Jeudi 2 février, à Aulnay-sous-Bois, lors d’une opération de police dans la cité des 3000, quatre flics ont fait vivre un moment d’horreur à Théo, qui suite à ce qui ne devait être qu’une « banale » interpellation s’est retrouvé à l’hôpital, gravement blessé.

Après plusieurs nuits d’émeute à Aulnay-sous-Bois et une marche de soutien à Théo lundi dans la cité des 3000, un appel à rassemblement a été lancé à Paris un peu au dernier moment ce mardi 7 février, pour 18h le soir-même à Ménilmontant.

Et malgré la spontanéité du rassemblement, on était attendu par des dizaines de flics anti-émeutes, des fourgons de police et de gendarmerie étant garés sur les quatre axes partant de la place Ménilmontant.

Vers 18h15, le rassemblement était déjà nassé par les flics, mais assez rapidement, les retardataires ont nassé la police qui nassait les copains-copines. En plus des quelques centaines de militant-e-s présent-e-s (pas mal de visages et de regards aperçus dans les cortèges de tête du mouvement contre la loi Travail, des anarchistes, des antiracistes, des révolté-e-s de toutes sortes, etc.), beaucoup de gens du quartier sont également là à crier des slogans contre la police. Les « Flics, violeurs, assassins » fusent, ainsi que le classique « Tout le monde déteste la police » – existe aussi en « Tout le monde déteste les violeurs » – ou encore « Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on n’pardonne pas ».

Après quelques frictions, les flics commencent à bouger un peu et la nasse se distend. On se retrouve presque tou-te-s ensemble. De nouveaux fourgons de police arrivent, sous les huées et les coups des gens. Des tags sont posés sur l’abribus de la place, l’ambiance se réchauffe et la perspective de la manif sauvage se fait de plus en plus sentir. Ça commence à se diriger vers Couronnes sur le boulevard de Belleville, mais en face les flics sont assez nombreux.

Il doit être pas loin de 19h, et comme les derniers fourgons arrivés sur la place venaient de la rue de Ménilmontant, ça s’est éclaircit niveau bleusaille de ce côté-là, alors on y va, à 200 ou 250, bien motivé-e-s. Pendant ce temps-là, une autre manif sauvage est semble-t-il partie en direction de Bastille, mais je ne saurais en faire un récit puisque je n’y étais pas.

On monte donc la rue de Ménilmontant en gueulant à peu près les mêmes slogans que pendant le rassemblement. Rapidement, des tags sont inscrits sur les murs (« Flics, violeurs, assassins », « Flics, hors de nos vies », « L’État assassine », « La police viole », etc.). Des poubelles sont renversées sur notre passage, du mobilier urbain déplacé pour ralentir les flics derrière nous.

L’ambiance est électrique du fait de la présence oppressante des flics à nos trousses, et aussi à cause des tristes raisons qui nous réunissent ce soir, mais il y a une certaine euphorie à se retrouver en manif sauvage.

Alors qu’on approche peu à peu de la place Gambetta, on fait une sorte de demi-tour vers la rue de Ménilmontant en passant par la rue Boyer (dommage, on aurait pu continuer à s’aventurer dans le XXe). Puis on redescend la rue de Ménilmontant en speed, avec les flics anti-émeute derrière qui se mettent à charger. Là, on n’est plus qu’une centaine, beaucoup ont pris des rues adjacentes pour s’esquiver.

Arrivée sur la place de Ménilmontant, la manif sauvage est rejointe par quelques personnes et continue vite fait de l’autre côté, dans le XIe. À deux reprises, des voitures de flics se prennent des coups, puis ça se disperse pour de bon.

Enfin, pas tout à fait, puisque quelques temps plus tard, de plus en plus de gens affluent sur la place de Ménilmontant et font face aux flics anti-émeute. Les slogans reprennent (même contenu que précédemment, bien entendu), les flics tapent sur leurs boucliers pour nous faire flipper et chargent à quelques reprises dans l’objectif de nous disperser. Mais tout ce qu’ils réussissent à faire, c’est créer une nouvelle manif sauvage ! À ce moment-là, vers 20h30/20h40, on doit être environ 150 à partir sur le boulevard de Belleville et à bifurquer rue Jean-Pierre Timbaud en direction des beaux quartiers… Le rythme est élevé, on marche vite, parfois on sprinte. Et ça marche, puisqu’on finit par semer les flics anti-émeute !

En arrivant dans les quartiers plus rupins du XIe puis du IVe, aux tags et poubelles renversées succèdent les bris de vitres et de DAB de banques. Des Autolibs voient aussi leurs vitres voler en éclat, tout comme des agences immobilières, des panneaux de pub et d’autres enseignes capitalistes. C’est mini-carnage chez la bourgeoisie ! Car comme l’indiquait un tag sur la place de Ménilmontant : « La police et la justice existent pour défendre les riches. Vengeance ».

On pourra toujours nous dire que c’est pas comme ça qu’on fait la révolution. On rétorquera que déjà on n’a jamais prétendu faire la révolution en faisant une manif sauvage à 150. Que dans tous les cas, ça fait bien chier les bourges quand on leur abîme leurs quartiers et leurs propriétés. Et puis, la révolution, on ne la fera pas non plus en signant des pétitions, alors disons-le : péter des objets de la domination capitaliste, ça y participe un peu, à faire la révolution ! Au minimum ça montre notre colère, ça montre notre insoumission : que l’État prenne acte qu’à chaque fois qu’une histoire de meurtre ou de mutilation ou de torture de la part de ses flics sortira, il faudra s’attendre à ce qu’il y ait du bordel. Les émeutier-e-s l’ont prouvé à Aulnay-sous-Bois, big up à eux et elles. On l’a montré ce soir au coeur de Paris. Et on recommencera !

Ouais, parce que pendant ce-temps-là (vers 21h), les flics ne se tournaient pas les pouces comme si de rien n’était. Alors comme toutes les bonnes choses ont une fin (sauf la banane, qui en a deux), il a fallu que ces tarbas de keufs rappliquent à toute blinde, plusieurs véhicules de police nous coupant la route presque au bout de la rue de Turenne (à la lisière des IVe et IIIe arrondissements), provoquant la dispersion finale de cette jolie manif sauvage. J’ai réussi à me natchav’, ainsi qu’un paquet d’autres personnes, mais il y a semble-t-il eu quelques violentes arrestations à ce moment-là.

Parce qu’on ne croit pas plus à la justice qu’à la police, on n’appelle pas au calme. Les agressions policières ne doivent pas rester sans réponse.

Pour Théo, Adama, Zyed, Bouna, Lamine et tou-te-s les autres : rage et solidarité.

À la prochaine !

Un anarchiste du 93