¤ L’antifascisme est-il sexiste ?

L’antifascisme aujourd’hui se manifeste souvent par des pratiques virilistes, excluantes pour une grande partie de celles et ceux qui veulent s’organiser, en particulier les femmes et les minorités de genre (hommes trans, non-binaires, agenres, etc.). Nous rejetons l’image renvoyée par la lutte antifasciste, une image de « poseurs » qui semble parfois se résumer à intérioriser des postures et des gestes empreints de virilité exacerbée, que ce soit en manifestation, dans les actions diverses ou même dans la vie quotidienne. La lutte contre l’extrême-droite et ses idées concerne chacun-e d’entre nous, c’est pourquoi nous voulons que toutes et tous puisse y prendre part sans se sentir oppressé-e-s. Ainsi, l’antifascisme doit systématiquement être associé à l’antisexisme et il est primordial que les femmes aient leur place dans cette lutte ; d’ailleurs, beaucoup des idées portées par les fascistes touchent directement à leurs libertés et leur intégrité (positions anti-IVG, anti-GPA, soumission aux hommes, schéma classique de la femme-mère, etc.), elles sont parmi les premier-e-s concerné-e-s pour mener la lutte contre l’extrême-droite. Le patriarcat imprègne non seulement les fascistes mais également toute notre société (slutshaming, rôles genrés, harcèlement de rue, homophobie et transphobie…), alors soyons de celles et ceux qui luttent contre lui. L’antifascisme se doit d’être antisexiste.

¤ Comment repenser les pratiques antifascistes pour que tout le monde y trouve sa place ?

Nous pensons que l’antifascisme doit s’éloigner du folklore viriliste et des affrontements obscurs entre fascistes et antifas qui mènent souvent à un concours malsain pour savoir qui est celui qui cogne le plus et prend le plus de risques. Nous ne nous reconnaissons pas dans cette lutte. Nous n’affirmons pas que la confrontation n’est jamais nécessaire, mais lorsque l’on a l’initiative de l’action, il est préférable que celle-ci prenne d’autres formes, notamment publiques et collectives. Cela permet à la fois de n’exclure personne sur un critère de genre et de rendre visible la lutte contre le fascisme. Si cependant une action tourne à l’affrontement, il est important de ne mettre personne à l’écart et de prendre conscience que les femmes et les minorités de genre sont tout aussi capables que les cis-hommes (hommes assignés hommes à la naissance). Trop souvent on voit des hommes se placer devant les femmes dans une posture protectrice : arrêtez. Toutes les actions doivent pouvoir être mixtes, que ce soit une confrontation avec des fascistes ou une préparation de banquet : le rejet des stéréotypes de genre est essentiel. De même, taper un compte-rendu n’est pas une activité « de fille », prenez aussi ce genre d’initiative les gars ! Toutefois, dans une logique d’empowerment, il est possible et utile pour les opprimé-e-s de mener des actions en non-mixité ou en mixité choisie. Il est pertinent que les femmes s’organisent quand elles le souhaitent en non-mixité sur les questions d’antifascisme, et ce quel que soit le moyen d’action choisi par les concernées. Pour cela les hommes doivent accepter de se placer en retrait et de laisser la parole et l’action aux femmes. Il y a déjà des femmes antifascistes mais elles ont malheureusement tendance à être invisibilisées: nous refusons cette invisibilisation. Enfin, repenser les pratiques antisfascistes passe par l’autocritique : faire attention de ne pas avoir soi-même de comportements oppressifs, être vigilant-e vis-à-vis de ses camarades, être bienveillant-e envers tou-te-s, ne pas protéger quelqu’un qui aurait des comportements sexistes, homophobes, transphobes, etc.

¤ Quels outils mettre en place ?

– Se demander systématiquement si l’action prévue est cohérente avec les luttes et les revendications féministes.
– Tous les écrits produits dans nos luttes antifascistes doivent être rédigés en écriture inclusive, ça n’est pas compliqué, c’est un réflexe très facile à prendre et c’est nécessaire.
– Les femmes d’un groupe antifasciste doivent pouvoir s’organiser en non-mixité sans déclencher l’indignation de leurs congénères masculins. La non-mixité est un outil de lutte politique qui permet aux oppressé-e-s de s’organiser et de se désinvisibiliser, elle n’a pas à être contestée si les concerné-e-s en éprouvent le besoin ou l’envie.
– Mettre en place des cours d’auto-défense féministes, moins centrés sur la simple force physique, peut s’avérer utile. Que celles et ceux qui s’y connaissent en autodéfense partagent leurs connaissances en partant du principe élémentaire que tout le monde est capable d’apprendre à se défendre si elle ou il possède des outils et techniques appropriés. 
– Les personnes non-déconstruites sont très nombreuses dans les milieux antifascistes qui regroupent des militant-e-s de milieux très divers. Des formations antisexistes doivent être mises en place dans les groupes pour éviter les comportement oppressifs. Personne n’est d’ailleurs totalement déconstruit, c’est un travail permanent à faire et il ne faut pas rester sur ses acquis quand il s’agit de la lutte contre une oppression. Les discussions sur le sexisme et les logiques de domination et d’oppression doivent avoir leur place dans nos réunions et nous refusons absolument la hiérarchisation des luttes.
– Être un allié, c’est avant tout être conscient de ses privilèges et les utiliser à bon escient pour lutter avec celles et ceux qui ne disposent pas des mêmes avantages. C’est ensuite faire de la pédagogie que les concerné-e-s peuvent être lassé-e-s de faire.

Nous, membres du collectif NOCIR, pensons que l’antifascisme peut et doit être fondamentalement antisexiste. Il ne s’agit pas d’« accepter » des femmes dans la lutte mais de construire celle-ci tou-te-s ensemble. Nous refusons l’antifascisme viriliste et sommes ouvert-e-s à tout-te-s celles et ceux en accord avec ces principes, ainsi qu’à tous les modes d’action qui nous semblent utiles et nécessaires.