Lettre ouverte à l’attention des Maires de la Métropole Nantaise et des membres des conseils municipaux.

EXPULSIONS LOCATIVES : STOP À L’INDIGNITÉ !

Nantes, le 24 Mars 2017.

1er Avril : en 2017 comme depuis un certain nombre d’années cette date marque la fin de la trêve hivernale, et la reprise des expulsions locatives. Pour de nombreuses familles et personnes, c’est l’angoisse de voir les huissiers et la force publique se présenter à leur domicile. Le cauchemar de perdre son toit et de se voir jeter à la rue devient une réalité pour trop de personnes… Et cela ne cesse d’augmenter d’année en année.

En 2015, en Loire-Atlantique, 1445 assignations au tribunal délivrées, aboutissant à 961 commandements à quitter les lieux, dont 313 avec le concours de la force publique.

Très forte hausse en 2016 : 1735 assignations au tribunal délivrées, aboutissant à 1109 commandements à quitter les lieux, dont 412 avec le concours de la force publique.

Et 45% d’expulsions réalisées supplémentaires en un an !

C’est une violence sociale faite aux personnes qui la subissent, et une atteinte inacceptable à la dignité humaine. Pourquoi infliger cette punition à celles et ceux qui n’ont plus les moyens de payer leur loyer et les charges attenantes ?

Les causes sont pourtant bien identifiées :

– un logement devenu trop cher : les ménages locataires les moins aisés sont ceux qui subissent la plus forte hausse de leur « taux d’effort » (part du revenu consacrée au logement). Avec 55,9 %, il est parfois plus de trois fois supérieur à la moyenne. La moyenne, tous secteurs confondus, est aux alentours de 28 %. (Sources rapport FAP 2017 et étude Insee Logement), en hausse constante depuis plusieurs années.

Les revenus des plus modestes n’augmentent plus depuis 2000.

– un accès au logement social qui devient de plus en plus difficile tant la demande est élevée. Les listes d’attente s’allongent en ce qui concerne la métropole Nantaise : environ 28 500 demandes contre 6 700 attributions, selon les chiffres de janvier 2016. Ce n’est pas toujours du logement très social (type PLAI) qui est attribué, car les disponibilités sont bien trop faibles au regard des besoins réels. Les ménages sont contraints à se loger dans le parc privé, où les loyers deviennent inabordables pour les plus défavorisés et les travailleurs pauvres (loyer médian sur la Métropole : entre 10 et 15 € le m²).

Beaucoup trop sont celles et ceux qui doivent tenter de joindre le 115/Samu Social de Loire-Atlantique :

3 716 personnes l’ont sollicité en 2014, nombre en hausse constante depuis sa création. La politique de reprise des expulsions locatives augmentera inexorablement ce chiffre.

Les dispositifs actuels DALO et SIAO ne parviennent plus à endiguer l’errance sociale des plus démunis. Ces dispositifs dédouanent l’État et les collectivités locales de leurs obligations à assurer un toit à toute personne qui en formule la demande. Le droit au logement (reconnu comme fondamental) rendu opposable pour celles et ceux qui ne peuvent pas en bénéficier, est devenu non opposable face au parcours difficile et fastidieux qui en restreint l’accès.

La loi est pourtant claire : toute personne menacée d’expulsion locative, sans possibilité de relogement, doit être reconnue prioritaire DALO pour un relogement avant la date fatidique du recours à la force publique. Une circulaire de 2012 demande au Préfet de mettre en œuvre cet impératif – drôle de paradoxe quand c’est le même préfet qui ordonne les expulsions.

C’est pourquoi nous avons à cœur de porter les revendications suivantes :

– la constitution d’un moratoire sur les expulsions par la mise en place d’arrêtés municipaux : l’exécution d’une expulsion doit automatiquement être suivie d’un relogement effectif. Une trentaine de maires (avec leurs conseils municipaux) ont mis en place de tels arrêtés en 2016, même lorsque les Préfets se sont adressés à la Justice Administrative pour les faire suspendre et annuler.

Ces quelques maires ont alors porté des recours au Conseil d’État, ainsi qu’un appel à la Ministre du logement, avec l’espoir que leurs engagements, fondés sur le respect des engagements internationaux ratifiés par la France, soient reconnus. C’est un acte politique fort qui ne disconvient pas à la loi mais qui, bien au contraire, vise à en assurer son plus strict respect.

Nous ne manquons pas d’apporter notre concours ainsi que notre soutien à cette initiative.

