J’étais à Rennes le samedi passé. Il y avait d’organisé un apéro-zad, par des camaradess. Des gens que j’aime et d’autres que j’aime pas y étaient. Ils se sont fait embêter par la police, mais rien de bien méchant. Parmi elleux, quelques uns boitaient, des blessé-es des armes de la police qui défendent à leur corps mutilés la zad.

Ça m’a fait réfléchir. Je travaille dans un abattoir de cochon, quelque part en Bretagne, où pas mal de mes collègues boitent aussi. Ils boitent à cause du travail, mes collègues, ils boitent à cause des armes de la police, mes camarades. Mes collègues ils rateraient le boulot pour rien au monde, à cause du salaire, certes, mais surtout, pour l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, à cause du qu’en-dira-t-on. On les mutile tous les jours au travail mes collègues, on les distingue à peine des 4.000 cochons qu’on bute tous les jours entre les mur de ma boite. Ils rateraient la lutte pour rien au monde mes camarades, à cause de rien d’autres qu’illes savent que leur combat est juste. Illes s’en foutent du qu’en dira-t-on mes camarades, illes ont des rêves, des idées, des révoltes. Illes s’en foutent de perdre ou gagner mes camarades, en fait, illes ont déjà gagner, la liberté de de se battre. « Fat qu’ça saigne ! », vous connaissez la chanson ? C’est Boris Vian, à l’abattoir comme à la guerre.

Depuis quelque temps moi aussi, je boite. Je marche 32 km par jour selon ma chef, et je le fais pour le salaire déclaré, légal, pour des juges, j’ai pas le choix en ce moment. Je suis en marche, de force, et je boite. Je suis allé au docteur mardi, parce que je pouvais même plus marcher à cause de ma boiterie. Il voulait m’arrêter dix jours avec repos obligatoire, j’ai dit non, dix jours je peux pas, trois maximum. Après j’ai eu ma chef au téléphone, elle avait personne pour me remplacer le jeudi, alors je suis retourné au toubib pour qu’il enlève un jour de ma feuille d’arrêt, il avait jamais vu ça en trente ans de carrière, il m’a félicité : « ça c’est un mec courageux ! » qu’il a dit le docteur. Je suis retourné au travail, bourré d’anti-inflammatoires, avec une genouillère, et des crèmes pour le genou. Tous les chefs m’ont félicité, mes collègues aussi.

Je rentre chez moi le soir et je lis Zad nadir, indy et paris luttes, et j’ai un peu honte, mais je dis merci aux courageux-ses qui vont pas à l’abattoir.