Mercredi 17 février le gouvernement a annoncé l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Explosion de joie, moment d’allégresse. Pour la première fois en France depuis la bataille du CPE, une lutte populaire obtient une victoire, et réussi à faire plier le gouvernement. Ceci après des années de combat passionné et acharné, porté par un mouvement composé d’une multitude de sensibilités, et largement autonome des organisations politiques traditionnelles.

Et Toc !

Des années de campagnes médiatiques diffamatoires, de harcèlement judiciaire, de rodomontades politiciennes, de violences policières, et même la matraque démocratique d’un « référendum » bidon n’y auront rien fait. L’alchimie particulière du mouvement, son art délicat de la composition, son effronterie carnavalesque et sa constante inventivité auront eu raison de cette puissante et funeste conjuration. Et toc !

De quoi redonner du courage à toutes et tous, partout. À toutes celles et ceux qui se battent, ou qui ne se battent pas encore, contre le ravage continu du monde et de nos vies par la logique de l’économie. À toutes celles et ceux qui s’organisent pour que d’autres mondes se lèvent, des mondes communs et multiples, où se tissent des solidarités radicales.

Vaincre à Notre-Dame-des-Landes c’est aussi vaincre contre ce qui en nous toujours se résigne, qui voudrait que tout soit perdu d’avance. Redécouvrir une fois encore, qu’il suffit parfois d’être quelques un·e·s, armé·e·s de nos attachements et d’un refus déterminé, pour faire naître un mouvement qui deviendra victorieux.

Il y quelques temps de cela un économiste pro-aéroport s’inquiétait : « Si on cède sur Notre-Dame-des-Landes, il sera impossible de mener un projet d’infrastructure en France pendant quinze ans. »

Nous saurons lui donner raison. Et nous verrons plus loin.

C’est pour célébrer ce courage et cette ténacité propres à la zad que nous fûmes nombreu·s·es, le soir de la capitulation gouvernementale, à nous retrouver dans la rue pour sabrer le champagne et chanter la victoire. Faisant vibrer nos cœurs de cet air populaire du bocage « Et dans dix ans la Zad sera toujours là ! ». Reprenant chaque fois un peu plus fort « Leur aéroport on leur a enterré, chaque jour un peu plus on les fera cauchemarder ».

« Nous étions là ! Nous serons là ! »

Le gouvernement a accompagné l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport de l’envoi de centaines d’effectifs de police et de gendarmerie dans la région. De nombreux escadrons ont été postés autour de la zad, harcelant de contrôles ses habitant·e·s et ceux des alentours. Si une opération d’expulsion n’est officiellement pas prévue avant le 30 mars, des menaces d’intervention policière ont été réitérées par le ministre de l’intérieur. Ces opérations d’intimidation suivent des buts évidents : répondre aux accusations de laxisme proférées par les partisans d’un retour à l’ordre brutal, profiter de la confusion suivant l’annonce de l’abandon pour alimenter une distinction fictive entre « bon·ne·s » et « mauvais·es » occupant·e·s, lutte « contre l’aéroport » et lutte « pour la zad ». Mais surtout il s’agit d’instaurer un climat de tension au sein du mouvement d’occupation, attiser les différends, confisquer la sérénité nécessaire au processus de discussion interne sur l’avenir sans aéroport.

Face à ces tentatives d’intimidation, aux menaces d’expulsion et d’interventions policières, nous, collectifs de territoire en lutte et Comités Zad de diverses contrées, entendons réaffirmer avec force ces points essentiels :

– La lutte contre l’aéroport est pour nous indissociable de notre soutien viscéral à ce qui depuis longtemps l’a débordée, jusqu’à en devenir son cœur bouillonnant, la zad. Nous lutterons pour la zad, pour que vive cet espace extraordinaire d’accueil, de rencontres, d’expérimentation politique, sociale et agricole. N’en déplaise à ceux qui voudraient en faire une vitrine policée de l’écologie de marché, nous défendrons les manières de produire et les formes de vie hors-cadre et hors-norme qui s’y sont déployées. Ainsi, de concert avec une récente et importante lettre provenant de la zad, « Nous voulons que TOUT le monde puissent rester, sans exception » [1].

– Nous étions là le 8 octobre 2016. « Brandissant nos bâtons, nous avons scellé ce serment : nous défendrons ce bocage comme on défend sa peau » [2]. Aujourd’hui, alors que les forces de police sont aux portes de la zone et que le premier ministre a annoncé des expulsions au printemps, nous souhaitons réaffirmer que notre fidélité à ce serment est intacte. Et par la même occasion, adresser un avertissement à ceux qui prétendent nous gouverner : toute intervention policière sera perçue comme une agression par l’ensemble du mouvement. Nous sommes prêt·e·s. Tout sera mis en œuvre, partout, pour créer le maximum de désordre possible. Blocage d’autoroutes, de rocades, occupations des centres villes et des lieux de pouvoir. Le mouvement de soutien a su, à maintes reprises, montrer qu’il pouvait être inventif lorsque le temps venait de passer à l’action.

Notre attachement à ce petit bout de terre qu’est la zad est immense.

Nous serons là, et nous appelons à nous y retrouver massivement, le 10 février, pour enraciner l’avenir des mondes qui s’y inventent.

La Zad vivra. Nous y veillerons.

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Comités Zad déjà signataires :

Comité de Lille
Collectif de Quimper
Comité de soutien tarnais à la Zad
Comité de Guérande
Amassada (Sud-Aveyron)
Comité du Pays Bigouden
Comité du Pays Basque
Comité de Lisieux
Comité de Grenoble
Comité de Rennes

[1] Lettre aux comités locaux, aux soutiens du mouvements, et à toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans le mouvement contre l’aéroport et son monde par Quelques occupant.es de la zad – lundi 15 janvier 2018 – http://zad.nadir.org/spip.php?article5028

[2] « Valls sans retour » par la Mauvaise Troupe – Tribune parue dans Le Monde en octobre 2016 – https://constellations.boum.org/spip.php?article199