Quand Staline livrait des juifs à Hitler
http://www.lexpress.fr/informations/quand-staline-livrait-des-juifs-a-hitler_626360.html

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Comme le rappelle Arkady Vaksberg, « le fait que Staline ait été un antisémite convaincu, voire fanatique, n’a été abordé que récemment. Les nombreux livres et articles qui lui ont été consacrés dans les années 20, 30 et par la suite, font référence à ses traits de caractère, aux divers aspects de sa personnalité qui en aucun cas ne peuvent être perçus comme des vertus, sa soif de pouvoir, de vengeance, sa cruauté, ses trahisons, sa rancœur, son hypocrisie, etc. Mais son « antipathie » envers les Juifs, tout aussi avérée, qui provoqua une série d’actes criminels, ne fut mentionnée que tout récemment. Même Trotsky dans son célèbre Staline, n’évoque pas ce « détail » important (46) ». Encore récemment, il était courant de dire que Staline n’était devenu antisémite qu’à la fin des années 40. Bien que Vaksberg ait raison de dire que Trotsky ne percevait pas l’antisémitisme personnel de Staline, on ne peut nier les efforts de Trotsky pour dénoncer et combattre l’utilisation de l’antisémitisme par Staline au sein du parti, depuis les hautes sphères jusqu’à la base dans les usines, comme le montre l’épisode suivant raconté par Trotsky : « L’attaque contre l’Opposition en 1926 revêtait un caractère ouvertement antisémite à l’intérieur du parti, y compris à Moscou, mais aussi dans les usines,. Beaucoup d’agitateurs déclaraient : « Les Juifs sont en train de conspirer. » J’ai reçu des centaines de lettres déplorant les méthodes antisémites utilisées dans la lutte contre l’Opposition. Lors d’une séance du Bureau politique je fis passer une note à Boukharine : « Vous avez déjà entendu parler de l’utilisation, même à Moscou, des méthodes démagogiques des Cent-Noirs (antisémitisme, etc.) contre l’Opposition ? » Boukharine me répondit de façon évasive, sur le même bout de papier : « On trouve des cas isolés, c’est sûr ! » Je poursuivis : « Je ne parle pas de cas isolés mais bien d’une campagne systématique parmi les secrétaires du parti au sein des grandes entreprises moscovites. M’accom-pagneriez-vous à l’usine de Skorokhod afin d’enquêter sur un de ces cas ? (je connais un nombre infini d’exemples) » ; Bou-kharine répondit par l’affirmative. Je tentai en vain de lui faire tenir sa promesse mais Staline le lui interdit catégoriquement(47) ». (…)

L’État soviétique encourageait l’antisémitisme généralisé et persécutait les Juifs (Trotsky et les opposants n’étaient pas les seuls Juifs persécutés et l’antisémitisme stalinien ne s’arrêta pas après leur élimination : il suffit de penser au « complot des blouses blanches » en 1952 et au destin de Leopold Trepper aux mains de la police soviétique après la Seconde Guerre Mondiale), tout en condamnant à mort les antisémites. Staline a maintenu cette mesure alors même qu’il lançait sa propre campagne antisémite. Selon Vaksberg, les procès antisémites ne furent pas les seuls à se multiplier dans les années 30, ceux contre les antisémites connurent la même croissance(53). L’État soviétique feignait de combattre l’antisémitisme alors qu’il l’encourageait.

Les procès de Moscou parvinrent à cumuler les deux accusations – judaïsme et antisémitisme – chez les mêmes accusés : « Le dernier procès de Moscou par exemple, fut mis en scène dans l’intention, à peine dissimulée, de présenter les internationalistes comme des traîtres Juifs capables de se vendre à la Gestapo allemande. Depuis 1925 et surtout depuis 1926, une démagogie antisémite, bien camouflée, inattaquable, va de pair avec des procès symboliques contre de prétendus pogromistes (54). » (…)

http://www.mondialisme.org/spip.php?article269

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Gédéon Haganov : Le communisme et les juifs. Staline est-il antisémite ?
http://archivesautonomies.org/IMG/pdf/spartacus/spartacus/cahiersmensuels/cahiersmensuels-1951-n32.pdf

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(…) point n’est besoin d’être né de mère juive pour être perçu comme tel. Point n’est besoin non plus d’avoir une quelconque pratique voire de connaissance de ce qu’est le judaïsme ni même de conviction identitaire. Avoir un patronyme compliqué, des traits un peu différents du commun, et voilà une question théologico-juridique épineuse hardiment réglée.

