Procureure : Charlotte Gazzera
Juge : Frédérique Piteux (à confirmer)

——

 G. est accusé de :
– participation avec arme à un attroupement par personne se dissimulant le visage afin de ne pas être identifié.
– outrages sur personne dépositaire de l’autorité publique.
2 CRS l’accusent, 1 seul est partie civile (le chef de groupe).

G. n’a pas d’avocat. Il a la vingtaine et n’a pas de casier judiciaire. La juge commence par donner la version des flics : le 31 mars, G. s’est fait arrêter par 2 CRS qui disent avoir vu « un groupe de 5 personnes jeter des bouteilles et faire des doigts d’honneur ».Elle ajoute que ce groupe était très virulent puisque ces « jeunes se touchaient les parties génitales en faisant des doigts d’honneur aux forces de l’ordre ». Un CRS, qui faisait « bouclier », indique avoir repéré particulièrement un « jeune homme qui portait un sweat gris foncé, un pantalon de jogging foncé et un masque chirurgical ». Ils gazent le groupe, chargent et se retirent pour aller « libérer » une autre intersection où, à nouveau, ils gazent et s’en vont. C’est en s’en allant qu’il reconnaissent G. « à sa tenue vestimentaire ».

G. à une toute autre version : il cherchait son pote pour qui il s’inquiétait, s’est fait gazé par les flics et leur a fait un doigt. Il ne reconnaît pas le visage dissimulé, ni avoir eu une arme, ni les jets de projectiles (pour lesquels il n’est pas poursuivi, ce qui n’empêche pas la juge de le questionner dessus).

Puis vient le petit cirque des questions habituelles : à quelle heure êtes vous arrivé, pourquoi êtes vous venu à cette manif, étiez vous dans un groupe, etc. avec son lot de répliques merdiques :
« Dès 9h30 le PV fait état d’incidents, vous vous faites interpeller à 15h30. Ça ce voit des incidents ! Vous avez décidé de rester ! ».

Ensuite elle essaie de caractériser les faits reprochés, ça lui prend à peine une minute :
« Donc il y avait un groupe de 5/6 personnes. En faisiez vous partie et quel a été votre rôle ?
– J’étais perdu, je cherchais des amis. Quand on a été gazé j’ai fait un signe injurieux.
– Lequel ?
– Un doigt d’honneur.
– En vous touchant les parties génitales ?
– Non
– Avez vous jeté des projectiles sur les forces de l’ordre ?
– Non
– Étiez-vous porteur d’une arme
– Non
– Vous avez reconnu avoir bu de la bière, donc vous aviez des cannettes. Vous n’en avez peut-être pas jeté mais ce sont des armes par destination puisque vous auriez pu le faire.
 »

G. réexplique qu’il s’était perdu et qu’il cherchait son pote.
« L’ami avec lequel vous dites être venu ?
– Oui
– Vous, ça dégénère, c’est le moment de partir et vous cherchez votre ami ?
–  Je m’inquiétait pour lui
– Il est grand votre ami, vous pouviez partir sans lui, il aurait pris le bus tout seul !
 »

[…]

« Vous avez continué à venir en manifestation ensuite ?
– Non
– Vous avez reçu la décision de la préfecture qui vous interdit d’y participer ?
– Oui
– Donc c’est pas vous qui avez décidé de ne plus y aller !
– Je l’ai reçu il y a 15 jours seulement !
– Et avant alors ?
– Je n’y suis pas retourné
– Ça vous a servi de leçon ?
– … 
»

