22-23 octobre 2016, week-end d’action : désarmons la police, démilitarisons les conflits !
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Actions directesContrôle socialEconomieGuerreRépressionResistances
Lieux : Saint-Étienne
Les armes policières utilisées en France et exportées dans le monde entier, sont fabriquées sur le sol français. Verney Carron à Saint Etienne, Alsetex dans la Sarthe, Nobel Sport à Pont-de-Buis sont les entreprises de ce commerce juteux.
Nous voulons mener une percée dans l’imaginaire en ciblant ceux qui produisent les armes de la police. En s’interrogeant sur la logistique qui fait vivre la répression, qui la met en œuvre et en ciblant ce que cette militarisation des conflits et ces politiques de terreur signifient au quotidien sur la population.
L’année dernière un premier week-end de mobilisation a eu lieu à Pont de Buis pour pointer l’usine et sa production mortifère.
Cette année nous organisons un week-end d’action, de forums et de rencontres les 22/23 Octobre 2016 à Saint Eienne.
Samedi 22 octobre
- A 11h, accueil et infos avec le café
- A 15h, FAMAS’tival, parade costumée, animée par une visite guidée carnavalesque du patrimoine industriel de la capitale du FAMAS (Fusil d’Assault de la Manufacture de Saint-Etienne)
- A partir de 19h, repas et concert de soutien : Tout doit disparaitre ( New wave du mardi matin), Dubmentalist ( porte bien son nom), DJ la tache (électro qui porte bien son nom)
Dimanche 23 octobre
Toute la journée sera consacrée à des discussions, des débats et des ateliers.
Des individu’e’s et collectifs prendront la parole : Désarmons-les, L’Assemblée des bléssé’e’s (victimes des armes et des violences policières), le MAN (Mouvement pour une alternative non violente), Urgence notre police assassine, l’Observatoire de l’armement, Un collectif de soutien aux pirates somaliens, Mathieu Rigouste, sociologue qui écrit sur l’ordre sécuritaire et colonial. Des ateliers de street médic et d’auto-défense seront proposés…Ces rencontres seront un moment d’échanges ouverts et participatifs.
Programme à suivre sur le site.
Compte-rendu du week-end d’action : désarmons la police, démilitarisons les conflits ! publié par Nantes Revoltée
https://nantes.indymedia.org/articles/35994
Le « Forum pour le désarmement de la police et la démilitarisation des conflits » appelait, samedi 22 octobre 2016 à un FAMAS’tival. Une déambulation carnavalesque pour dénoncer la politique guerrière coloniale de la France et la répression des « indésirables » par les forces du maintien de l’ordre.
Interdite, la déambulation a tout de même eu lieu, malgré le bouclage du centre-ville, [la pression policière et médiatique dont ce forum était la cible] depuis quelques jours.
Les manifestant’es se sont retrouvé’es sur la Place Albert Thomas comme convenu. La plupart du matériel prévu pour le carnaval (masques en carton peint, banderoles, et char) était dans un camion dont des gardes mobiles ont interdit aux organisateurs et organisatrices d’accéder. Après que le cortège se soit amassé devant les forces de l’ordre pour réclamer la libération de ses créations carnavalesque, seul le char à l’effigie du Flash Ball a été rendu face au mouvement collectif.
La troupe costumée a donc tourné le dos au forces de l’ordre pour revenir devant la bourse du travail enfin, ou le rassemblement et les prises de paroles étaient prévues. Des porte-parole du forum ont pris le mégaphone, d’abord pour lire un communiqué en réaction à l’interdiction de la manifestation par la préfecture puis, clarifier leurs positions. Puis la secrétaire fédérale des Jeunes Communistes a lu un texte intitulé « Neutralisons la police, stoppons les guerres coloniales ». Des membres de collectifs de luttes contre les exactions policières ont ensuite pris la parole pour parler de leur combats actuels (Désarmons-les ! et Collectif 8 Juillet). Awa Traoré a ensuite pris le mégaphone pour réclamer justice pour son frère, Adama, mort pendant sa garde-à-vu d’une soi-disant asphyxie le 19 juillet dernier. L’hélicoptère de la gendarmerie faisant un vol stationnaire juste au dessus de l’attroupement durant une bonne partie des prises de paroles a rendu difficile l’écoute des intervenant’es. Malgré ce desagrement les prises de paroles ont fini par un appel à faire la fête et un beau lancé de cotillons, avant que la petite troupe ne prenne la route.