La parole libérée des juifs du silence
À propos de : Sarah Fainberg, Les Discriminés. L’antisémitisme soviétique après Staline. Fayard.
http://www.laviedesidees.fr/La-parole-liberee-des-juifs-du.html

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S’agissant de l’antisémitisme grandissant de Staline, comment ne pas invoquer le témoignage de première main de sa fille. Évoquant les relations entre son père et sa mère, Nadejda Allilouieva, Svetlana écrit que Staline avait de fréquentes disputes avec son épouse lorsque celle-ci intercédait en faveur de Juifs persécutés. Staline, rapporte Svetlana, disait volontiers que l’histoire du parti était celle de la lutte contre les Juifs. Bien entendu, il songeait au combat contre les mencheviks et à la guerre personnelle qu’il menait contre Trotski, Zinoviev et Kamenev. Comme tout antisémite, il habillait une rivalité purement politique de couleurs ethniques – il n’avait pas en face de lui de simples adversaires, mais des adversaires juifs. […]

Si l’on peut penser, comme c’est souvent le cas dans la Russie d’aujourd’hui, que le comportement de Staline était dicté par des motifs purement politiques, découlant de la situation internationale de l’époque, cela ne saurait pourtant justifier ni même expliquer les entreprises aberrantes de ses dernières années. Car ses véritables sentiments, jusqu’alors retenus ou cachés, ont dû infléchir sa politique dans le sens dicté par une pathologie mentale toujours moins dissimulable. Dès 1927, son médecin personnel, Vladimir Bekhterev, avait diagnostiqué la paranoïa de son patient, ce qui lui valut d’être aussitôt liquidé. Un quart de siècle plus tard, Vladimir Vinogradov, médecin personnel de Staline, se garda bien de nommer le mal dont ce dernier était atteint et se contenta de recommander le « repos complet et la cessation temporaire de toute activité ». La réaction du malade n’en fut pas moins furibonde : « Aux fers ! Aux fers ! » Ce qui fut fait, on s’en doute à la manie de la persécution, savamment attisée par la Loubianka, selon laquelle(318) (319) tous les dangers émanaient de la « juiverie internationale », manipulatrice des Juifs d’URSS, déterminait les décisions de Staline. Obsédé par la « question juive », il laissa libre cours aux pulsions qui le taraudaient depuis longtemps.

Si les comportements d’un homme d’État peuvent être fonction de l’idée qu’il se fait de l’opportunité politique, c’est au travers de ses rapports avec ses proches que ses sentiments s’expriment dans leur authenticité. Quand bien même nous ferions abstraction de l’inaltérable antisémitisme stalinien dont son secrétaire, Boris Bajanov, nous a laissé tant de témoignages, il faut rappeler l’attitude de Staline à l’égard des épouses juives de ses plus proches « compagnons » et, mieux encore, de sa propre fille Svetlana. À l’apparition du premier amant de celle-ci, Alexeï Kapler, Staline eut une seule et prévisible réaction : « Ce sont les sionistes qui te l’ont fourgué. Tu aurais quand même pu trouver un Russe ! » Et Svetlana, bien placée pour connaître les sentiments de son père, de conclure : « Je crois que ce qui exaspérait surtout mon père, c’est que Kapler était juif. »

Apprenant l’intention de sa fille d’épouser Grigori Morozov (Moroz), Staline ne voulut voir en celuici qu’un Juif et prévint sa fille qu’il ne le laisserait jamais franchir le seuil de sa maison.

