Comparution immédiate

Juge : Marie-Thérèse MONCHY
Assesseur.e.s : Jean RAVON et Clémentine BLANC
Procureure : Sandrine CODEVELLE
Avocate des flics : Annie HUPÉ

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R., interpellé à la manif du 26 mai, est accusé de :
– Participation avec arme à un attroupement par une personne dissimulant volontairement son visage afin de ne pas être identifiée
– Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’une incapacité n’excédant pas 8 jours lors de manifestation sur la voie publique
–  Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité lors de manifestation sur la voie publique
– Dégradation ou détérioration du bien d’autrui
– Rebellion en récidive
– Outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique
– Violation d’une interdiction ou manquement à une obligation édictée par décret ou arrêté de police pour assurer la tranquillité, la sécurité ou la salubrité publique

3 flics sont parties civiles (2 motards et 1 BACeux)
Ouest-France est partie civile

R. a deux condamnation à son casier et le juge d’application des peine conseille la révocation partielle de son sursis.
Après une course poursuite avec des motards, R. se fait interpeller de manière violente (clé d’étranglement, balayette, claques). Cela ne les empêche pas de l’accuser de violences et rebellion et de réussir à se faire attribuer des ITT (1 et 2 jours).
Le dossier est vide et tient comme à chaque fois sur les seules déclarations des flics.

L’avocate des flics ne fait pas l’effort de renouveler son discours : les motards sont la pour sécuriser la manif, ils n’ont sur eux que leur arme de service et leur gilet pare-balle. Elle dit avoir déjà défendu ces deux motards (pour l’un c’est la troisième fois qu’il est partie civile, l’autre la seconde). Elle en rajoute 3 tonnes et décrit une ambiance presque apocalyptique. Elle demande des dommages et intérêts pour le préjudice physique et moral.

L’avocat de Ouest-France décrit la manif comme un rassemblement émeutier, parfaitement organisé avec des gen.te.s qui veulent abattre le système et qui s’en prennent désormais aux médias. Il demande des dommage et intérêts au titre du préjudice matériel : réparations + frais de gardiennage ainsi qu’au titre du préjudice moral (atteinte à l’image du journal)

La procureure dit que R. n’a pas de motivation politique parce qu’il aurait rejoint la manif plus tard, pas loin de Ouest-France. Elle demande 6 mois de prison ferme avec mandat de dépôt + l’interdiction de manif en 44 pendant 3 ans + la révocation du sursis simple de sa première condamnation + la révocation partielle du sursis mise à l’épreuve de la seconde.

L’avocat de R., Pierre Hurriet, souligne que le dossier est mal fait et qu’il y a des relaxes à prononcer :
– pour les violences sur le premier motard, les déclarations des flics sont discordantes
– pour les violences sur l’autre motard, qui s’est tordu le doigt et la cheville lors de l’interpellation, il ne peut pas y avoir deux qualifications pour une seule infraction. Les violences sont donc à rattacher à la rebellion
– pour la rebellion : s’enfuir ne constitue pas une rebellion, et que si c’est condamnable de résister à son interpellation il rappelle que R. s’est fait étrangler et a reçu des claques.
Il indique que le réquisitoire de la proc mènerait à 1 an d’emprisonnement et que je juge d’application des peines qui est d’avis de révoquer le sursis n’a jamais rencontré R. ni lu les compte-rendu du SPIP. Il propose plutôt le placement sous bracelet électronique ou la semi-liberté.

Décision du tribunal :
Rattachement des violences à la rebellion et jugé coupable de tout le reste des infractions reprochées. R est condamné à :
– 6 mois de prison avec maintien en détention
– 2 mois de révocation de sursis (révocation partielle qui fait qu’en sortant R. aura encore 4 mois de sursis mise à l’épreuve au dessus de la tête)
– interdiction de manif pendant 2 ans avec application provisoire
– 30€ d’amende
– 10 400€ de préjudice matériel pour Ouest-France + 1 000€ de préjudice moral + 500€ pour le remboursement des frais de justice
– 750€ pour un motard
– 950€ pour l’autre
– 300€ pour le BACeux

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Audiences en correctionnelle

Juge : Bruno Sansen
Assesseur.e.s : Marc Fricoteau + ?
Proc : ?

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K., Interpellé de la manif du 31 mars, est accusé de :
– Participation avec arme (un pavé) à un attroupement
– Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité lors de manifestation sur la voie publique (jet de deux cailloux)

K. est défendu par Ramzi Sahli. Après sa garde à vue, il avait été relâché sous contrôle judiciaire : interdiction de s’absenter de son domicile de 20h à 6h du matin et obligation de pointer au commissariat de son lieu de résidence tous les quinze jours.
Avant même de lui poser des questions sur les faits, K. se fait embrouiller par le juge sur son casier. Il a en effet été jugé et condamné en mars 2016, mais pour des faits remontant à 2014, alors qu’il était mineur. Le procureur demande que la récidive soit retenue, l’avocat défend le contraire.
Comme souvent, il est reproché à K. d’être resté à la manif après que les « premiers incidents » aient commencé. K. dit qu’il essayait de partir mais que la police chargeait. Il avoue avoir jeté deux pierres, qui n’ont atteint personne.