Char-Ball en tête, le cortège s’est lancé en direction de la place Chavanelle. Empruntant la rue des Martyrs de Vingré, il a rejoint l’avenue de la Libération. Direction la place Fourneyron sur fond de batucada et d’un chariot sonore. Armés de cotillons et de farine, des quelques affiches et bombes de peinture, sous un beau ciel bleu, la troupe a pris la rue Néron jusqu’au bout pour finalement déboucher sur la place Carnot. Arrivé là, tout ce petit monde a continué pour tous se retrouver devant la Cité du Design pour un grand feu de joie, brulant l’effigie de Flash Ball en carton. Sensibilisation des passants et séance photo derrière le char enflammé, il y a des traditions qu’il est bon d ne pas perdre. Et que vive le feu de Monsieur Carnaval !
Puis la joyeuse troupe a repris le boulevard urbain en suivant la direction du Clapier. Slalomant entre les voitures, le Famas’tival a tourné sur la rue du midi. Quelques manifestant’es ont rendu visite au siège local du parti socialiste d’autres éliminaient des publicités et neutralisaient des banque sur leur passage, pendant que d’autres continuaient leur déambulation. Cette parade, dans « des rues improbables » selon la Tribune, s’est finalement achevée à proximité de la place Jacquard, où les manifestant’es se sont dispersé’es.
Mis à part le face à face en début de regroupement, la police s’est plutôt faite discrète laissant la troupe se balader dans les rues stéphanoises. Tous et toutes les participant’es sont d’ailleurs ravis d’avoir ainsi pu découvrir les merveilleuses vues sur les crassiers de la Capitale du FAMAS. Cette parade, mi jeu de cache-cache mi festival s’est plutôt bien déroulée. Mais l’expérience le montre, même si les événements se passent sans encombres, des convocations au commissariat et autres réjouissances arriveront malheureusement surement plus tardivement. Elles aussi jouent à cache-cache.
1 . Nous laissons le soin aux journalistes de se repaître d’images de verre brisé, les publicités de mauvais gout et les banques voleuses ayant déjà compris le message
2. Pour des raisons de respect de la vie privée nous avons barbouillé les visages des personnes qui ne sont pas dans une position claire de « poser » pour notre photographe.
http://lenumerozero.lautre.net/article3229.html
Saint-Étienne a une sacrée histoire, une histoire multiple, des histoires rouges, noires, jaunes, vertes… Mais ici, on va surtout s’intéresser à celle de l’armement, thématique oblige.
Tout commence, on ne sait trop quand, cela diffère selon les sources. Les plus optimistes parlent de traces de forges à l’époque de Jules César, d’autres, peut-être plus sérieux (le Musée d’Art et d’Industrie), annoncent le XIVe siècle pour les premières traces d’armuriers à Saint-Étienne. L’affaire fait son bonhomme de chemin et en 1535 François Ier envoie un émissaire, George Virgile, organiser la production d’armes pour ses guerres italiennes. Voilà le destin de Saint-Étienne pour les siècles futurs : fabriquer les armes du pouvoir. En 1669, on compte dans le recensement de Saint-Étienne 600 armuriers et 50 canonniers pour 28 000 habitants. L’armurerie s’installe, et s’installe même vraiment, car un siècle plus tard (en 1764), Louis XV veut uniformiser et augmenter la production d’armes militaires (quel homme moderne !) et crée alors la Manufacture Royale qui a le monopole des armes de guerre avec celle de Charleville. L’ingénieur Griboval, un type qui n’aurait pas détonné de nos jours, met en place un tas de mesures pour rationaliser la production. Division des tâches entre les ateliers, mécanisation, uniformisation, l’objectif est que toutes les armes soient interchangeables entre elles. Ce qui n’est pas sans faire râler les armuriers, qui perdent de leur indépendance. Un banc d’essai est aussi créé au sein de la Manufacture pour tester les armes. La production augmente, et pendant la Révolution, l’État décide de passer en régie directe de la Manufacture, il n’y a plus d’entrepreneurs en intermédiaire. En période trouble, mieux vaut avoir la main ferme sur l’armement !
