Les élus sont appelés à voter l’engagement dans ce processus, au conseil municipal de Nantes le 6 octobre et au conseil métropolitain le 13 octobre. Le conseil municipal de Rezé a voté le recours à cette « expérimentation » pour deux ans. Celui de Vertou a voté l’implantation des caméras.

Nous regrettons que les majorités locales aient changé de position. Elles disaient il n’y a pas si longtemps que la vidéosurveillance n’est pas une solution.

Dans le département jusqu’à une date récente, la vidéosurveillance des espaces publics était seulement présente à St Herblain, Orvault et La Baule. Depuis 2013, elle s’est étendue : Sautron, Treillières, Le Pellerin, Pornichet, Pornic, Carquefou, Le Croisic, St Sébastien-sur-Loire, Grandchamp-des-Fontaines, St Nazaire… D’autres collectivités y réfléchissent comme Ste Luce, Bouguenais, La Montagne.

Nous refusons ce qu’implique la banalisation de la vidéosurveillance rebaptisée de façon trompeuse « vidéoprotection ».

De faux arguments

« La vidéosurveillance est un moyen d’identifier les délinquants ». Mais, si le méfait a été commis et que les caméras ne l’ont pas empêché, la « vidéoprotection » ne protège pas des atteintes aux personnes et aux biens et permet au mieux de poursuivre. La vidéosurveillance n’a pas empêché les attentats à Nice pourtant hautement vidéosurveillée, ni en d’autres lieux.

« La vidéosurveillance n’est pas à craindre quand on n’a rien à se reprocher ». Mais, la vidéosurveillance fait de tous les citoyens des suspects potentiels. Il s’agit là d’une inversion du droit, lequel considère chaque personne comme innocente jusqu’à ce qu’elle franchisse les limites de la loi, après quoi et pour cela elle pourra être sanctionnée.

«Les dégradations, incivilités et actes délictueux sont moins fréquents dans les endroits filmés ». Mais, la délinquance s’adapte et se déplace. Le délinquant averti, le braqueur décidé ne va pas être assez bête pour commettre un délit à découvert devant une caméra. La logique implique alors de mettre de plus en plus de caméras. Imagine-t-on une société totalement vidéosurveillée ? Tandis que les actes impulsifs ne sont pas freinés par les caméras. Ainsi, l’efficacité de la vidéosurveillance contre les incivilités et la délinquance n’a jamais été montrée.

La vidéosurveillance coûte cher et est inefficace pour faire respecter la « sécurité ».

Plus au fond, des dangers pour la liberté et la démocratie

Etre surveillé amène les personnes, même bien intentionnées, à « normaliser » leurs comportements, à s’autocensurer. C’est là une atteinte sournoise à la liberté d’aller et venir et au libre arbitre. L’enregistrement et la diffusion d’images d’une personne sans son consentement restent une atteinte à la vie privée et menacent les libertés individuelles.

Et comment être assuré de l’avenir ? Bien sûr, nous sommes en démocratie, mais par exemple sur la place Tian’anmen en Chine, les caméras ont permis d’identifier les personnes. L’opposition citoyenne et les mouvements sociaux font partie de l’activité démocratique. Une majorité municipale peut toujours évoluer.

La vidéosurveillance détruit le lien social et déresponsabilise

On ne peut répondre au « sentiment d’insécurité » des citoyens par un artifice technique. Là où on attend au contraire des solutions basées sur le contact humain : renforcer la présence d’enseignants, d’aide-éducateurs, de travailleurs sociaux, d’animateurs, de médiateurs, de concierges, de correspondants de quartiers, de policiers de proximité et développer les espaces de rencontres et d’échanges pour rendre les gens acteurs de leurs espaces de vie collective. La vidéosurveillance déresponsabilise les citoyens qui auront tendance, en cas d’incident, à se décharger sur l’agent imaginé derrière la caméra. La vidéosurveillance menace la solidarité et renforce l’individualisme.

Les moyens techniques ne peuvent garantir une protection absolue contre tous les risques de la vie. Cette illusion conduit à accepter des restrictions aux libertés et des atteintes à la vie privée sur lesquelles il sera ensuite impossible de revenir, le tout en affaiblissant au passage les valeurs sociales et démocratiques de notre société.

Au final, la vidéosurveillance est une sorte de renoncement.

Nous nous tenons à la disposition de toutes les personnes et des pouvoirs publics pour débattre des graves questions posées par la vidéosurveillance. Nous appelons tous les habitants à se saisir de ces questions.

Nous demandons aux élus de la ville de Nantes et à ceux de Nantes Métropole de ne pas voter la décision d’installer des caméras dans les rues.

Ligue des droits de l’Homme (LDH), Syndicat des Avocats de France (SAF)