Le CRA est devenu une réalité banale dans la vie sociale d’un Etat occidental tout comme la gestion de l’enfermement et de l’attente des personnes migrantes l’est aux frontières des pays de passage Nous visons à souligner qu’il s’agit d’une prison pour étranger.e.s en tant qu’ils sont étranger.e.s. Le CRA fait partie d’un dispositif de répression et de contrôle profondément français — la France compte le plus de CRA en Europe et a formé ses homologues dans les pays de l’Est. Ce mode d’enfermement a à voir avec la colonialité du pouvoir. Il existait pour les réfugié.e.s de l’entre-deux-guerres, se développe et s’institutionnalise  au moment des luttes de libérations nationales des anciennes colonies françaises.

Nous cherchons à faire voir et dénoncer la division du travail et la complicité objective entre les législateur.trice.s qui produisent, sanctionnent et sanctifient l’illégalité de la présence sur le territoire — écriture de la loi — une administration qui signifie l’illégalité — notification d’arrêtés — une police qui déploie un appareil de capture — contrôles au faciès, chasse aux migrant.e.s, arrestations, rafles, surveillance pénitentiaire, déportation — et une justice, qui rend cela légitime — de la Cour Nationale du Droit d’Asile à la Cour d’Appel de Paris. Des pilotes de ligne, des médecins, des traducteur.trice.s, des travailleur.euse.s sociaux.ales savent et se taisent ; ils et elles savent et participent parfois avec zèle à cette entreprise. Depuis une trentaine d’années, un véritable espace carcéral dédié aux étranger.e.s a pris forme, la « loi asile et immigration » en ce début d’année 2018 ne fait pas que la renforcer.

Nous partons donc du constat que le CRA est le révélateur le plus criant d’un racisme institutionnel par lequel certaines catégories d’étranger.e.s sont enfermées du seul fait d’appartenir à cette catégorie.

Notre but n’est donc pas seulement de dénoncer et montrer les pratiques discrétionnaires des fonctionnaires de police, qui sont un mode de gestion
de la vie et des relations de pouvoir en rétention qui règnent dans l’ombre
des cellules, exerçant une violence sur les corps et les esprits, mais de faire voir la violence institutionnelle que constitue le CRA en lui-même, dans la chaîne qui part des rafles jusqu’aux déportations en passant par l’hébergement contraint; et de faire connaître toutes celles et ceux qui, par leur travail, volontairement ou non, consciemment ou non, sont inégalement responsables et y participent à divers degrés et de différentes manières.

Nous ambitionnons de pouvoir surveiller, mettre en accusation  et juger toutes celles et ceux qui aujourd’hui hui maltraitent, punissent et jugent. Nous voulons que tous les CRA soient fermés. C’est pour cela que nous nous y rendons pour rendre visibles ces non-lieux, les existences et les luttes qui s’y mènent. Nous appelons un maximum de personnes à en faire de même. Il ne suffit pas de déplorer une situation sans rien faire. Si chacun.e s’y met, un jour, la situation changera.