– ne plus requérir l’expulsion des personnes « sans droits ni titres » qui effectuent des réquisitions citoyennes de bâtiments municipaux inoccupés, sachant que « l’état de nécessité » doit primer sur toute autre considération. Il s’agit de privilégier la concertation et la recherche de régularisation à l’amiable par des baux précaires et provisoires. Dans le cadre des programmes « ANRU », de nombreuses habitations sont laissées vacantes durant de longues périodes.

– la mise en place d’une charte de prévention des expulsions locatives destinée à renforcer le pouvoir contraignant de la commission afin que la mise à la rue, sans solution, ne soit plus possible.

Vous pouvez en être les acteurs car vous êtes signataire de cette charte, qui doit être réévaluée rapidement en fonction du nouveau plan départemental 2016-2020 pour le logement des personnes défavorisées.

– la réquisition temporaire des habitations vacantes et assujetties à la taxe des logements vacants, comme le stipule les lois de réquisition en faveur des « personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes, et celles à l’encontre desquelles une décision judiciaire définitive a ordonné l’expulsion ».

La réquisition n’est pas une spoliation puisqu’elle prévoit l’indemnisation des propriétaires.

– demander au Ministre du Logement un décret permettant de mettre en œuvre l’encadrement des loyers sur la Métropole.

Ce n’est qu’une exigence d’application de la Loi ALUR qui précise que l’application doit se faire «  dans les zones d’urbanisation de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport aux nombre d’emménagement annuels dans le parc locatif social ».

– l’augmentation de la part de logements très sociaux sur toute nouvelle construction, comme le stipule la loi SRU (art 55). De nombreuses communes de la Métropole ne respectent pas cette obligation, et restreignent de fait le parc nécessaire au relogement des personnes précarisées.

– stopper immédiatement la marchandisation et la vente du logement social.

Tous les éléments que nous condamnons forment un ensemble indissociable qui conduit à cette situation d’exclusion d’un trop grand nombre. Ce n’est plus acceptable ! Les privilèges de certains ne doivent pas priver les autres de leurs droits sociaux.

Nous vous rappelons que le Maire et son conseil municipal sont les garants de la cohésion sociale sur leur territoire, et que la mise à la rue d’une personne (qui est un trouble à l’ordre public et représente une mise en danger de la vie d’autrui) est contraire à ce principe, et déroge aux missions confiées par le peuple aux élu-e-s.

Devant les carences et impossibilités de l’État qui est le seul responsable à garantir l’accès au logement et à maintenir des locataires menacés d’expulsion, seules les collectivités sont en mesure de donner l’impulsion à des politiques locales de logement plus solidaire, qui n’excluent plus personne, et qui répondent à une véritable justice sociale…

Force est de constater que malgré des politiques sociales parfois ambitieuses, le non et le mal logement touchent un nombre trop important de personnes sur notre territoire.

Il est donc urgent et impératif de prendre les mesures nécessaires afin que plus personne ne soit privé de son habitat, et que l’on arrive à la création d’un service publique du logement.

Vous comprendrez que le fait de rendre publique cette longue, mais indispensable, lettre répond à un impératif d’information de nos concitoyen-e-s en vue de débats publiques.

Débats d’autant plus nécessaires à la vue des propositions bien timides, voire inexistantes, dans cette campagne électorale qui débute.

Nous précisons qu’elle a été envoyée à toutes les communes de la Métropole Nantaise.

Nous sollicitons le concours des élu-e-s progressistes de votre municipalité, et c’est pourquoi nous demandons la communication de cette présente à tous les membres du conseil municipal, pour que le débat de ces revendications s’instaure, avec objectif d’une mise en application.

Le 1er Avril ne doit pas être le jour anniversaire de l’indignité nationale !

Nous vous invitons, ainsi que les élu-e-s concerné-e-s, à venir en débattre le Samedi 1 Avril à partir de 17h00, lors du rassemblement prévu Place du Bouffay à Nantes.

Restant à disposition pour toute rencontre qui reprendrait les objectifs de ce courrier, et espérant que la présente ne reste pas « lettre morte »…

Veuillez accepter, Madame ou Monsieur, l’expression de nos salutations les plus respectueuses.

Signataires ;

Les co-président-e-s, et l’ensemble des adhérent-e-s, sympathisant-e-s, de l’association Droit Au Logement 44.

Coordonnées de contact DAL 44 :

Droit Au Logement de Loire Atlantique

24 rue Fouré – 44000 NANTES

Tél : 09 53 23 92 07

Mail : nantes.dal44@laposte.net.