Adresse aux journalistes depuis la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

Salut à toi, petite merde.

Ça y est, tu vas enfin couvrir les expulsions de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Ton patron te l’a imposé, ou alors tu t’es porté volontaire. Tu y es déjà passé très souvent, ou alors c’est ta toute première fois. Dans ce cas tu appréhendes un peu. Tu as bien raison. Tu travailles pour BFMTV, pour TF1 ou France 3, pour l’Humanité, le Figaro ou Libé, pour Médiapart, Taranis News ou bien Reporterre. Tu as l’impression que ça change quelque chose. Tu as bien tort. Tu fais de la vidéo, de l’image, ou du son. Tu penses que ça fait aussi une grosse différence. Nous pas. Tu as un avis sur la question de l’aéroport, ou alors tu ne te prononces pas, par souci de «neutralité». Ça tombe bien, on a un avis sur toi.

Tu as appelé le contact presse de la ZAD avant de venir, et on t’a donné quelques consignes à respecter si tu veux éviter les emmerdes. Tu as l’intention de les respecter, ou alors de t’en foutre et d’utiliser la ruse pour berner ton monde. Tu penses aussi que respecter ces consignes peut réellement t’éviter les emmerdes. Tu ne peux pas te tromper davantage.

Nous, on t’attend, et on est ravi-e-s de te voir ici. Parce qu’on adore les journalistes, surtout quand ils repartent à pied sans leur matériel. Parce que tu ne comprends pas ce qu’on peut bien te vouloir, toi qui es de gauche/un simple travailleur/contre l’aéroport/etc. Parce que tu crois nous être indispensable. Certain-e-s ici le croient aussi. Sache que nous nous en foutons, ielles ne seront pas autour de toi lorsque tu nous verras surgir d’un bosquet, cagoulé-e-s et armé-e-s, bien décidé-e-s à nous en prendre à toi. Certain-e-s ici te diront que respecter leurs règles te mettra à l’abri, c’est un mensonge. Le seul moyen que tu auras d’être à l’abri sera de te faire porter pâle, et de rester bien au chaud chez toi. Car nous attaquerons les journalistes à vue, et sans sommations.

Nous voulons détruire la démocratie, alors que tu la défends par ton existence même, au même titre que les flics. Comme tu es dans le camp de l’ordre établi, il te sera préférable de rester avec ses soldats plutôt que de t’aventurer dans ces bois où vivent encore quelques rebelles à toute autorité.

Précisons, pour que tout soit bien clair. Tu te crois «militant-e», voire «révolutionnaire». Tu fais du riot porn avec ton Canon 5D acheté à crédit avec ton RSA. Tu vends quelques photos à Paris Match pour te faire des thunes. Tes images ont été utilisées dans des enquêtes policières pour charger des potes. Ça ne se reproduira pas. Tu as un casque «presse» avec une caméra go pro solidement fichée dedans, un masque à gaz et des lunettes de protection. Lorsque tu tombes sur les flics tu leur dit «ne tirez pas, je suis journaliste» et tu laisses tourner ta cam’ pour te faire passer pour un héros. Lorsque tu tombes sur nous tu dis «ne tirez pas, je suis avec vous». Mais nous voyons clair dans ton jeu. Et nous en avons assez de jouer avec toi. Si tu viens avec ton appareil, qu’on te voit filmer/photographier/etc. les affrontements sur zone, nous t’inclueront dans notre définition des journalistes. Tu trouves peut-être ça dégueulasse, mais on ne cherche pas le débat avec toi. Bien entendu, ce message t’es aussi adressé, toi qui vient sur zone avec un smartphone et qui trouve que le plus malin en affrontement est de filmer les émeutières avec Periscope.

Comme tu es quelqu’un de connecté, tu as lu ce texte avant de venir. Il n’y aura pas d’autre avertissement. Nous avons hâte de compléter notre collection de trophées. À très vite.