Etaient présent.e.s à cette audience :
Juge : LORENTZ et ses assesseurs : CALLOCH et LOMBARD
Procureur : LECAT
Avocat : VALLÉE accompagné d’un représentant par délégation du Conseil de l’Ordre.
Aujourd’hui des magistrat.e.s et le Barreau de Nantes étaient en grève contre la réforme de la Justice proposée par le gouvernement.
Avant le début de l’audience, le Procureur a fait une méchante blague à Me.Vallée sur le fait qu’il n’était « pas encore » en détention.

Il est reproché à F, qui suite à sa GAV a passé la nuit dernière en taule, d’avoir brûlé un conteneur à papier dans la rue à Nantes à la fin de la manif de lundi 9 avril contre les expulsions de la ZAD et d’avoir en GAV refusé l’alco-test. Nantes Métropole est partie civile mais non présente (propriétaire du conteneur).

F refuse la comparution immédiate.
A partir de là, le tribunal ne le jugera pas sur le fond aujourd’hui mais doit se prononcer sur son maintien en détention avant son procès (préventive) ou sa remise en liberté.
Le représentant par délégation du Conseil de l’Ordre explique les motifs de la grève et demande au tribunal d’accueillir avec bienveillance les demandes de renvois.

Le juge récapitule les faits :
F est déclaré SDF, il vit du RSA, est hébergé chez un ami mais ne souhaite pas donner son nom et son adresse car il s’inquiète du fichage. Il a 10 mentions au casier judiciaire (notamment pour des histoires en manif).

Le Procureur fait ses réquisitions, il déplore que le barreau de Nantes soit en grève. Il déclare que la grève est une atteinte au droit de F d’être défendu, que Me Vallée ne prend pas en compte la Convention Internationale des Droits de l’Homme en faisant grève. Il demande le maintien de F en détention au regard de son casier judiciaire et en argumentant que depuis 2014 il affronte régulièrement les flics en manif donc qu’il y a un risque de réitération du délit. Il dit que l’incendie était élaboré car F s’est servit de l’essence d’un briquet zippo ! Insiste sur le profil de F et l’absence de garanties de représentation.

Me Vallée commence par « se demander » s’il a bien compris le discours du Procureur qui visiblement lui reproche d’être solidaire du mouvement en cours (contre la réforme de la justice) et lui fait un procès à lui ainsi qu’à la profession. Il explique qu’il est inacceptable de lui dire qu’il porte atteinte aux droits de F et que si le Procureur veut le protéger de son avocat pourquoi ne plaide t-il pas le contrôle judiciaire. Évidemment qu’en tant qu’avocat il est tiraillé entre le risque pour F et le mouvement.
F n’a pas commis d’infraction depuis 4 ans, il est dans une situation personnelle complexe mais ne passe pas à l’acte malgré cela. Si au moindre moment de faiblesse la spirale judiciaire reprend et il risque l’enfermement c’est terrible. Il est suivi par une association et est en rêgle avec la justice, il est logé par un ami.
Humainement il y a une décision à prendre. C’est uniquement le contexte politique qui fait qu’il est aujourd’hui en comparution immédiate. C’est un choix du Parquet de le faire passer volontairement un jour de grève des magistrat.e.s et avocat.e.s. Le contexte avec l’expulsion de la ZAD est particulier, F a appris en GAV qu’il était fiché S il est donc normal qu’il ne souhaite pas donner le nom de l’ami qui le loge.
Il est hors de question qu’il paye par un enfermement le contexte du mouvement du milieu de la justice. Me Vallée en appelle à l’humanité et au droit de la défense.

F reprend la parole, il a fait une demande d’hébergement, explique que ces derniers mois ont été durs et qu’en ce moment c’est entrain de s’améliorer. Il est effectivement engagé sur plusieurs luttes, ça fais 15 ans qu’il fait des trucs et là il y en a marre, souhaite s’occuper de lui.

Le tribunal décide le renvoi au 9 mai 2018 et le place sous contrôle judiciaire (obligation de soin et de pointage une fois par semaine). Le Juge lui dit que c’est une chance qui lui est offerte et qu’il a intérêt à être là le 9 mai.