La ville est tellement célèbre pour sa production qu’elle s’appellera entre 1793 et 1795 Armeville, ce nom douteux sera heureusement vite oublié… Il faut dire qu’à cette époque, l’ambiance n’est pas très pacifique, et que la Manufacture marche à plein régime ! Le début du XIXe siècle voit la naissance d’affaires encore vivantes telles que Verney-Carron (le Flash-ball), ou Rivollier (qui ne fabrique plus vraiment, mais fournit les habits de la police municipale de Saint-Étienne par exemple). Sous le Second Empire, là aussi on produit beaucoup de fusils. Il faut dire que Napoléon III s’en donne à cœur joie. Après être allé d’abord en Crimée en découdre avec les Russes (1854-1856), il va ensuite en Italie, il agrandit ou crée nombre de colonies (Sénégal, Madagascar, Comores, Djibouti, Cochinchine…), va mettre à sac le Palais d’été de Pékin, et va mettre son grain de sel au Mexique… Je dis « il », mais comme toujours c’est « Leurs guerres, nos morts », lui reste au chaud à Paris, les soldats se battent et les ouvriers stéphanois fabriquent tout le nécessaire pour l’impérialisme français. Et pour cela, en 1864, sont construits place du Treuil les nouveaux bâtiments de la Manufacture, elle quitte alors la place Chavanelle et le quartier des armuriers pour ses nouveaux quartiers (aujourd’hui, Cité du design et tout ce qui l’entoure). La chute de l’Empire est donc un coup dur pour l’armurerie stéphanoise, il faut attendre la Loi Farcy de 1885 libéralisant la production et la vente d’armes, et la production d’un nouveau fusil (le fusil Lebel) un an plus tard pour relancer l’économie stéphanoise.
Un autre monument stéphanois se crée à la même époque : Manufrance. Créée en 1885, elle perdurera durant pile un siècle. Cette entreprise modèle croit bien vite sous le patronage de ses fondateurs Étienne Mimard et Pierre Blachon. Ce dernier meurt au bout de quelque temps, et voilà que Mimard est seul aux commandes. Des bâtiments gigantesques sortent de terre Cours Fauriel, ultramodernes, novateurs, où tout est parfaitement hiérarchisé, chronométré, contrôlé… On dit que Mimard pouvait voir tous « ses » employés depuis son bureau ! Le rêve panoptique ! Arrive la Première Guerre mondiale, et forcément, si les obus explosent, la production d’arme explose, c’est alors plus de 10 000 personnes qui travaillent à la M.A.S. [1]. Et puis voilà 1936 et ses grandes grèves (ou plutôt 1937, on est en retard à Saint-Étienne). La plus célèbre sera celle des cent jours de Manufrance pour obtenir de meilleurs salaires. Étienne Mimard, n’étant pas très doué pour le dialogue et trouvant que sa femme fait déjà un sacré boulot en matière de bonnes œuvres, ne comprend pas pourquoi il devrait augmenter ses ouvriers. La mairie Front Populaire soutient le mouvement, Mimard enrage, des syndicalistes sont licenciés. Finalement, un arbitre nommé par l’État imposera un compromis, que Mimard ne respectera pas (sur la réintégration des syndicalistes licenciés notamment).