Que Svetlana revienne plusieurs fois sur le sujet dans ses Mémoires montre à quel point l’antisémitisme paternel la blessait. Apprenant qu’il avait obtenu gain de cause et que sa fille divorçait, Staline, tout heureux, lui ouvrit un compte en banque illimité, lui offrant, en dédommagement, la possibilité de jeter l’argent par les fenêtres aux frais de l’État(321). Anastase Mikoyan, membre du Politburo, et qui connaissait parfaitement la situation, décrit l’épisode dans ses Mémoires posthumes : « Lorsque Svetlana épousa l’étudiant juif Morozov, les sentiments antisémites avaient pris, chez Staline, une forme exacerbée. Il fit arrêter le père de Morozov, quelqu’un de parfaitement obscur [pour son malheur, Iossif Morozov était vice-directeur administratif de Lina Stern, qui dirigeait un institut de recherche] et nous dit que c’était un espion américain dont la mission était de capter sa confiance par le biais du mariage de son fils, afin de faire passer des informations aux Américains. Après quoi il mit à Svetlana le marché en main : si elle ne divorçait pas, Morozov serait arrêté. Svetlana obtempéra et ils divorcèrent(322). » À peine Svetlana se fut-elle séparée de son mari que Gueorgui Malenkov, appréciant très pertinemment la situation, réalisa quels vents soufflaient du Kremlin. Et il contraignit sa fille, Volia, à se séparer de son mari, Vladimir Schamberg, fils d’un vieux camarade et collaborateur de Malenkov. Presque aussitôt, Schamberg père fut expulsé de l’appareil du Comité central(323). D’une façon générale, le cercle familial mécontentait Staline. Maria, la femme de son beau-frère Alexeï Svanidzé, était juive. Ce qui mettait Staline hors de lui, sans qu’il y puisse rien, sinon les fusiller tous les deux. Ce qu’il fit(324). […]

Arcadi Vaksberg
STALINE ET LES JUIFS
L’antisémitisme russe : une continuité du tsarisme au communisme
https://bibliothequeuniverselle.blogspot.com/2016/06/staline-et-les-juifs.html

318. Cf. Poroki i bolezni velikih lyudey (« Tares et maladies des grands hommes »), recueil d’articles, Minsk, 1998, et M. Bouyanov, Lenin, Stalin i psihiatriya (« Lénine, Staline et la psychiatrie »), Moscou, 1993.

319. Anton Neumayr, Diktatori v zerkale medizini (« Les dictateurs dans le miroir de la médecine »), Rostov-sur-le-Don, p. 427, 1997, Cf. également le diagnostic de Nikolaï Blokhine, président de l’Académie de médecine de l’URSS, fondé sur les conclusions d’un groupe important de psychiatres et concernant l’état mental de Staline à la fin des années 1940 : « Progression des pulsions sadiques, aggravation rapide de la manie de la persécution, manque total de confiance envers son entourage, même s’agissant des personnes les plus proches et les plus dévouées, sensible à tout ce qui est susceptible de confirmer sa conviction d’être la cible d’un complot (Oktiabr, n° 8, 1988), ainsi que le témoignage de sa fille Svetlana sur « la profonde athérosclérose des vaisseaux du cerveau, fréquentes hallucinations et troubles de l’élocution ». L’athérosclérose, à l’origine des profonds dérèglements des fonctions du système nerveux, était également constatée par le professeur A. Miasnikov, lequel se trouvait au chevet du tyran agonisant (Literatournaya Gazeta, 1er mars 1989). Tous ces symptômes qui corroborent la lourde pathologie mentale de Staline ne permettent pas, cependant, de le tenir pour irresponsable de ses crimes V. Tortchinov, A. Leontiouk, « Autour de Staline », p, 91) mais font mieux comprendre les causes de l’explosion obsessionnelle d’un antisémitisme jusqu’alors occulté.

320. Svetlana Allilouieva, Dvadtsat pisem k drouzou (« Vingt lettres… »), op. cit, p. 170.

321. Témoignage d’un ami proche de Svetlana, le professeur Sergo Mikoyan, fils d’Anastase Mikoyan, membre du Politburo ; Ogoniok, n° 15, p. 29,1989.

322. A. Mikoyan, Tak eto bilo (« Ce fut ainsi »), op. cit., p. 362-363.

323. Mikhaïl Volsenski, Nomenklatoura, Londres, p. 397,1984.

324. APFR, 45/1/1/1.

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Les étrangers dans les camps

L’U.R.S.S. envoie libéralement ses sujets dans les camps de concentration. La sollicitude « socialiste » n’épargne ni les sujets des terres annexées, ni les ressortissants de nations étrangères. Il a fallu des années pour que nous parvienne au monde le cri d’angoisse des républicains espagnols internés sans motifs dans des camps de concentration, celui de Karaganda notamment : La « Solidaridad Obrera » organe de la Confédération Nationale du Travail espagnole, publié dans l’exil où l’a contraint d’exister le sinistre régime de Franco a inséré les deux documents suivants :

