Le contexte de crise institutionnelle de l’UCO souligné ces dernières années par la presse angevine et nationale et s’inscrit dans un contexte de gouvernance autoritaire et de spiritualité fascisante depuis fin 2012, les ultra-catholiques intégristes ayant été déjà épinglés par les medias : violence faite à des étudiants lors d’une conférence en février 2014 , réforme facultaire chaotique , reprise en main de l’université par la Communauté de l’Emmanuel, sous l’impulsion du dernier Recteur nommé, ancien modérateur de la Communauté (de 2000 à 2009). La réforme facultaire elle-même, si, pour nombre d’enseignants, était nécessaire mais sa mise en oeuvre se fait à marche forcée. Cette réforme bouleverse non seulement les enseignants, mais aussi le personnel administratif. En cause, également, les méthodes du Recteur. Décrites par la plupart des enseignants interrogés comme « autoritaires ». « Il n’y a plus de place pour l’esprit critique dans cette université », résument plusieurs enseignants. L’inquiétude a commencé à naître en écoutant celui-ci, Dominique Vermersch, qui a occupé différentes responsabilités au sein de la Communauté de l’Emmanuel : directeur de la Fidesco, responsable de la branche « Amour et Vérité », modérateur international de 2000 à 2009. Il est directeur adjoint du Bureau du Saint-Siège au Vatican pour la reconnaissance par l’Etat français des grades et diplômes de l’enseignement supérieur.

L’OPA de la Communauté de l’Emmanuel sur l’Université Catholique d’Angers et sur les universités catholiques françaises

La Communauté de l’Emmanuel, qui s’inscrit également dans le courant du Renouveau charismatique, est cependant nettement plus positionnée à droite sur l’échiquier politique, liée à des personnalités comme Mme Christine Boutin ou M. Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita, l’une des principales associations organisatrices du mouvement La Manif pour tous. Quand les enseignants ont remarqué les deux mots qui émaillent tous les discours du Recteur : « vérité » et « éthique ». De beaux mots. Mais aussi : « Des mots clefs inquiétants. » A ce point ? Oui, répondent les enseignants. Car, selon eux, cela suppose une sorte de vérité universelle qui s’accommode mal du métier de chercheur. « Une approche dogmatique », rapporte l’un d’eux. « C’est la mission de l’université catholique que d’être au service de la vérité », rétorque le recteur. Tous dénoncent aussi une « atmosphère oppressante ». Entrent alors en conflit les propres valeurs du personnel, quelle que soit leurs convictions religieuses ou leur athéisme, avec un discours fumeux sur la « vérité » qui n’a rien de théologique !

Vous avez dit « écologie humaine ?…

Le 18 février 2014, le grand amphithéâtre de l’Université Catholique de l’Ouest était plein. Plus de six cents étudiants étaient venus assister à une conférence intitulée « L’écologie humaine » effectuée par Tugdual Derville, porte-parole de la « Manif pour tous » et délégué général d’Alliance Vita, association fondée en 1993 par Christine Boutin. Alliance Vita entend « sensibiliser à la protection de la vie, au respect de la dignité humaine et à la protection des enfants ». Plus clairement, elle milite principalement contre l’avortement, l’euthanasie et le mariage entre personnes de même sexe. La présence de Tugdual Derville orchestrée par le service « Société et culture » du diocèse d’Angers et la direction de l’UCO, relevait donc ce jour-là d’un véritable choix idéologique et politique. A la fin de la conférence, un petit groupe d’une dizaine d’étudiants s’est levé pour protester contre la parodie de débat puisque leurs questions n’étaient jamais remontées à la tribune, les organisateurs – censure oblige ! – réservant le débat exclusivement sur la base de questions écrites. Ils ont alors été expulsés violemment par un service d’ordre privé extérieur à l’Université, mandaté par les organisateurs et accepté par le Recteur Dominique Vermersch. Plusieurs d’entre eux ont été molestés et frappés. Deux étudiants ont porté plainte et sont allés se faire soigner au CHU.

