La Confédération Paysanne 44 a choisi, par le biais de l’organisme CAP 44, de participer à la mise en place du projet urbain des Gohards, dans le cadre d’un accompagnement à l’installation de projets d’agriculture urbaine, comme souhaité par l’aménageur, Nantes Métropole.

Nous, membres du Jardin des Ronces, nous interrogeons sur le sens de cette participation par un acteur censé promouvoir l’agriculture paysanne, connu pour sa capacité à défendre des terres agricoles, notamment face à la ‘bétonisation’.

Plusieurs éléments nous amènent à questionner cet investissement dans ce projet.

Des projets d’agriculture urbaine pour mieux bétonner ? 

Les projets d’agriculture urbaine souhaités par Nantes Métropole ne sont que la vitrine verte d’un immense projet urbain destructeur de plusieurs dizaines d’hectares de terres agricoles, préemptées de longues dates par les pouvoirs publics (pour y construire environ 3000 logements). Ces projets servent notamment à faciliter la bétonnisation à venir du quartier, à la rendre ‘plus douce’, moins visible, voire même à calmer la résistance locale. Il est regrettable que la CP 44 soit utilisée à ces fins, alors qu’elle se bat par ailleurs pour la sauvegarde des terres agricoles. Tout comme elle, nous soutenons aussi la lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. Accepteraient-elle de participer à la mise en place d’un projet agricole au milieu des pistes aéroportuaires… ? Il nous semble que non !!

Et puis n’oublions pas que la construction de nouveaux logements par milliers n’est que le fruit d’une politique d’attractivité effrénée, qui ne cesse de participer à la désertification des zones rurales, ou bien à la transformation des zones périurbaines en zone dortoir. Les conséquences sont désastreuses en termes de destruction de terres agricoles sur ces territoires, et il convient donc de se battre contre les politiques de métropolisation plutôt que d’y participer. Nous ne devons pas tomber dans le piège de la densification censée limitée l’étalement urbain. Force est de constater que malgré la densification en cours, les terres agricoles périurbaines continuent de disparaître inexorablement.

Des projets hors de la réalité paysanne ?

Pour nous, ces projets d’agricultures urbaines n’ont à voir ni avec la paysannerie que semble défendre la CP 44, ni avec la réalité agricole actuelle.

Tout d’abord, ces projets ne pourraient exister sans de fortes subventions, notamment européennes. Ils n’ont rien à voir avec la dure réalité économique à laquelle se confrontent les paysans en installation. Ces projets ne sont donc pas durables puisqu’ils dépendent de subventions particulières, non généralisables aux installations plus classiques.

De plus, ils n’ont pour objectif principal que d’être un élément communicationnel de plus dans la compétition nationale et internationale entre les métropoles. De fait, l’agriculture urbaine est à la mode, mais ce n’est pas elle qui va remplir les assiettes des Nantais ! Et qui nous dit que, quand cette mode sera passée, le reste de la zone ne sera pas bétonné et que des immeubles ne viendront pas pousser là aussi ? Des projets de fermes ‘scientifiques’, ‘vitrines’, ‘solidaires’, ‘d’insertion’… (termes employés par l’aménageur), peuvent-ils correspondre au combat de lutte pour une agriculture paysanne, nourricière ?

Enfin, comme dans chaque secteur de la politique publique de la ville, ces projets sont soumis à un total contrôle de la part des pouvoirs publics. Comment ne pas condamner la place d’Olivier Durand dans ce projet, le maraîcher de la Cantine du voyage, solidement installé à Nantes, intronisé maraîcher en titre de la vitrine agricole urbaine nantaise. Lui qui a mené des études pour Nantes Métropole sur les potentialités agricoles sur la zone des Gohards, et qui finalement, en toute discrétion (Nantes Métropole indique toujours qu’aucun jury n’a eu lieu !), récupère le projet de ferme de la Saint-Médard, alors que de jeunes maraîchers avaient postulé auprès de CAP 44. Comment ne pas y voir un signe de conflits d’intérêt, une place de juge et partie ? Comment la CP44 accepte que l’on fasse comprendre à un jeune souhaitant s’installer sur la zone que son projet est trop ‘productif’, et donc trop éloigné de la ligne dessinée par l’aménageur ? Quelle confiance peut-on alors accorder à Nantes Métropole ? Il semblerait que la liberté d’action laissée à CAP 44 soit bien faible, tout comme celle qui sera laissée aux personnes s’installant dans ces pseudos ‘fermes’.

Des projets qui menacent la vie sociale du quartier ?

Nantes Métropole a beau se vanter de vouloir créer de la vie sociale sur le quartier par le biais de ces projets d’agriculture urbaine, le fait est qu’ils s’opposent aussi à une vie déjà existante.

Il est bien difficile de savoir oùen sont les plans de l’aménageur. Mais si notre jardin se trouve tout ou en partie sur la zone d’un projet ‘agricole’, la CP 44 serait-elle prête à participer à cette expulsion ?

Et puis les Roms et Migrants d’Afrique squattant au niveau de la ‘ferme Berto’, laissés pour compte par les pouvoirs publics, devront-ils aussi faire place nette pour l’un de ces projets ‘agricoles’ ? Et que sont devenues les familles roms du terrain de la ‘ferme de la Louétrie’, expulsées il y a quelques mois pour laisser libre ce terrain pour un autre potentiel projet d’agriculture urbaine ?

Peut-être la CP 44 ne connait pas bien la réalité sociale du quartier, et les conséquences plus globales des projets qu’elle accompagne. Si c’est le cas, nous sommes bien entendu disposés à partager nos connaissances à ce sujet avec elle.

Et maintenant ?

De manière plus générale, nous souhaiterions rencontrer des membres de la CP44 pour allier nos forces. Nous pensons qu’avec leur appui, ainsi que celui d’autres organismes également mis à contribution par Nantes Métropole dans l’aspect ‘agriculture urbaine’ (Ecos, Terre de Liens), nous pourrions nous battre face au projet des Gohards tel qu’il est pensé par Nantes Métropole, et redonner vie à la paysannerie sur la zone. Qu’une telle zone cultivable soit encore disponible aux portes de Nantes est une opportunité incroyable à saisir pour initier une réelle politique agricole permettant de nourrir les territoires alentours et non de faire de la communication. N’est-ce pas l’occasion de mettre enfin les actes en face des impératifs environnementaux sans cesse répétés, mais jamais appliqués ?

Pour cela, il appartient à la CP 44 de repenser sa place actuelle dans ce projet, que nous refusons catégoriquement d’intégrer en l’état. Pourquoi ne pas remettrait-elle pas en cause son partenariat avec Nantes Métropole pour la suite du projet ? Pourquoi ne dénoncerait-elle pas l’utilisation verdissante de son organisme ?

Confiants dans le fait que le cœur de la CP 44 ne peut pas battre au rythme de Nantes-Métropole, on compte sur elle !