« Aux autorités espagnoles,

« Le soussigné a l’honneur d’exposer les faits suivants : membre de l’armée républicaine, je fus envoyé, en 1938, par mon gouvernement en U.R.S.S. pour suivre des cours de pilote avec un groupe de soixante personnes. Lors de l’entrée en guerre des Soviets contre l’Allemagne, je fus interné avec vingt-six camarades de mon école et un groupe de marins. Toutes les démarches que nous avons effectuées pour être libérés sont restées vaines… »
« Chère maman. Pour la première fois depuis sept ans, je t’envoie cette lettre avec l’espoir qu’elle te parviendra. Je suis venu en Russie en 1939, pour mon malheur, afin de devenir pilote d’aviation. Transféré à Moscou, deux mois plus tard, je fus interrogé par une Commission, à qui je fis part de mon désir de gagner Mexico pour rejoindre les miens. Les Russes me promirent de faire les démarches nécessaires à l’obtention du visa, et, après quelques mois, me firent savoir que je devais moi-même réunir les documents voulus. Je travaillais alors à Moscou pour gagner un peu d’argent, afin de payer mes frais de transport. Je me rendis donc à l’ambassade de France, ou l’on me dit que mes papiers personnels et mon passeport étaient indispensables. Je commençai alors à me rendre compte des difficultés qui s’opposaient à mon départ de Russie, car je n’avais plus aucun papier, les ayant tous remis aux autorités soviétiques à mon arrivée, et ne les ayant jamais récupérés malgré de multiples réclamations. L’ambassade américaine me promit son aide. L’ambassade anglaise ne voulut même pas m’écouter. Au bout d’un certain temps, le 25 juin 1941, quatre jours après l’entrée en guerre de ta Russie, la police soviétique m’arrêta et je fus immédiatement déporté en Sibérie. Je passai deux ans dans une prison immonde. Puis je fut emmené ailleurs comme forçat, dans un camp international, où se trouvaient des Français, des Tchèques, des Danois, des Italiens, des Roumains, des Juifs, des Russes, des Yougoslaves, des Finlandais, des Allemands, des Persans et des Espagnols de toutes régions. J’y suis encore, deux ans et demi après la fin de la guerre. La plus grande partie des internés étrangers a été libérée, il ne reste plus ici que les Espagnols et beaucoup de Juifs…
« Je vous écris ces lignes de la lointaine république de Rosatjan sous un froid intense, dans le silence de la nuit, et éclairé par une lampe à pétrole misérable…
« Il nous est interdit d’écrire… Je profite de la libération d’un ami qui a partagé nos angoisses… Pourquoi les ambassades étrangères ne s’occupent-elles pas de nous ?… Toute notre confiance est dans nos amis. » (18)

Tous les journaux du monde se sont émus à la révélation calvaire des républicains espagnols. Les chefs du Guépéou ont cru se tirer d’affaire en prétendant que les espagnols internés étaient des fascistes de la Légion bleue, capturés par l’Armée Rouge. Ce mensonge éhonté n’a pas pris. La Fédération espagnole des déportés et internés politiques ne l’a pas permis. Son appel met les choses au point :