Tugdual Derville est un fidèle de longue date des rencontres organisées par la Communauté de l’Emmanuel. Lieu où s’est tenue en novembre 2014 une discrète rencontre des « Chrétiens engagés en politique » réunissant toutes les têtes de réseaux opposés au mariage homosexuel dont Christine Boutin, Christian Vanneste ou encore Bruno Gollnisch…

Imposer un message intégriste à l’université par la violence

Aux événements violents et au quadrillage stratégique et idéologique réalisé par la communauté de l’Emmanuel depuis le changement de direction, viennent s’ajouter les tensions latentes liées à la réforme facultaire[1]. Salariés et étudiants ont diffusé en février 2014 sur Facebook un appel à mobilisation :

« Suite aux événements lors de la conférence de Tugdual Derville organisée par le diocèse d’Angers, au sein de l’Université Catholique de l’Ouest, nous invitons tous les étudiants de cette université, de l’université d’Angers, les enseignants, les syndicats et toutes les personnes scandalisées à manifester leur indignation face à :

– la tenue d’une conférence à caractère politique d’un porte-parole de la Manif Pour Tous, délégué général d’Alliance VITA. La volonté du diocèse était bien de « permettre de susciter à Angers une ou plusieurs « alvéoles », groupes de travail pour participer à cette réflexion qui doit déboucher sur un rassemblement fin 2014 pour asseoir ce courant dans l’opinion », comme indiqué sur leur site internet.

– l’agression violente, par un service d’ordre privé lors de la conférence, devant 600 personnes, d’étudiants de l’université à qui l’on avait refusé d’intervenir. Une quinzaine de jeunes se sont donc levés pour demander la parole et se sont immédiatement fait pousser au sol, dans les portes battantes de la sortie de secours, à coup de pieds et de poings, sous les yeux de leur recteur qui n’a pas levé le petit doigt.

– la non-prise en compte par le rectorat de la demande des étudiants d’une dénonciation officielle des agissements des organisateurs de la soirée et des coups portés aux étudiants.

Le 25 février 2014 paraissait le compte-rendu d’une Assemblée Générale réunissant une centaine de personnes (étudiants et professeurs). Lors de celle-ci, ont été votées à une large majorité les cinq doléances suivantes :

« – le recteur de l’Université Catholique de l’Ouest représente l’UCO lors de toutes les conférences où il est présent ;

– dans le cadre de rencontres/rassemblements (même organisés par le diocèse d’Angers), le rectorat de l’UCO doit garantir la sérénité du débat contradictoire et la sécurité des étudiants ;

– la reconnaissance de l’agression unilatérale d’étudiants de l’université par des personnes extérieures ;

– informer les membres de l’UCO de la tenue de toute conférence organisée dans les locaux ;

– la dénonciation officielle des agissements des organisateurs de la soirée qui n’ont dit mot et la demande de ne plus autoriser la présence de services d’ordre privés. »

Suite à la conférence de Tugdual Derville du 18 février 2014, les salariés et les étudiants ont diffusé le 27 du même mois un communiqué (cf. ci-dessous).

« En tant que salariés de l’Université Catholique de l’Ouest, en tant qu’étudiants de l’UCO, nous ne nous reconnaissons absolument pas et nous nous désolidarisons totalement de la position que le Recteur de l’UCO a affichée à la fois lors de la conférence sur « L’écologie humaine » de Tugdual Derville du mardi 18 février 2014 organisée dans un amphithéâtre de l’UCO et dans ses interviews postérieures diffusées dans la presse à ce sujet.

Notre université, comme toutes les universités, se doit de rester ouverte aux échanges et au débat démocratique ; c’est un lieu d’apprentissage du savoir mais aussi de la capacité acquérir une réflexion critique vis à vis de ce savoir et des dérives qui peuvent s’y glisser.

L’Université Catholique de l’Ouest n’est ni un parti politique ni une secte et n’a pas vocation à le devenir ; la caution apportée par son principal dirigeant à une telle manifestation relève d’une position idéologique qui n’a pas sa place dans l’université française.

Nous observons que :

1 – le Recteur de l’UCO n’est pas intervenu dans son université lors de l’expulsion de plusieurs étudiants lors de cette conférence, alors qu’il était présent et a introduit celle-ci avec deux représentants du diocèse d’Angers ; il n’a pas, par ailleurs, mobilisé la cellule de crise de l’UCO qui aurait dû être sollicitée suite aux violences inqualifiables dont ils ont été victimes par un service d’ordre interne à l’organisation de cette manifestation ;

2 – celui-ci a cautionné le discours idéologique qui s’y est tenu, alors que la notion  « d’écologie humaine » selon Derville est une notion pseudo-scientifique d’écoblanchiement exprimant la volonté de « nettoyer la société d’idées soi-disant subversives», notion détournée du sens de l’expression « écologie humaine » telle qu’elle est conçue par de nombreux scientifiques tels que le biologiste Jacques Ruffié ou le généticien Albert Jacquard ; l’écologie étant conçue comme une discipline traitant des interactions entre l’Homme et son environnement, elle ne peut être qu’humaine ; par ailleurs, les sciences humaines et sociales abordent déjà la question sous l’angle des rapports entre l’Homme et son milieu social et culturel depuis des lustres, n’en déplaise à des idéologues comme Derville… ;