Deux ans plus tard, voilà une nouvelle guerre, la M.A.S. est réquisitionnée par l’armée allemande en novembre 1942 pour lui produire des armes. À nouveau, c’est plus de 10 000 personnes qui y travaillent, il s’organise en interne des réseaux de résistance qui sabotent la production. On parle de 99 % de rebut sur certains lots, et de nombreuses machines endommagées. À tel point qu’un agent secret de Londres notera dans son rapport qu’un employé sur deux est un contrôleur qui vérifie que les machines n’ont pas été déréglées, cassées, et que les pièces sont utilisables !
Après la Seconde Guerre mondiale, voilà que la production d’armes de guerre diminue, mais l’armement de chasse lui se porte à merveille. Il faut racheter tous les fusils confisqués par l’armée allemande ! On compte encore 5500 salariés à la M.A.S. en 1947, dont 4700 CGTistes et 750 encartés au PCF ! Mais jusqu’en mai 68, il n’y a pas de mouvement majeur et cette année-là, face aux revendications des ouvriers de la Manu, la direction est plutôt conciliante. L’armement c’est stratégique, donc les revendications ouvrières sont vite satisfaites pour éviter un arrêt trop long de la production et surtout par peur que ceux-ci prennent la production ! Mais avec les années 70 arrive la fameuse crise, Manufrance décline, se fera racheté en 1980 par un certain Bernard Tapie qui signe là un de ses premiers coups fumeux, puis à la fin de cette même année une SCOPD [2] est créée par les derniers employés. Mais en 1985 c’est officiel, Manufrance c’est fini. Pendant ce temps, la M.A.S. ne se porte pas si mal puisqu’elle produit des FAMAS [3] en nombre et qu’elle s’est diversifiée dans divers éléments des chars. En 1989-90, la M.A.S. passe sous le giron de GIAT Industries [4], une entreprise à capitaux d’État, première pierre posée vers sa privatisation. Dix ans plus tard, le site est fermé et vendu aux enchères… Pour devenir la Cité du design. De la guerre au design, il n’y a qu’un pas…
Alors qu’est-ce qu’il reste de toute cette histoire ? Quelques bribes du passé armurier et militaire de Saint-Étienne. Optsys, filiale de Nexter (ex-GIAT) qui fabrique des outils optiques pour mieux tirer sur les méchants depuis les chars est le seul survivant sur le site de la M.A.S. Le banc d’essai teste les armes et fait des tests de résistance sur divers matériaux. EDIACA, imprimerie de l’armée, s’occupe notamment de l’impression des bulletins de salaire des soldats. À Saint-Chamond, on trouve une filiale de Nexter spécialisée dans l’armement et la protection des risques nucléaires, biologiques et chimiques. Voilà pour l’aspect militaire, on a fait le tour. Un ancien CGTiste de la M.A.S. me disait : « si on fait la guerre, au moins qu’on n’engraisse pas les capitalistes vendeurs d’engins de mort. Il faut une production gérée par l’État et qu’on n’en vende pas aux autres ». Mais des armes étatiques, démocratiques, communistes ou libertaires, ça reste des armes, non ?
A la mi-octobre, un nouveau journal pour décrypter l’actualité politique à Saint Étienne et sa région a vu le jour. Un gros dossier sur l’armement dans la région compose le cœur de ce premier numéro. Il y aussi un retour sur l’euro 2016, des brèves sur les personnages de notre région, de beaux dessins, des mots-croisés et autre divertissements…
Vous pouvez trouvez le reste des articles, dans la version papier dans tous les lieux chouettes de Sainté.
[1] Manufacture d’Armes de Saint-Étienne est le nouveau nom républicain de la Manufacture Royale
[2] Société Coopérative de Production et de Distribution
[3] Fusil d’Assaut de la M.A.S.
[4] Groupement Industriel des Armements Terrestres
http://lenumerozero.lautre.net/article3221.html