Nous aimerions donc réaffirmer notre soutien au peuple palestinien. Nous tenons à dire très clairement que le Black Panther Party n’est pas antisémite. Nous avons été accusés d’être antisémites. En effet, quelques déclarations peuvent être citées dans lesquelles un membre du Parti a tenu certains propos sous le coup de la colère et dans le but de heurter certains de nos amis radicaux blancs parce que nous estimions qu’ils ne s’étaient pas montrés à la hauteur de ce pacte d’amitié qui nous liait. Mais ce sont des conflits internes. Et ils auraient dû le rester, mais ils ont été divulgués, et utilisés par les réactionnaires, et c’est en partie de notre faute parce que nous nous y sommes livrés.

En ce qui concerne notre position officielle, nous ne sommes pas antisémites. En ce qui concerne les Israéliens, nous ne sommes pas contre le peuple juif. Nous sommes contre le gouvernement qui persécute le peuple palestinien. Nous devons admettre qu’il y a quelque chose qui ne va pas au Moyen-Orient. Les Palestiniens vivent dans des taudis, ils n’ont pas de terre, ils ont été spoliés et assassinés, et nous ne pouvons soutenir cela sous aucun prétexte. Nous nous rendons également compte de certaines erreurs de la République Arabe Unie¹. De notre point de vue, nous pensons que les gens dirigés par le peuple palestinien doivent être conduit vers la lutte, une lutte révolutionnaire dans le but de transformer le Moyen- Orient en une véritable république populaire.

Parallèlement, nous soutenons un petit groupe de personnes en Israël, des révolutionnaires qui œuvrent à la transformation du gouvernement sioniste d’Israël en un État populaire et laïque en lieu et place de l’État religieux. Nous affirmons que la manière dont le pays fonctionne en ce moment est le summum du chauvinisme et de l’ethnocentrisme. Je dis cela car n’importe quel État qui exige de ses membres qu’ils adhèrent à une certaine religion est un État réactionnaire.

Nous devons être conscients que notre préoccupation première est de transformer le monde en un endroit où chacun puisse vivre. Nous nous soucions avant tout de la survie de notre peuple, mais jamais au détriment d’autres peuples. Le peuple noir en Amérique a été persécuté, par conséquent il nous est aisé de nous identifier à un autre peuple qui souffre. Nous avons longtemps été asservis et assassinés. Nous nous sommes penchés sur la question du nationalisme et nous sommes parvenus à la conclusion que nous avons moralement le droit de nous tourner vers le nationalisme. Nous avons moralement le droit de choisir le séparatisme, de migrer vers un État séparatiste tout comme les Juifs ont ce droit moral.

Mais nous réalisons que l’impérialisme américain ne nous permettra pas de nous séparer et vivre en marge de celui-ci. Il est évident que nous ne pourrions pas accéder à l’autodétermination parce que les États-Unis ne permettent pas à des pays situés à plus de 24 000 kilomètres de vivre libres. Et s’ils ne permettent pas que ces pays existent en toute liberté à plus de 24 000 kilomètres de distance, ils ne nous laisseront certainement pas vivre libres dans un État séparé en Amérique du nord. Donc, la question peut être remise à des temps futurs.

La première tâche est de transformer la société pour que le peuple puisse vivre librement. Notre tâche principale est de renverser les cercles de pouvoir, qui ne permettent pas à l’auto détermination d’émerger dans ce monde. Après avoir atteint cet objectif, la question du nationalisme pourra être posée. Les nationalistes pourront alors aller à l’ONU et demander un référendum sur la voie que le peuple veut emprunter.

Dès lors qu’il y aura transformation en une société socialiste, il n’y aura sûrement pas besoin de séparation. Cette transformation ne peut avoir lieu qu’en écrasant l’impérialisme américain et en établissant une Terre nouvelle, une société nouvelle et un monde nouveau. Politiquement et stratégiquement la bonne action à entreprendre n’est donc pas la séparation, mais la révolution mondiale dans le but d’anéantir l’impérialisme, ainsi les gens seront libres de prendre en main leur destin. L’autodétermination et l’indépendance nationale ne pourront réellement exister tant que l’impérialisme américain vivra.

