Depuis une trentaine d’années en France, toute la conflictualité sociale paraît devoir s’exprimer à travers les luttes de la fonction publique, par le biais de grandes grèves orchestrées par les syndicats, dans ce qu’on appelle des mouvements sociaux. La plupart de ces mouvements ont eu pour enjeu de s’opposer à une réforme touchant le service public, ou la gestion par l’État de différents éléments ayant trait à la reproduction globale de la force de travail (assurance chômage, sécurité sociale, retraites, etc.).

Il y a à cela tout un ensemble de raisons, qui ont été mille fois analysées, qui vont du poids effectif et du rôle idéologique qu’a pris le service public dans ce vieil État-nation à l’organisation centralisée depuis le Moyen Age qu’est la France, jusqu’à l’affaiblissement des syndicats du secteur privé, résultat des transformations sociales du capital dans sa forme la plus récente, qui ont fait du secteur public le dernier bastion de luttes ouvrières massives.

Mais si la défense du service public a pris en France une telle importance idéologique, c’est essentiellement parce que les grandes concentrations ouvrières qui ont existé jusque dans les années 50-60 ont été progressivement défaites dans le mouvement de restructuration du capital, à partir des années 70, et de façon accélérée à partir des années 1990-2000. La fin de l’identité ouvrière et avec elle la fin de la capacité des ouvriers à se mobiliser en masse, ainsi qu’à produire un discours politique propre, a ouvert un espace à une fonction publique dont les agents pouvaient encore se mettre en grève sans encourir trop de sanctions, et par là se faire les représentants de l’intérêt commun, à travers la défense de leurs intérêts propres. En outre, en France, le service public est composé pour moitié de personnels relevant du secteur de l’enseignement, dont une bonne quantité de professeurs, c’est-à-dire de personnes éminemment capables de produire des discours politiques. Capacité de mobilisation et capacité de production idéologique ont fait que les luttes du service public sont venues prendre la place qu’occupait l’ancien mouvement ouvrier, en en conservant certains traits, imposant de façon hégémonique leur idéologie propre à l’ensemble des luttes.

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