3 – il est inadmissible que les organisateurs de la conférence aient fait appel à un service d’ordre privé (et non éventuellement à la Police), service d’ordre accepté sans broncher par le Recteur, alors que I’UCO accueille habituellement des conférenciers scientifiques et diverses manifestations extérieures sans problèmes particuliers ; qui dit service d’ordre privé dans les murs de notre université signifie refus du débat et intolérance à la confrontation des idées ;

4 – si le Recteur de l’UCO suit son propre raisonnement jusqu’au bout, il devrait appliquer à lui-même l’invitation qu’il a exprimée dans la presse « à la responsabilité », autrement dit à présenter sa démission de la fonction de Recteur car cette attitude est incompatible avec sa fonction actuelle dans une université ; s’il refuse de reconnaître sa part de responsabilité dans cette affaire, nous exigerons sa mise à pied par le Conseil d’Administration de l’association St Yves qui gère I’UCO.

Le collectif « Indignez-vous, étudiants et employés de I’UCO. »

Le 21 février 2014  paraît sur Youtube la video prise par l’un des étudiants sur son portable montrant les étudiants molestés. Le 28 février 2014, au cours de l’assemblée générale organisée le 28 février par le Recteur afin de se justifer, celui-ci a affirmé que « l’université doit devenir un lieu d’évangélisation »…

« Etudiants molestés à la Catho mardi soir : la vidéo » https://www.youtube.com/watch?v=djCYb6vBpdI

La « compassion » fondamentaliste de l’Emmanuel et l’Université Catholique d’Angers

La « Communauté de l’Emmanuel », clé de voûte du Renouveau charismatique en France, a une influence croissante au sein de l’Eglise catholique depuis sa création en 1976. La communauté de L’Emmanuel rassemble environ 7 000 « fidèles » dans le monde. Elle travaille autour de trois axes : l’adoration, la compassion, et l’évangélisation. Ce dernier mot que l’on pourrait entendre comme « prosélytisme », commente un prof. Selon les enseignants, le problème situe surtout dans la nouvelle façon d’aborder le phénomène religieux au sein de l’UCO. « Le poids de la religion est bien plus important », remarque un enseignant. La Communauté est déviante mais de façon moins évidente que ne l’est, par exemple, la Communauté des Béatitudes. La façade est Paray-le-Monial où sessions de formation et autres propositions sont pléthore.

La réalité est moins séduisante. Cette association de laïcs se fait abusivement passer pour religieuse ; ses membres s’infiltrent dans le tissu social, paroisses, entreprises, universités et, de façon plus générale, les lieux de décision, tout en entretenant des liens avec des finances internationales, en Suisse, notamment. En France, les communautés de l’Emmanuel, des Béatitudes et Fondacio sont des fers de lance emblématiques du Renouveau charismatique, courant apparu en Amérique du nord rapprochant le monde catholique du mouvement New Age. L’Université Catholique de l’Ouest accueille ainsi l’ « Institut de Formation Fondacio Europe » (IFF Europe).

La région des Pays de Loire semble devenir le creuset d’un radicalisme chrétien de plus en plus vivace au niveau des universités privées (catholiques) ; l’ICES (Institut Catholique d’Enseignement Supérieur) de la Roche-sur-Yon, fondé en 1990 en grande partie grace à l’entregent de Philippe de Villiers, a ouvert initialement à La Roche-sur-Yon comme antenne de l’Université Catholique de l’Ouest et propose sur son campus divers foyers pour ses étudiants dont le Foyer Sainte Thérèse. La responsabilité de ce dernier a été confiée à la Communauté de l’Emmanuel depuis septembre 2007. Depuis peu, on observe une montée en puissance en Pays de la Loire d’une certaine intolérance… musicale. C’est ainsi qu’un mouvement intégriste a saisi le maire de Clisson pour tenter, en vain, de faire annuler le Hellfest, festival de musique rock, deuxième en France pour sa fréquentation après celui des Vieilles Charrues. Dans la foulée, le curé de Corzé en lien avec le diocèse d’Angers a interdit que soit joué dans son église le Galop Infernal d’Offenbach, qui figurait au répertoire du concert de printemps de la Lyre Jarzéenne !

Philippe Grosbois

Note: Golias Hebdo n° 330