« Il n’est pas dans nos intentions de faire le procès chronologique de la douloureuse odyssée des républicains espagnols déportés au camp de travaux forcés de Karanganda, dans le désert de Kazakstan (U.R.S.S.). Il nous suffit d’affirmer, d’accord avec les plus élémentaires principes que l’honneur et la conscience commandent dans les règles de toute collectivité, que l’existence et la grave situation de nos compatriotes sont exactes et que leur antifascisme et républicanisme sont certifiés par une conduite exemplaire authentifiée par des organisations et des personnes qui, comme nous-mêmes, ont eu à surmonter les conditions de notre exil, et les connaissent depuis de longues années.
« Il nous suffit d’ajouter brièvement qu’il s’agit de soldats de l’armée républicaine, et c’est l’héroïsme et la valeur dont ils firent preuve pendant la guerre espagnole qui leur valurent d’être sélectionnés et envoyés en Russie, par le gouvernement républicain, pour y perfectionner des études de pilotes aviateurs. D’autres, marins antifascistes, constituaient une partie des équipages chargés du transport du matériel et de l’or. D’autres enfin, médecins ou professeurs d’une morale républicaine très éprouvée, et auxquels fut confié le meilleur de nos trésors : la responsabilité des colonies d’enfants, desquels ils furent plus tard, en territoire russe, brusquement éloignés.
« Ces premiers antécédents sont destinés à démentir bien haut divers propagateurs de mensonges, » lesquels ont prétendu stigmatiser ces républicains, disant qu’il s’agissait d’éléments de la « Division Bleue », bénéficient du statut des prisonniers de guerre établi par la Convention de Genève.
« La vie et la sécurité des démocrates antifascistes sont gravement menacées, tandis que comme contraste paradoxal, les néo-phalangistes, qui auraient mérité de la part de l’U.R.S.S. un régime de sévérité, si on doit en juger les apparences, après avoir exprimé le désir de regagner l’Espagne franquiste, furent, avec tous les égards, dirigés au cours de l’année 1939 à la frontière de Turquie par les autorités soviétiques, où l’ambassade franquiste les prit en charge pour les envoyer ensuite vers l’Espagne.
« Nous qui avons souffert dans nos chairs les sadiques tortures du régime hitlérien, et avons survécu aux horreurs des enfers d’extermination systématisée, ne pouvons pas nous résigner à ce que ces êtres humains, qui, comme tous les républicains espagnols, furent les premiers qui opposèrent généreusement la première résistance organisée au fascisme international, soient soumis à de cruelles méthodes par un pays qui se proclame ami, et qui lutta contre l’Allemagne nazie, en les drapeaux de la liberté. » (19)

Etre sioniste est un crime

Les « socialistes » soviétiques, ennemis de toute liberté, sont aussi les ennemis des socialistes authentiques. Qui connaît le sort tragique des sionistes en U.R.S.S. ? L’un des leaders les plus autorisés du mouvement sioniste, le célèbre Docteur Margoline a été arrêté comme Polonais en 1940 et condamné au travail forcé jusqu’en 1945. Son témoignage, à lui aussi, est indiscutable :

« Toute une génération de sionistes est morte dans les camps de l’U.R.S.S., déportés et emprisonnés. L’une des impressions les plus terrifiantes que j’aie conservées de mon séjour dans « l’empire souterrain des Soviets » est ma rencontre avec ces morts-vivants qui hantent les geôles russes et dont le seul crime est d’avoir, dans leur jeunesse, milité pour le sionisme. J’ai vu se dresser devant moi des vieillards au corps brisé, sans espérance et sans foi. Nombreux étaient parmi eux des hommes de grand mérite, dont le souvenir reste vivace au coeur de leurs compatriotes. Ils me chargeaient de pieux messages pour ceux qu’ils avaient laissés derrière eux, mais ils me suppliaient de taire leurs noms pour éviter de cruelles représailles à leurs parents et à leurs amis.
« Qui donc ignore en Lithuanie le nom de cet homme de bien qu’était le Dr Benjamin Berger, président de l’organisation sioniste. C’est en 1941, lorsque la Lithuanie fut occupée par les troupes soviétiques, que le Dr Berger fut arrêté et déporté. On lui reprochait d’avoir appartenu à cette dangereuse organisation contre-révolutionnaire qu’est celle des sionistes . Il fut classé dans le groupe Y et condamné à dix ans. Pour un homme de son âge et de sa santé (il souffre d’une grave maladie de coeur), dix années de travaux forcés équivalent à une condamnation à mort. Envers qui le Dr Berger est-il coupable ? Envers la classe ouvrière lithuanienne ? Absurdité. Cet homme meurt pour rien.
« Et il n’est pas le seul ! Des quantité d’autres sionistes, arrachés à la vie en pleine jeunesse, et tout aussi irréprochables que le Dr Berger, se meurent derrière les barbelés soviétiques. On les attend. On les pleure. On ne sait rien d’eux. Ils vivaient paisiblement en Pologne, en Lithuanie, dans les Pays baltes sans se soucier de l’Union soviétique. La guerre est venue. On a fait d’eux des « citoyens de l’U.R.S.S. », et, quels qu’aient été leur valeur ou leurs mérites, l’U.R.S.S. n’a pas trouvé pour eux d’autre emploi que celui de bagnard. A ce titre, l’affaire Berger est typique de la persécution entreprise par les Soviets contre les Juifs.
« Et je dis à mes amis sionistes : On tue nos frères et nous ne bougeons pas. Croyez-vous donc avoir de plus grandes causes à défendre, devions nous imposer de ne rien dire de ce scandale, de ne rien faire qui puisse gêner la coopération des Alliés. Mais, aujourd’hui, la guerre est finie. Et nous n’avons pas le droit de persévérer dans notre inaction. » (20)

