Rétrospective :

Je suis arrivée sur cette partie de la ZAD à l’extrême Est en mars 2013.
Cet endroit était vierge de la souillure humaine depuis une bonne dizaine d’années.
Après mon expulsion en 2012 à l’ouest de la ZAD, le lieu dit « La Noé Bernard » m’a conquise.
J’étais en harmonie avec sa position géographique. L’endroit est unique car légèrement surélevé (66m au dessus du niveau de la mer ce qui en fait un des points culminants de la ZAD). On y voit au loin vers l’ouest l’une de ses plus belles friches, chaque soir le spectacle des couchés de soleil et des levés de lune est un ravissement toujours renouvelé.
J’y ai passée mon premier hiver, seule, dans un camping car en fuites. Cet endroit est loin du centre et des « embrouilles.» Le rythme des visites est assez tranquille pour que chacun soit bien reçu. Au début, personne ne savait où se trouvait la Noé Bernard. Les gens qui venaient étaient souvent perdus. Beaucoup sont restés et sont revenus. Dès l’été 2013 une semaine d’échange de savoir sur la terre crue a permis de créer une sorte de famille autour du lieu et les chantiers et coups de main se sont poursuivis les années suivantes

Une cabane a été construite sur deux ans, par bouts, avec les moyens du bord et l’aide de nombreuses personnes qui ont aimé cet endroit, en palette et terre-paille. Le potager a donné de belles tomates et la chèvre Gambette du lait qui m’a permis de faire un peu de fromage. Les poules, avant de disparaître, ont eut leur heure de gloire avec tant d’œufs que l’épicerie de la route des chicanes en recevait un plein panier chaque semaine à Pacques.
De jeunes poussent d’arbres fruitiers ont été plantés, des boutures de vigne et de pommier ont été plantés avec amour. La permaculture a été lancée. Les premiers paniers sauvages ont été réalisés.
Précisons que ce lieu est sans eau courante et sans électricité. On essaie d’y vivre en harmonie avec la nature.
Ce lieu magique m’a beaucoup inspirée.
Vous trouverez des photos, des textes et les différents événements qui y ont été organisés sur le site ZAD ICI AUSSI en provenance de la Boîte Noire aujourd’hui tristement disparue)
La Noé Bernard a pas mal accueilli les expulsés de l’ouest, et depuis fin de 2015, ma santé ne me permettant plus de vivre les hivers ici, j’ai essayé de passer la main à d’autres personnes avec qui je me sentais en accord et qui voulaient bien prendre soin du lieu et des animaux en mon absence.
Aujourd’hui j’ai 58 ans, c’est l’âge qu’aurait Abla (voir son témoignage) si elle était encore de ce monde.
J’ai passé les plus belles années de ma vie dans cet endroit. La ZAD a été pour moi une grande école. Une école politique qui m’a permis de trouver ma position par rapport à mes « camarades de lutte » et une école de la nature.
J’y ai réalisé un rêve d’enfant, construit ma cabane et mangé des plantes sauvages.
J’y ai écris mes meilleurs textes et réalisé les ateliers du Journal Intime Collectif qui m’a semblé être complètement en accord avec l’esprit de la ZAD (description des espaces partagés).

Que se passe-t-il aujourd’hui à la Noé Bernard?
Je suis rentrée, fébrile, à l’idée que la cabane pouvait avoir été détruite.
Mais non; ô joie, elle a été ignorée par les bleus.
Depuis une semaine, l’activité est principalement le nettoyage, la souillure humaine s’est répandue un peu partout, et tentatives d’évacuation des 5 boucs qui ont été abandonnés par les dernières personnes qui ont habité le lieu.
Un petit début de jardin qui ne pourra grandir en présence des boucs.
Observation et bilan sur tout ce qu’il va falloir réparer et parfois reprendre à zéro.
Mais l’euphorie est bien là car il y a la possibilité de rester de façon pérenne.

Le projet que j’ai déposé n’est ni un projet commercial ni d’exploitation agricole rentable, ce n’est ni plus ni moins rien d’autre que la possibilité de continuer ce qui a déjà été fait. Un lieu de vie autonome pour 5 personnes valides et aimant la vie paysanne et des enfants, des handicapées et des personnes en fin de vie. Une maison de retraite intergénérationelle et permacultureuse une maison pour ceux qui souhaitent se retirer. Une halte pour les nomades.
Intergénérationnelle où chacun aura sa place, sa participation à l’aulne de ses forces et de ses possibilités. La transmission des savoirs pourra se faire enfin grâce au temps qui s’étire dans la permanence.
Une permaculture d’être humains de plantes sauvages et de plantes cultivée sans qu’aucune de nuisent aux autres. (voir la philosophie de « Inuit à Personne »)
La permaculture ne nécessite pas de travaux de force (pas de laboure par exemple), au bout d’un moment le jardin se nourri lui-même, on rajoute des couches, c’est un épandage permanent. Il n’y a toujours quelque chose à manger dans un tel jardin comme dans la nature, et on y peut travailler un peu tout le temps. Nous aurons des jeunes bras, des vieux bras, des jeunes cerveaux et des vieux cerveaux pour en prendre soin et s’entraider. Avec la nature nous nous nourrirons nous même.
La halte aux nomades nous donnera aussi la possibilité de voyager de jardin en jardin (concept de nomad gardening)
Ce n’est évidemment pas ce que j’ai écris à la DDTM.

Mais voilà que tout cela s’écroule car j’apprends (par la DDTM) que d’autres projets ont été déposés sur la Noé Bernard. Par qui ? Pour quoi ? Je n’arrive pas à la savoir. Il y a seulement des hypothèses.
Une chose est sure c’est que personne ne m’en a parlé..
J’en ai eu le souffle coupé.
Alors il y a une autre chose qui est sure c’est que je ne lâcherai pas ce bout de ZAD, j’aimerais y passer le reste de mes printemps et de mes étés et, s’il le faut, je m’enchaînerais à ce chêne que j’ai eu la joie de voir pousser.
J’aimerais ne pas avoir a en arriver à de telles extrémités, alors toutes celles qui se sentent concernées par cette situation qui aimeraient en parler, questionner, proposer et peut-être participer et/ou le soutenir ce projet de continuité dont la lettre (à la DTTM) sera lue publiquement.

sont invitées à un pique-nique Dimanche 6 mai à midi.
On pourra aussi, pour celles qui veulent, cueillir des fleurs d’aubépine (c’est magnifique et très bon pour les problèmes cardiovasculaires), aider au jardin ou au nettoyage bricolage après la sieste (apportez des couvertures et matelas si vous pouvez) si le temps le permet.