Cent détenus place de Mai
Au cinquième étage du ministère de l’Economie, avec fenêtres donnant sur la rue, Rodrigo Rato, le directeur du FMI, parlait avec Roberto Lavagna, le ministre de l’Economie lorsque les troubles ont commencé. Il se dit qu’il n’aurait pas fait de commentaires tandis que la protestation piquetera contre sa présence derivait en incidents qui au fil des minutes s’agravaient. Des manifestants de Quebracho, de la CTD Aníbal Verón, de la Coordination d’Unité des Quartiers (CUBa), du Mouvement Teresa Rodríguez et d’autres agroupations de gauche brûlèrent des pneus à la porte du ministère et firent exploser des coktails molotov. Une fois initiée la répression policière, ils s’affrontèrent avec la police fédérale qui, à l’aide d’énormément d’agents en civil, a réalisé une centaine d’arrestations. 102 selon l’information officielle. La Justice les a imputé de blessures et lésions qualifées et intimidation publique, une figure dont la peine n’est pas excarcélable.
Il y eu dans la journée plus d’une action contre le FMI. Le matin, d’autres secteurs ont exprimé leur refus dans l’Hotel
Sheraton, où est logée la mission du Fond. Mais les troubles ont commencé à la mi-journée lorsqu’il y avait deux manifestations Place de Mai. Lors de la première, arrivée vers 11h30, les chômeurs qui exigent la libération de Raúl Castells (leader du MIJD, détenu depuis le 25 août) ont renversé les barrières de sécurité qui coupent la place en deux pour protéger le palais présidentiel et ont avancé sur les policiers, ce qui a généré des moments de tension. Cependant, ce ne furent que des bousculades. Face à la Casa Rosada, les manifestants s’installèrent sans que la police ne les réprime. Les gens se sont calmés et la femme de Castells, Nina Peloso (du MIJD), et Néstor Pitrola (du Polo Obrero) demandèrenmt à être reçus par le gouvernement.
Quand ils attendaient la réponse, est arrivé le deuxième groupe face au ministère de l’Economie, pour protester contre Rato. Visages couverts, ils incendièrent des pneus contre la porte d’entrée et tagèrent les murs. « La patrie pas les yankee » et « Non au paiement de la dette externe ». Ensuite, ils lancèrent des coktails molotov au feu. Les bouteilles explosèrent à grand bruit et quelques secondes après a commencé la répression.
Alors qu’en principe la protestation a été attribuée exclusivement à Quebracho, un ensemble d’organisations a revendiqué l’action. « Ceci ne fut pas une folie de Quebracho », a affirmé à Página/12 Oscar Kuperman, de la Coordinadora de Unidad Barrial (CUBa). « Nous nous sommes réunis à deux reprises la semaine dernière : Quebracho, la CUBA, la FTC Mesa Nacional, la CTD Aníbal Verón, el M-29. Nous avons décidé que l’action serait de brûler des pneus à la porte du ministère et de nous en aller. Ce fut ce que nous avons fait, mais lorsque nous nous étions retirés la police nous a réprimé. Nous avons couru jusqu’à la moitié de la place, nous avons noté qu’il manquait deux camarades et nous sommes retourné pour les récupérer, à ce moment ils nous ont réprimé à nouveau. »
La Police Fédérale a lancé des gaz lacrymogène et tiré des balles de caoutchouc. Tandis que les piqueteros leur envoyaient des pierres, on a vu entrer en action une grande quantité de policiers en civil, un fait que les organismes de droits de l’homme ont signalé comme étant illégal. De fait, les effectifs policiers se sont confondus avec les piqueteros et au milieu des incidents il était très difficile de savoir qui était qui.
Sur la place il y eu des poursuites et des chocs très violents. En voyant ce qui se passait, les chômeurs qui attendaient d’être reçus à la Casa Rosada pour parler de Castells se replièrent à l’extrémité de la place et finalement décidèrent de partir. Beaucoup d’entre eux -maintenant mélangés entre la première et la deuième manifestation- se sont enfuis par l’avenue de Mai, où la police a continué a tiré des gaz et a réalisé le gros des arrestations. La majorité des détenus (parmi eux sept mineurs9 a été capturée dans les stations de métro Piedras et Perú. Le nombre de blessés est de 28, huit policiers avec traumatisme et coupûres à la tête.
Le gouvernement a qualifié de « succès » l’opération policière. Son raisonnement était de ne pas répéter ce qui s’est passé à la mairie de Buenos Aires (mini émeute que la police tarde à réprimer). Les piqueteros qui se sont mobilisés pour Castells ont critiqué en privé l’incendie de pneus. « Au final, tu ne sais pas si ce sont ceux de Quebracho ou des policiers en civil. Dix ou quinze types provoquent cette situation et le résultat est qu’ils nous dans le métro », a dit à Página/12 un des dirigeants. Mais en public ils fermèrent les rangset convoquèrent à une manifestation à la Casa Rosada. « Ils recoivent le directeur du FMI et répriment ceux qui demandent du pain et du travail », fut l’interprétation répétée par les leaders du mouvement piquetero. Quelques référents, comme Daniel Aguirre, du MIJD, ont accusé le gouvernement de « monter une provocation pour justifier la répression ». Dans la manifestation de vendredi, ils vont demander la libération de « tous les prisonniers politiques en Argentine », une catégorie qui concerne Castells, les détenus de la Mairie de Buenos Aires et les 102 d’hier.
Ceux qui protestèrent contre le FMI
Les organisations qui ont réalisé l’action contre le FMI au ministère de l’économie ne cachent pas qu’ils agirent avec l’objectif de produire un fait politique. Quelques unes d’entre elles, spécialement Quebracho, réalisent fréquemment des actions directes comme celle d’hier. Lors de sa dernière apparition publique, le 24 juin 2004, ils pénétrèrent sur l’explanade de l’édifice Libertador, où ils brûlèrent des drapeaux des Etats Unis et de l’ONU pour leur opposition à l’envoi de troupes argentines à Haiti. « Nous croyons que les actions directes servent pour réveiller la conscience nationale » a dit à Pagina12 Nicolas Lista, dirigeant de Quebracho et de sa ligne piquetera, la CTD Anibal Veron (une des quatres organisations à porter le mëme nom). Fondée en 1996, Quebracho se revendique un mouvement révolutionnaire nationaliste et de gauche. Les autres secteurs qui protestèrent hier contre le FMI furent des organisations de chômeurs (comme la Coordination d’Unité des Quartiers (CUBa), le Mouvement Teresa Rodriguez, le Front des Travailleurs Combatifs-bureau national) et leurs partis politiques. Leur version sur les évènements est qu’une fois que furent incendiés les pneus et jetés les coktails molotov, la police les a réprimé et ils ont répondu par des jets de pierres. « Nous avons fait ce que nous avions précédemment convenu. Nous n’avons pas apporté de molotovs, mais des bouteilles en plastique que nous avions remplies d’essence pour brûler les pneus », a dit Oscar Kuperman (CUBa). Pour les dirigeants, la magnitude des incidents est liée à la réaction policière.

Laura Vales, Pagina12, 01/09/04