C’est maintenant au tour de l’avocat du CRS de faire son show. Annie Hupé (l’avocate habituelle des flics) a du soucis à se faire, la concurrence est rude !
« Les faits que vous êtes amenés à juger aujourd’hui sont des faits que votre juridiction commence à connaître. Ils sont répétitifs et désagréables. Les CRS sont là, à Nantes, en renfort de leurs collègues exténués. La CRS qui était présente ce jour là est la CRS 8, ce sont des policiers aguerris, qui travaillent et s’entraînent avec le RAID ». Il explique ensuite comment fonctionne les groupes de 5 CRS (2 qui font boucliers, 2 qui interpellent et un chef qui donne les ordres). Il dit qu’il n’y a pas de difficultés à condamner G. puisque la description vestimentaire correspond. Sur les outrages : « Quand on est policier, c’est vraiment difficile en ce moment. Une partie de la population s’évertue à vous outrager et à vous humilier ». Il clôture son intervention par « Manifester, ce n’est pas saccager, s’énerver. Ce n’est pas se révolter ! » et demande 300€ de dommages et intérêts ainsi que le paiement de 600€ pour les frais de justice. Le tribunal de Nantes ne les accorde habituellement pas aux flics (puisque l’État prend déjà en charge), mais l’avocat explique que comme c’est un flic parisien il n’est pas habitué à ce que ça soit refusé et ne comprendrait pas.

La proc,  Charlotte Gazzera, en a marre des manifs et ça se voit
. Elle se plaint que pour chaque manif ce sont au moins 80 flics de Waldeck qui sont mobilisés sur du maintien de l’ordre et qu’il faut à chaque fois « au moins 2 escadrons de gardes mobiles et une compagnie entière de CRS pour empêcher des énergumènes comme Monsieur de continuer. ». Elle ajoute « Quand on est en manifestation depuis 9h30 le matin, on a largement eu le temps de s’exprimer et on peut comprendre que les forces de l’ordre demandent d’arrêter » puis « Le pont Anne de Bretagne a quand même fini en feu le 31 mars ! ».
Elle demande au tribunal « de faire comme les autres fois : considérer que la parole des CRS fait foi » et ajoute « Il n’y aurait pas de condamnation dans votre tribunal si vous ne le faisiez pas ! ». Elle s’adresse ensuite à G. pour lui dire que c’est inadmissible de faire des doigts d’honneur parce que les flics sont là pour contenir les casseurs et que s’ils n’étaient pas présents, « les casseurs pourraient très bien s’en prendre aux manifestants ».  Elle demande au tribunal de ne pas suivre la jurisprudence actuelle qui consiste à donner des amendes pour ce type de faits (on sait pas trop où elle a vu ça…) avec pour argument « L’argent de Monsieur serait bien mieux dans la poche de Monsieur B ! » (en parlant du flic). Elle demande donc 2 mois de sursis simple.

Décision du tribunal : 2 mois de sursis / 150€ de dommages et intérêts au flic / 600€ pour les frais d’avocat du flic (c’est la première fois depuis le début du mouvement que quelqu’un.e est condamné à payer les frais d’avocats des flics).

—–

O. est accusé de :
– participation avec arme à un attroupement par personne se dissimulant le visage afin de ne pas être identifié.

Il n’est pas là et n’est pas représenté par un avocat. Il a un casier judiciaire. La juge se contente donc de lire des bouts de PV des flics. Le PV d’ambiance raconte qu’un groupe du 80 personnes descend le cours des 50 otages avec une attitude agressive et les visages dissimulés. Une personne dans ce groupe a une batte de baseball. Un des BACeux décide qu’il faut l’interpeller. Le PV d’interpellation, lui,  parle de quelqu’un avec un drapeau.

La proc demande à ce que les faits soient requalifiés en « participation à un attroupement » puisqu’on peut difficilement considérer que le drapeau est une arme. Elle demande 2 mois de sursis même si c’est requalifié, parce que O. a un casier.

Décision du tribunal : relaxé.
La juge explique que le délit n’est pas constitué car il n’avait pas d’arme mais qu’illes n’ont pas pu requalifier en participation simple car dans ces cas là il faut que les personnes soient restées après les sommations. Or, la procédure ne fait pas état de sommations juste avant l’interpellation et si ça avait été le cas, on aurait pas de preuve que O. les auraient entendues.