mis dans des coffres, des histoires de barre de fer, de bande contre bande, des textes d’insultes, des stickers faits pour se foutre de la gueule du CMDO, ça tague dans tous les coins des jeux de mots foutage de gueule, ça parle de shlague à chiens bons à rien, ça s’est fait des coups tordus en AG, ça crie à la trahison dans tous les coins etc etc etc…

Par ce que bon, si ce n’est plus possible, c’est plus possible. Mais il manque alors des prises de position claires sur la non unité du mouvement, sur la non-unité de la ZAD, et alors il faut savoir ce qu’on vient défendre.

Répondre à cette question, c’est pour être clair pour la suite. Déjà, la semaine passée, c’était limite si tu devais dire pour le soutien de qui tu étais là, de tel lieu et pas pour tel autre lieu.

Mais c’est aussi parce que là, on perd la compréhension des militants. Pour celles et ceux pas trop loin politiquement, pas les téléspectateurs du JT de TF1 hein, la ZAD, c’est maintenant une zone d’embrouilles, et tu ne sais pas ce que tu viens soutenir vraiment. Des gens qui vont de toute manière s’entre-tuer ? Une zone de conflits politiques qui va tranquillement s’éteindre dans des attaques en règles et destruction de position politique antagoniste, en règlement de comptes ?

Déjà, au minimum, certains doivent reconnaître leur erreur. Je sais que c’est très facile à écrire, que je n’habite pas sur place. Mais comment est-ce possible de ne pas prendre position contre le coup de rajouter, post AG, à quelques-uns, l’engagement du mouvement à dégager la D281, alors qu’il n’y avait pas encore de consensus ? Il faut que chacun revienne sur ses erreurs.

Une chose est sûre aussi, c’est qu’il ne faut pas parler d’embrouilles, mais bien de conflits politiques. Il faut faire la part des choses quand même. Y a vraiment du ressentiment fort dans certains textes, des trucs faits sur zone puent le conflit inter-personnel, les vieilles rancœur, puent tout court, mais il faut prendre le temps de dégager les conflits politiques pour se confronter politiquement. Et d’en sortir par le haut, avec au moins des combats politiques qui se tiennent, des enjeux clairs et pas un méli-mélo de rumeur/ragot/arrivisme/fantasmes/ignorance de toutes parts.

Et aussi, il y a quand même une question (encore une) qui n’a vraiment eu que trop peu de réponse : Quel aurait été l’après ZAD sans les régularisations ? Il n’y avait pas de plan pour l’après destruction il me semble. Où serait allé tout le monde ? Chacun pour sa gueule ? Quelle sortie collective face aux militaires ?

A part ça, dans la stratégie des fiches, il y a un problème. Je dis ça ici, encore une fois c’est facile l’Internet. Mais les cabanes n’étaient pas sauvables par quelconques fiches. Quelle solidarité alors avec les gens dont les cabanes sont détruites ? Le problème c’est les grosses haines qui existent. Humainement il n’est pas possible d’héberger des gens chez toi quand ça fait des années que tu t’embrouille. Mais donc ? Je pense que ça doit être collectivement, en assemblée, que ces solutions doivent être trouvées, s’il n’est pas trop tard.

Bon voilà, beaucoup de questions, peu de réponses, mais il me semblait important de les remettre un peu au centre.