Tous les témoignages qui proviennent de l’autre côté du rideau de fer indiquent que le marché des esclaves reste toujours ouvert. Les Polonais, entre autres, ont repris la route de l’Est :

« A Gdansk (Dantzig), il y a un bloc de maisons de trois à quatre étages, qui est cerné d’un mur et transformé en prison. C’est la plus grande prison nouvellement construite dans les Terres occidentales. Elle est prévue pour quinze mille personnes. Les gardiens et la direction de cette prison se composent de Russes. En décembre 1947, deux transports de prisonniers ont été expédiés par la mer sur le bateau Sébastopol (sous pavillon soviétique). Chaque transport comptait environ cinq cents à six cents prisonniers, dont plusieurs hommes suspects d’appartenir à la guérilla de Forêts de Tuchola et environ deux cents anciens soldats de l’armée polonaise en Occident, rapatriés en 1945. Cette espèce des rapatriés est actuellement à la mode, et on les arrête en Poméranie sous n’importe quel prétexte. Même la carte de membre du parti communiste (P.P.R.) ou socialiste (P.P.S.) ne fournit aucune protection.
« D’après les rumeurs circulant à Gdynia, ces transports sont dirigés vers Léningrad. » (21) (21 bis)

Guy Vinatrel
L’U.R.S.S. CONCENTRATIONNAIRE
Travail forcé, esclavage en Russie soviétique
Chapitre V, « Le monde concentrationnaire soviétique », pp. 83-86
Ed. Spartacus, Cahiers Mensuels, Juillet 1949.

NOTES

18. Solidaridad Obrera, 8 janvier 1948.

19. Publié dans Le Libertaire du 1-4-48.

20. Lettre aux sionistes — publiée dans l’organe yiddish de New-York — Vorwärts, avril 1948. Depuis la publication de cet appel, les Sionistes ont appris la mort du Dr Berger, en 1948, dans un camp de concentration.

21. Dziennik Polski, organe de l’émigration polonaise, Londres, n° du 10-3-48.

21 bis. Depuis la fin des hostilités une immense région désertique est devenue le centre d’une activité concentrationnaire fébrile. Le Politburo a décidé la transformation des déserts de l’Asie Centrale à laquelle il entend rendre « la fertilité des temps antiques ». D’immenses travaux d’irrigation nécessitent la présence de centaines de milliers et peut-être même de millions d’hommes. Dans le même moment des voies de transport sont créées. La presse soviétique elle-même donne des détails significatifs sur la façon dont cette entreprise gigantesque est ruinée. Dans le n° de mai 1949, de la Revue de Propagande Soviétique en France, Les Etudes Soviétiques, on trouve les lignes suivantes :
« Il y a un an, une grande nouvelle bouleversait toute l’Asie centrale : le Gouvernement avait décidé d’entamer la construction du chemin de fer. Les Conseils des ministres de la Turkménie et de l’Ouzbékistan lancèrent un appel invitant la population à participer à la construction de ce chemin de fer. Des kolkhoz entiers quittaient leurs kichlaks (villages). Les gens arrivaient à pied, en barque, en chariot, en avion sur les chantiers de construction.
« Bientôt, on vit se constituer une Gigantesque rue de tentes de 400 kilomètres allant de Tchardiou jusqu’à Ourguentch. Dans une chaleur torride (le thermomètre monte souvent dans ces régions jusqu’à 55° C.), 70.000 hommes engageaient le combat contre le désert. Pour construire dans de pareilles conditions un remblai de 400 kilomètres, pour le consolider à l’aide de boucliers de roseaux, pour ériger des barrages contre les sables, ils ne mirent que deux mois. »
Un tel aveu n’a besoin d’aucun commentaire.