« J’écris quelques lignes pour raconter ce qu’il s’est passé pendant nos arrestations d’il y a quelques jours, du passage au commissariat central de via Grattoni à Turin. Et de la procédure d’identification.

J’espère que sera compris que les mots qui suivent n’ont pas l’objectif d’impressionner qui que ce soit mais veulent partager une petite expérience sur les modalités répressives de l’ennemi, en particulier sur le prélèvement adn vu qu’en Italie on n’en sait pas grand-chose.

A peine arrivé au commissariat pour formaliser l’incarcération nous avons été emmené-es aux contrôles habituels de photo-ségnalétique et prise d’empreintes (ndt : en Italie il n’est pas possible de refuser la prise d’empreintes).

Une fois effectuée, ils ont commencé à nous appeler pour le prélèvement adn ; même si à ce moment nous étions tous et toutes séparé-es, comme d’ailleurs lors de toutes les phases de l’identification, tous et toutes avions à l’esprit quoi faire.
En ayant déjà discuté de la question adn et comme on était interressé-es à comprendre s’il existait un espace pour s’y opposer, nous avons décidé de refuser le prélèvement et de résister.

Une fois notre refus exprimé, la digos (police politique italienne, ndt) et police scientifique ont commencé à parlotter entre eux, mimant les gestes de ce qui aurait été un prélèvement forcé.

Suite à ça, une fois ensemble un autre compagnon et moi avons allumé chacun une cigarette. A peine quelques tafs et cinq agents de la digos se jettent sur nous en tentant de nous prendre nos clopes, après s’être un peu secoués avec eux l’une des deux a été trouvée, l’autre non. Du coup l’un d’entre nous a été emmené et fouillé et malgré cela rien n’a été trouvé.
Un agent de la digos visiblement énervé par l’épisode, est revenu sur ses pas et, au milieu des mégots jetés par les dizaines et dizaines de personnes interpellées chaque jour et peut être par les agents de police eux mêmes, en a pris un au hasard et l’a mis dans un sachet en écrivant ’’Adn + nom et prénom’’.

A la demande d’avoir un procès verbal de l’épisode, la réponse fut un refus net. Après une heure d’attente le prélèvement en bonne et due forme a commencé. Un par un on nous a emmené dans un bureau de la police scientifique. Je raconterai comment ça s’est passé pour moi. Je suis entré dans le bureau et j’ai été menotté et on m’a fait m’asseoir, sur ma gauche une caméra montée sur un trépied. Face à moi deux hommes en chemise de la scientifique, derrière moi 5 ou 6 agents de la digos, et deux carabiniers en uniformes pour participer à la cérémonie.

Le spectacle commence, la caméra commence à enregistrer, le matériel dans une enveloppe du ministère est ouverte, un fonctionnaire de police récite une formule de procédure à laquelle je réponds par la négative. Cette formule a la saveur de la sentence. Du coup les agents de la digos, aidés par les carabiniers, se jettent sur moi, mains autour du cou, tête en arrière, ils serrent fort, ils cherchent à me faire ouvrir la bouche, ils me frappent au ventre et avec les doigt cherchent à les enfoncer dans les joues et les côtes. Pendant ce temps un des deux en chemise s’approche et avec le tampon, appuie fortement sur mes lèvres fermées. Ils me bouchent le nez, je n’arrive plus à respirer, j’ouvre la bouche, l’agent y enfonce le tampon plusieurs fois. Les larmes sortent de mes yeux, j’ai un relan de vomi, je suis plein de bave sur le visage. L’opération se répète une autre fois, en pire, et même les présents, peut-être bien novices dans la pratique, ne semblent pas apprécier la scène.
Tout se termine, rideau, mais sans applaudissements.

Ce racontage en deux mots veut donner une photographie de ce qu’il se passe dans les cas où l’on refuse d’ouvrir spontanément la bouche, en plus de montrer comment le prélèvement se déroule, comme écrit dans la première partie, de manière complètement arbitraire par qui le fait en récoltant des échantillons un peu comme il veut.

Beaucoup diront : « Mais à quoi tu t’attendais avec un prélèvement de force ? Une invitation à dîner ? »

Personnellement je m’attendais à ce qu’il s’est passé. Évidemment le vivre n’est pas exactement comme l’imaginer, mais j’étais prêt. Surtout j’étais intéressé à ce que l’on peut faire, vers où nous pouvons nous motivé, qu’est-ce que l’on peut inventer pour l’empêcher, perturber et ne pas normaliser cette pratique abominable et dégoûtante comme ceux qui la mettent en place ».

Un des incarcéré-es à Turin du 3 Mai 2017
macerie @ Maggio 16, 2017