Les gens sont venus nombreux devant la 14e chambre au TGI, avant même l’heure prévue pour l’audience.

Les journalistes aussi. Ils tirent d’abord le portrait à ceux qui s’y prêtent, puis ils mitraillent et filment sans retenue quand les personnes convoquées sont appelées à entrer les premières dans la salle d’audience. Leurs micros planent au-dessus des gens qui attendent. Une partie de la foule proteste et ne se laisse pas faire : des parapluies sont ouverts et brandis pour les empêcher de prendre des photos, les têtes connues ou reconnaissables se font chahuter, des autocollants seront collés aux objectifs des caméras. Lors de la sortie des prévenus par une porte latérale, un mouvement de foule bienvenu permettra d’ailleurs de jarter les journalistes qui se pressaient pour dérober des images.

En attendant, les gens se pressent devant les barrières fermées et commencent lentement à s’échauffer en demandant une salle plus grande.

Les baveux entrent au fur et à mesure, nombreux eux aussi. Ils seront au moins 18 en robe dans la salle.

Les keufs font rentrer la presse judiciaire jusqu’à remplissage du box, puis les familles au compte-goutte en demandant à voir des pièces d’identité. Les keufs insistent pour faire le tri, histoire que seuls « les très proches », « les parents », « le père et la mère » rentrent dans la salle, mais finissent par laisser rentrer quelques proches sans demander de pièces d’identité. Enfin, ils annoncent encore 5-6 places pour les autres personnes du public.

A l’intérieur, il reste quelques places assises et pas mal de place debout, mais une très grande partie du public reste dehors, avec le reste des journalistes.

Une fois les juges assis, un avocat prend la parole pour se plaindre du manque de place et exiger une salle plus grande « au nom de tous les avocats de la défense ». Une personne du public fait remarquer que la salle est aussi bien trop petite pour accueillir les proches et le public qui veut assister au procès. Le juge lui rétorque sèchement qu’elle n’a pas la parole.

Mais en réponse à la remarque du baveux, l’audience est suspendue une première fois.

Elle reprend après une bonne demi-heure, on apporte des chaises supplémentaires pour les avocats et pour faire entrer des journalistes en plus.

Quand le juge essaie de commencer à faire l’appel des prévenu.e.s, les baveux renchérissent : les conditions du procès ne sont pas « dignes d’une défense normale », les empêchent d’avoir accès physiquement à leurs dossiers. Un baveux remarque qu’il faut laisser les journalistes rentrer parce qu’il s’agit d’une « affaire symbolique » qui implique la violence de la police. Un autre prend le procureur à parti en estimant qu’il est responsable de l’audiencement dans une salle trop petite. Les journalistes font pression à leur tour pour que ceux restés dehors puissent rentrer et menacent de tous sortir.

Le bâtonnier, que les baveux ont fait venir, demande un minimum de sérénité et que les remarques des avocats soient prises en compte. Le juge répond que c’est le cas vu les chaises en plus. Il parle de faire rentrer les gens du public par rotation toutes les deux heures en insistant sur la « sérénité » dans laquelle le procès doit se dérouler.

Heureusement entretemps, le slogan « une grande salle » dehors a bien pris, et on entend plus le public que les appels du juge au calme. D’ailleurs, pendant toute la durée de l’audience, on entendra de l’intérieur de la salle les slogans scandés par le public resté dehors, qui continue à réclamer « une grande salle » (quand ce n’est pas la sainte chapelle !) et la liberté pour les prisonniers.

Les avocats se lèvent pour protester officiellement.

Un des baveux fait remarquer qu’il sera impossible de faire tourner le public : comment choisir parmi eux ? gérer les gens qui ne voudront pas sortir ? faire tourner la presse aussi ? Il demande une suspension d’audience pour la journée et une reprise dans une salle plus grande le lendemain.

Un autre remarque que même avec les chaises en rab, les baveux n’ont pas accès à leur ordinateur, et ne peuvent pas ouvrir un dossier correctement, alors que le proc est confortablement perché sur son siège et a accès à un ordi : il n’y a pas d’égalité des armes. Le juge lui demande de ne pas en faire un foin, et affirme que ce problème se résout toujours en pratique.

Un avocat menace de déplacer l’argumentaire sur le terrain juridique et en appelle à la convention européenne des droits de l’homme et aux droits de la défense. Il parle de déposer des conclusions en nullité si le procès se poursuit dans de telles conditions.

Le juge le prend au mot : il dit que le tribunal est prêt à délibérer sur les demandes de renvoi comme sur les conclusions en nullité si elles sont formulées, après avis du proc. Les avocats confirment.

Le proc n’a pas d’avis sur la demande de renvoi vu qu’il ne connaît pas la disponibilité des salles. Il tient quand même à dire que « dès la première minute, les droits de la défense ont été respectés » et insiste sur les efforts du tribunal, en estimant que c’est la faute des avocats qui se sont rajoutés à la liste prévue, et que de toute façon le public et les journalistes ont assez de place en l’état.

La salle grogne à l’intérieur pendant que ça crie toujours dehors.

L’audience est suspendue à nouveau pour que les juges statuent sur la demande de renvoi.

À leur retour, les juges annoncent que l’audience est finie pour la journée, et reprendra demain (mercredi 20 septembre) à la 16ème chambre à 13h30, un étage en-dessous. On s’attend à une chambre de correctionnelle (comme aujourd’hui) avec sans doute plus de place pour les baveux et au mieux 20-30 personnes en plus dans le public, mais peut-être pas plus de « sérénité ».

En tout cas le public, réuni à l’extérieur de la salle, se fait raccompagner par les keufs à l’extérieur du TGI sous les slogans, dont feu aux prisons et liberté pour tout.e.s.

Procès tous les jours à 13h30
jusqu’au 22 septembre (au moins)
16e chambre du TGI de Paris, métro Cité.