SALLE DES COMPARUTIONS IMMÉDIATES

– Juge : Elisabeth CROIZE
– Assesseur-e-s : Jacques CHAUME et Cécile CALLOCH
– Procureure : Sandrine CODEVELLE
– Avocate des flics : Annie HUPÉ

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Y. est accusé de :
– Violences sur personne dépositaire le l’autorité publique sans ITT lors d’une manifestation sur la voie publique (3 mai)

2 flics de la bac sont partie civile :  1 commissaire et 1 major (la juge et l’avocate des flics le répète plusieurs fois)

Y., tout juste 18 ans n’a pas de casier. Il comparait libre et a M. Gouache comme avocat.
Un des BACeux (le major) affirme l’avoir vu jeter des projectiles. Y. dément et dit qu’il n’était même pas à cet endroit. Il devra le répéter un certain nombre de fois, notamment quand la juge lui demande pourquoi la police dit l’avoir vu.
Le commissaire de la BAC affirme qu’il s’est fait arrêté parce que reconnu à l’arrêt de tram :
« J’ai reconnu 1 jeune homme parmi ces délinquants. Il portait une tenue vestimentaire particulière »
L’avocate habituelle des flics ne fait encore pas preuve d’originalité, sauf quand elle dot qu’elle regrette qu’il n’y ait pas plus d’ arrêté-e-s.

La procureure dit que les 2 PV des flics suffisent à dire qu’il a été identifié comme l’auteur de jets de projectiles. Elle ajoute que s’il n’y a pas de blessés, le choc psychologique subit par les flic est suffisant pour condamner. Elle demande à ce que les 2 témoignages fournis par l’avocat de Y. (qui attestent qu’il n’était pas à l’endroit où les flics disent l’avoir vu et qu’il n’a rien jeté) ne soient pas pris en compte car les PV des flics « sont suffisamment clairs ».
Elle demande 3 mois de sursis avec mise à l’épreuve (obligation de travailler, d’indemniser les « victimes », interdiction de manif pendant 2 ans avec exécution provisoire).

L’avocat de Y., M. Gouache, se dit choqué par les réquisitions extrêmement sévères de la proc. Il rappelle à la cour que la charge de la preuve revient à l’accusation et que le doute doit bénéficier aux prévenus. Il dit que le dossier est vide et qu’il ne tient que sur les PV des flics. Il parle des 2 témoignages et dit qu’ils ont autant de valeur que les PV des flics, dit que c’est parole contre parole mais que la parole des flics vaut pas plus et que c’est une croyance populaire de penser que comme ils sont assermentés leurs témoignages ont plus de poids que les autres (il cite l’extrait du code pénal à ce propos).
Il reprend ensuite les PV et dit qu’aucun d’eux ne dit que Y. a jeté quelque chose. Sur le PV on lit qu’il y a 30 mètres entre Y. et les flics, l’avocat est allé vérifier sur Google Map et dit qu’il y a environ 75 mètres. Il dit que c’est pas possible à 75 mètres de distance de jeter une pierre aux pied des flics, notamment vu le « gabarit » de Y. « Je ne dis pas qu’ils mentent, mais ils sont fatigués, il sont humains, ma consœur (l’avocate des flics) le répète suffisamment souvent. Vous ne pouvez pas exclure que les policiers croient l’avoir vu sans le voir ». Il dit ensuite que si le parquet ne donne pas d’éléments pour lever le doute, le doute bénéficie à l’accusé. Il demande la relaxe.

