Ce récit n’est pas exhaustif, il reste partiel et factuel. Les citations ne sont pas au mot près. Merci de ne pas en tenir rigueur.

Ce mercredi matin (27 septembre) était la dernière date du procès de la voiture de police brûlée sur le quai de Valmy, le 18 mai 2016.

Kara et Krem, deux inculpé.e.s, sont actuellement en détention provisoire.

L’ambiance était très calme au tribunal ce matin. Depuis la salle d’audience, aucun bruit de l’extérieur n’est venu perturber les plaidoiries des deux avocats, si ce n’est de temps en temps les sirènes anxiogènes des voitures de forces de l’ordre.

L’audience a débuté avec la plaidoirie d’Antoine Vey, avocat de Nicolas F. [1]

Face à un juge figé voire stoïque, Antoine Vey commence par dénoncer l’instrumentalisation politique du procès par le premier ministre de l’époque (Manuel Valls) mais aussi certains locaux de police ayant servi à plusieurs garde-à-vues et dans lesquels trônaient sur les murs des drapeaux du syndicat policier Alliance (très marqué à droite…).

Il fait remarquer que la procureure a serré la main des parties civiles en arrivant au tribunal ce matin !

« Vous ne feriez jamais ça avec les prévenu.e.s ! »

Il explique que la qualification criminelle des faits (abandonnée depuis) a eu des conséquences graves sur les inculpé.e.s.

Antoine Vey défend Nicolas en affirmant qu’il « n’a pas maîtrisé les faits, n’a pas maîtrisé cette violence. Il ne l’a pas « revendiquée ». Après avoir cité Foucault « les faits, la sanction, le supplice », l’avocat demande une personnalisation des peines.

« Il y a des violences en manifestation mais donc on n’aurait pas le droit de manifester ? […] Est-ce le procès des idées ? »

Antoine Vey revient sur le parcours de Nicolas, choqué par la violence des forces de l’ordre à l’encontre des manifestant.e.s durant la loi Travail. Néanmoins, son client n’est pas un « idéologue ».

« Vous me faites penser à Javert madame la procureure ! » affirme sans détour l’avocat au sujet de la sévérité des peines requises par les deux procureurs vendredi dernier.

« Être armé ce n’est pas avoir une veste noire, un bonnet et des lunettes ! »

Il explique ensuite que la barre de fer n’en est pas une mais qu’il s’agit d’une tige métallique flexible. Il exige que Nicolas soit jugé avec clémence. « Il a été lourdement puni, il est inséré. Il n’y a plus aucune raison, si ce n’est un message politique nauséabond pour le remettre en prison ».

Antoine Vey conclut sa plaidoirie en affirmant :

« Si vous le renvoyez en prison vous l’aurez jugé mais vous n’aurez pas rendu la justice »

C’est ensuite au tour d’Arié Alimi, avocat d’Antonin B. [2], de plaider.

Il débute sa prise de parole en ayant un premier mot de compassion pour les parties civiles puis rappelle que son grand-père était instructeur de police en Algérie pendant l’état d’urgence.

Il explique que depuis Sivens, il y a eu un changement de doctrine dans le maintien de l’ordre.

« Comment expliquer qu’il n’y a plus d’enfants et de poussettes dans les manifs ? […] Avant, la doctrine était de tenir à distance, aujourd’hui c’est faire mal et décrédibiliser un mouvement social. »

Il dit avoir une pensée pour Rémi Fraisse, la famille Traoré, Théo et le lycéen de Bergson. Il s’exprime avec force contre le déséquilibre des réquisitoires du ministère public.

« 8 mois de sursis pour le policier ayant fracturé le nez du lycéen de Bergson contre 8 ans de prison ferme avec mandat de dépôt pour un fumigène dans une voiture de police ! Ce n’est pas intelligible ! »

Antonin B. est signalé sans relâche par la DRPP (Direction du Renseignement de la préfecture de police de Paris) depuis plusieurs années. Dans 11 affaires signalées à son encontre par des renseignements de la DRPP, Antonin a été relaxé (ou affaire classée sans suite).

« C’est une dénonciation calomnieuse, je peux me permettre de franchir le pas ! »

L’avocat dénonce la logique administrative des fameuses « notes blanches » des renseignements. « Le témoignage anonyme n’a plus aucun sens ».

Par la suite, Arié Alimi décortique ce témoignage anonyme (« T142 ») qui s’avère être donc celui d’un agent de la DRPP. Les contradictions du policier dans son témoignage sont criantes car il n’a su établir le rôle d’Antonin lors de la manifestation. « Il a menti, il savait qu’il mentait » affirme haut et fort Alimi.

Lors d’une confrontation devant Thierry Lévy (ancien avocat d’Antonin), le policier-témoin a indiqué à de nombreuses reprises ne pas souhaiter répondre aux questions. Le témoignage n’est plus crédible selon Arié Alimi. Le refus de s’expliquer pourrait même permettre de lancer des poursuites judiciaires à son encontre.

Antonin avait le poignet blessé lors du 18 mai 2016 (depuis un mois et demi), « il ne pouvait donc pas porter ce plot durant les faits » explique son avocat.

« Nous sommes face à une méthode où l’on veut un résultat dès le départ !« 

Alimi revient ensuite sur les détails vestimentaires et physiques qui auront servi à inculper Antonin. La basket Nike est par exemple une chaussure commune chez de nombreux jeunes. Garder son téléphone dans sa poche de jean, c’est faire « comme tout le monde ». Antonin a des cernes ? Beaucoup de jeunes « passent leur nuit devant la télé ou à faire la fête ».

L’avocat brandit plusieurs photographies issues de vidéos et imprimées sur du papier cartonné pour étayer ses dires sur les traits vestimentaires communs à de nombreux manifestant.e.s. Le procureur n’a pas utilisé toutes les photos disponibles dans le dossier d’instruction selon Arié Alimi. Le procureur a « délibérément menti ». Le témoignage du policier affirme qu’Antonin a un cache-cou et non une cagoule et on n’a pas retrouvé la veste incriminante. « Ce n’est pas lui l’agresseur ! » dit son avocat. Le policier « kung-fu » n’a d’ailleurs pas reconnu Antonin derrière la vitre sans teint.

« Qu’est-ce que vous voulez de plus comme preuves ? […] Pourquoi on a voulu accuser mordicus, envers et contre tout Antonin ? […] On a voulu faire condamner absolument un opposant politique. La politique contamine notre justice et nous sommes en France, pas en Russie ! »

Arié Alimi demande la relaxe pour Antonin.

Le rendu du procès sera donné le mercredi 11 octobre à 10h.

Le tribunal se vide tandis que Krem et Kara sont menotté.e.s puis reconduit.e.s en prison. Les cris « Liberté ! » résonnent dans le hall du TGI de Paris.

Solidarité avec tout.e.s les inculpé.e.s !

Notes:

[1] Nicolas a passé plus d’un an en détention provisoire.

[2] Antonin est resté près de 10 mois en détention provisoire.

[Publié le 28 septembre 2017 sur Paris-Luttes.info.]