C’est pourquoi nous ne soutenons pas le nationalisme en tant qu’objectif. Dans certains cas, nous pouvons soutenir le nationalisme en tant que stratégie, nous l’appelons le nationalisme révolutionnaire. Les raisons en sont internationalistes, parce que les révolutionnaires tentent de dégager des territoires libérés pour étrangler l’impérialisme en lui arrachant des pays. Lorsque les motivations de la libération nationale sont seulement de créer un État capitaliste de sorte que les cercles de pouvoir de cet État capitaliste puissent s’aligner sur l’impérialisme américain, alors il s’agit d’un nationalisme réactionnaire et il ne peut pas être soutenu par des révolutionnaires. Israël a été créé par l’impérialisme occidental et maintenu par la puissance de feu occidentale. Le peuple juif a le droit d’exister uniquement dans la mesure où il existe uniquement pour renverser le gouvernement israélien expansionniste et réactionnaire

Notre situation est semblable à bien des égards. Nous disons que sur le plan moral le peuple juif peut sans doute plaider en faveur du séparatisme et d’un État sioniste basé sur leur religion par autodéfense. Nous affirmons que sur un plan moral nous pourrions peut-être accepter cela, mais politiquement et stratégiquement, nous savons que c’est une erreur. Car ce à quoi nous assistons est la perpétuation du nationalisme, la perpétuation de la réaction, lorsque nationalisme rime avec réaction, et je pense que les États-Unis ont prouvé cela en utilisant le nationalisme pour violer et dominer tout le monde. En d’autres termes, ils sont passés du nationalisme à une conclusion logique : l’empire ou l’impérialisme.

Le peuple juif doit donc veiller attentivement à ne pas être un agent de l’impérialisme. Nous demandons aux forces progressistes, aux forces révolutionnaires en Israël de transformer cette société afin que les peuples de religion musulmane, les peuples de religion juive, les peuples du Moyen-Orient puissent marcher comme un seul homme et véritablement bâtir un monde nouveau. En fait, nous attendons ce moment avec impatience, nous voyons que ces temps peuvent véritablement advenir, parce que nous voyons les contradictions qui se développent entre le peuple palestinien et la République Arabe Unie. Nous voyons aussi un nombre croissant de collectifs israéliens s’organisant contre les tactiques racistes du gouvernement israélien. Je dis que si nous allons au-delà des versions officielles, nous pouvons voir que des étudiants juifs ont manifesté contre leur Ministre de la Défense, contre les tactiques de guerre d’Israël, et nous soutenons ces activités, nous luttons aux côtés de cette partie du peuple juif. Et donc nous rejetons toutes les accusations d’antisémitisme.

Nous sommes conscients que certaines personnes qui se trouvent être juives et qui soutiennent Israël utiliseront les positions contre l’impérialisme et les agents de l’impérialisme du Black Panther Party comme des attaques antisémites. Nous estimons que c’est-là une tactique hypocrite, raciste et sournoise, et nous la traiterons comme telle. Nous sommes respectueux de tous les peuples, et nous sommes respectueux du droit de chaque peuple à exister. C’est pourquoi, nous voulons que le peuple Juif et le peuple Palestinien vivent ensemble en harmonie. Nous soutenons à cent pour cent la juste lutte de libération palestinienne. Nous allons continuer dans cette voie, et nous voudrions que tous les gens progressistes du monde rejoignent nos rangs dans le but de bâtir un monde où chaque peuple puisse exister.

POUVOIR AU PEUPLE

 

1. La République Arabe Unie est crée en 1958 par Nasser, unifiant l’Égypte et la Syrie autour d’un État commun, qu’il entend comme un premier pas vers une fédération plus large de tous les États arabes. Bien qu’opposée aux impérialismes anglais, américain et soviétique, elle demeurait une émanation des intérêts des bourgeoises nationales. Elle prend fin le 28 septembre 1961, cependant l’Egypte continue de s’appeler ainsi jusqu’en 1971.