Rendu : relaxé au bénéfice du doute

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AUDIENCES CORRECTIONNELLES

Juge : Bruno SANSEN
Asseusseur-e-s : Frédérique PITEUX et Johanna METAY
Procureur : Thierry ROLLAND et une stagiaire

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O., interpellé à la manif du 31 mars, est accusé de :
– Participation avec arme à un attroupement
– Violence sur dépositaire de l’autorité publique avec ITT de + de 8 jours
– Rebellion

1 flic de la BAC partie civile, blessé à l’épaule (ça se voyait pas) et en arrêt maladie depuis le 31 mars.
L’État s’est aussi porté partie civile pour le remboursement des soins médicaux

O. avait été relâché de GAV avec un contrôle judiciaire et une convocation pour le 30 mai. Ce jour là il avait obtenu un report. Il n’a pas de casier judiciaire.
Il ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés. Il a croisé la manif en sortant de cours, y a vu des potes et y est resté parce qu’il devait revenir en ville le soir mais qu’il n’y avait plus de transports. Le juge l’interroge à peine 2 minutes sur les faits avant de faire venir à la barre le flic partie civile et de lui demander de raconter :
« On était dans le mini-bus, on roulait à vitesse réduite. C’est là que j’ai vu… enfin… c’est la que mon collègue l’a vu jeter des pavés. On est descendus du minibus pour l’interpeller et il s’est enfui.
Vous étiez combien dans le mini-bus ?
– 12 ou 13, peut-être 15
– Et les autres, ils ont vu ?
– Je sais pas
(juge s’adressant aux assesseur-e-s) Oui parce qu’ils font des binômes pour interpeller. Il y en a un qui désigne et l’autre qui interpelle
– Là non, on lui a tous les deux couru après
– Ah donc vous vous mettez tous les deux à courir après la même personne, donc vous ne pouvez pas vous tromper. Non parce que si vous aviez couru chacun après une personne différente, on aurait pu se demander… mais là
… »
L’avocat interroge à son tour le BACeux, notamment sur le fait que les flics parlent d’un gars avec un jogging noir à bandes blanches, alors que O. avait un jean noir. Il pointe le fait qu’il n’y a pas les photos « en pied » prises habituellement à Waldeck pour « confirmer » la description. L’avocate l’interrompt pour dire qu’il n’y a pas de photos parce que c’était le début du mouvement et c’est le juge qui lui répond qu’il y avait aussi avant (d’autres personnes jugées pour le 31 mars avaient des photos dans leur dossier). L’avocat dit qu’il y avait des éléments plus identifiants sur ses vêtements et qu’ils ne sont pas mentionnés. Le flic a du mal à s’en sortir dans les explications.

Le juge fait revenir O. à la barre et l’interroge sur ces vêtements. O. maintient qu’il n’était pas habillé comme ça et dit qu’il a couru parce qu’il avait peur et qu’il n’a pas compris immédiatement que c’était la police. Il dit s’être pris un coup de matraque puis avoir été saisi et est tombé au sol. Le flic dit qu’O. a fait un mouvement de pivot qui l’a fait tombé et qui lui a déboîté l’épaule. O. nie et le flic s’embrouille à nouveau dans ses explications.

L’avocate des flics fait son baratin habituel
. Parmi les perles :
« A l’heure ou il est interpellé, il y a longtemps que la manif est finie. Vous êtes sur des poches de résistances qu’il faut vider pour que la ville retrouve son calme. C’est une zone d’affrontement (…) et sur ce moment la police fait face aux résistants qui ne veulent pas partir »
« Il n’est pas le seul à être là, il y en a d’autre qui malheureusement ne sont pas arrêtés »
« Les fonctionnaires de la BAC interviennent pour que ça s’arrête, parce que sinon on y passerait la nuit ! » (on a l’impression qu’elle fait partie de la BAC…). Elle demande des dommange pour le préjudice moral et physique.
L’avocat de l’État ne s’étend pas, il demande juste le renvoi sur intérêt civil pour avoir le temps de chiffrer le préjudice.

Le proc fait un réquisitoire rapide : pour lui, tout est avéré puisque les PV de la police le disent. Il demande une peine forte parce que c’est intolérable mais en l’absence de casier il se résout à ne demander « que » (sic !) 6 mois de sursis TIG avec 140H de TIG + obligation d’indemniser les victimes.

L’avocat pointe le fait que le dossier est vide et insiste sur le fait que comme on est pas dans le cadre d’une compa ils auraient pu prendre le temps de fournir des PV d’enquête en plus des PV de flics. Il dit qu’il n’y a aucun éléments à part les vêtement et qu’il y a une grosse part de doute au sujet de ceux-ci. Il dit que fuir n’est pas de la rebellion, qu’il n’y a pas de violences avérées, et que l’attroupement avec arme n’est pas constitué si les violences ne le sont pas (puisqu’aucune arme, même par destination, n’a été trouvée sur O.). Il demande la relaxe au bénéfice du doute sur l’ensemble des infractions reprochées.

Rendu : jugé coupable de toutes les infractions reprochées, 4 mois de sursis simple, 600€ de dommages pour le préjudice moral et 2000€ de provisions pour les blessures. Renvoi sur intérêt civil le 9 décembre.

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M., interpellé en marge de la manif du 24 mars, est accusé de :
– Participation avec arme à un attroupement
– Transport sans motif légitime d’arme de catégorie D
– Port sans motif légitime d’arme de catégorie D

M. n’as pas de casier et a choisi de ne pas prendre d’avocat. Il ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés. Le procès est expéditif. Il s’est fait interpeller au tram avec un lance pierre et des pierres dans un sac. Il dit que c’est quelqu’un qui les lui a laissé, ce qui lui vaut du foutage de gueule de la part du proc et du juge. Le proc fait aussi vite que tout à l’heure et est très agressif. Il demande 4 mois de sursis et en profite pour dire à M. que son avenir est foutu (ce proc adore dire ça…).

Rendu : 3 mois de sursis simple

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Bilan partiel au 2 juin de la répression judiciaire depuis le début du mouvement :
Nous avons recensé plus de 40 procès. La plupart des personnes est accusée de participation avec arme à un attroupement, avec pour un certain nombre l’ajout de la circonstance aggravante « par personne se dissimulant le visage afin de ne pas être identifiée ». La plupart du temps aussi, il y a en plus des accusations de violence et/ou outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique et quelques fois rebellion. 39 condamnations ont été portées à notre connaissance dont :
– 1 stage de citoyenneté
– 3 amendes + des personnes qui ont eu des amendes en + des autres peines
– 4 peines de travaux d’intérêt généraux
– 9 sursis-TIG (peines de TIG pouvant être converties en prison ferme si on les fait pas)
– 7 sursis simples
– 4 sursis avec mise à l’épreuve
– 7 peines de prison ferme (de 1 à 8 mois)
– 4 peine de sursis + ferme
– 8 mandats de dépôts (8 personnes conduites en taule après leur procès)
– 13 peines complémentaires d’interdiction de manif (sûrement plus parce que dès fois c’est pas précisé à l’oral mais écrit sur le relevé de condamnation)

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Dons à la caisse antirep : pour payer les frais de justice, les amendes, une partie des dommages et intérêts, les mandats envoyés au détenus, etc., la caisse antirep a besoin de soutien. Vous pouvez envoyer vos dons (chèques à l’ordre du comité de soutien aux inculpées) à :
Comité de soutien aux inculpé-e-s
Le Gué
44220 Couëron

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Bilan au 2 juin des interpellations à Nantes depuis le début du mouvement :
– 9 mars : 5
– 17 mars : 3
– 24 mars : 19
– 31 mars : 16
– 5 avril : 15
– 9 avril : 6
– 14 avril : 18
– 20 avril : 7
– 28 avril : 41
– 6 mai : 14
– 10/11 mai : 5 (à confirmer)
– 12 mai : 21
– 17 mai : 16
– 19 mai : 97
– 26 mai : 8
– 2 juin : entre 2 et 9
– 8 personnes arrêtées hors contexte de manif à qui il est reproché des infractions liés aux manif (violences, Go Sport, voiture brûlée)

Il y aurait donc eu entre  301 et 308 interpellations depuis entre 9 mars et le 2 juin