Le procureur décrit K. comme un récidiviste, quelqu’un qui ne vient pas manifester, qui ne vient rien exprimer et qui est équipé comme un « casseur » puisqu’il a un sac à dos (rien de spécial n’a été trouvé dans son sac…). Il dit que la violence va crescendo et que c’est mauvais « pour l’économie de la cité, pour l’image de marque de Nantes ». Il ajoute que que désormais « les syndicats prennent soin de manifester à part et avec une étanchéité » par rapport aux manifs du centre ville. Il demande que les violences sur personnes dépositaires soient requalifiées en violences collectives (permet des peines plus lourdes).
Il demande 6 mois d’emprisonnement ferme avec interdiction de porter des armes pendant 2 ans + interdiction de manif dans le 44 pendant également 2 ans. Il demande que l’interdiction de manifs soit assortie de l’exécution provisoire. Il s’explique en disant que c’est bien à la justice de faire en sorte que les interdictions de manifs soient immédiatement appliquées et qu’il n’y a pas à s’en remettre au préfet pour prononcer ces interdictions dans le cadre de l’état d’urgence.

L’avocat dit que K. comparait sans la circonstance de la dissimulation de visage, qu’il avait seulement une capuche et une casquette. Il dit que si c’est ça d’être casseur, alors il faudrait que le tribunal aille « tout de suite se réfugier » parce que cela voudrait dire que « toute la jeunesse française sont des casseurs ».
Il demande ensuite au tribunal de remettre les faits dans leur réelle proportion : un jeune qui vient seul en manif, qui se laisse entraîner par le groupe. Il dit que K. est pris avec un caillou que les flics appellent pavé mais pour lequel aucune preuve n’est fournie. Il demande que la récidive ne soit pas retenue car les faits concernés remonte à 2 ans, quand K. était mineur. Il demande aussi que la requalification en « violences collectives » ne soit pas retenue et souligne la sévérité du réquisitoire du proc. Il rappelle que K. est accessible au sursis simple.

Décision du tribunal :
– pas de requalification en « violences collectives »
– jugé coupable de tous les faits reprochés
– le tribunal retient la récidive
– condamné à du sursis-TIG : 2 mois de sursis avec obligation d’effectuer un TIG de 140h dans les 18 mois
– interdiction de manif dans le 44 pendant 1 an

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H, interpellé lui aussi lors de la manif du 31 mars, est accusé de :
– Participation avec arme (une pierre) à un attroupement par une personne dissimulant volontairement son visage afin de ne pas être identifiée
– Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité lors de manifestation sur la voie publique (jet de deux cailloux)
– Usage de stupéfiants

H. était sous contrôle judiciaire depuis sa sortie de garde à vue (interdiction de s’absenter de son domicile de 20h à 6h du matin). Il n’a pas de casier judiciaire. Il se voit d’abord reprocher par le juge ce qu’il fait dans la vie. Il a arrêté le lycée pour se consacrer à un autre projet, qui lui plaît et dans lequel il est impliqué. Le juge essaie de lui faire dire que son changement de projet est lié à un moment de crise, H. dément. Ça n’a pas l’air facile pour le juge de comprendre…

Selon la version policière, H. s’est fait interpellé avec des pierres à la main après qu’un BACeux l’ait désigné. Dans son sac se trouvaient alors un certain nombre d’objets : gants, matos pyrotechnique, bouteilles de bière, pantalon, etc. Il a des explications pour tout, sauf pour les bouteilles, qu’il conteste avoir eu dans son sac. Le juge l’interroge sur ce fait:
« Et les bouteilles ?
– Je sais pas
– Dans votre première audition vous dite que c’est la police qui a tout mis dans votre sac. Vous maintenez ?
– Je sais pas comment elles sont arrivées là
– Vous avez des bouteilles avec le goulot cassé dans votre sac, pourquoi ? Je sais pas moi, vous ramassez les bouteilles ? C’est peut-être la COP21 ou 22, mais ce n’est pas trop sérieux ! Expliquez !
– À la première audition j’ai juste acquiescé ce que disait la police. J’avais peur et j’étais blessé. Je voulais que ça aille vite.
– Alors aujourd’hui qu’avez-vous à en dire ?
– Les bouteilles, je ne sais pas comment elles sont arrivées là.
– Elle ne sont pas arrivées toutes seules, votre sac est fermé sur les photos de la reconstitution
– C’est pas des photos de la manif
– Oui je sais, par exemple sur les photos on vous a fait mettre un bonnet alors que vous n’en portiez pas. Les bouteilles vous maintenez que vous ne savez pas ?
– Oui 
»
[…]
Le proc intervient, comme pour essayer de sauver la mise à la version des flics :
« Vous avez été interpellé une bouteille à la main ?
– Non
– Le policier qui vous interpelle dit que si. Il vous interpelle, prend la bouteille et la met dans votre sac. C’est simple, précis, méthodique !
 »
Le proc continue et attaque maintenant sur les pétards et feux d’artifice, qu’il qualifie d’engins incendiaires. H. dit que c’est pour faire du bruit et être visible, le proc dit que ça sert aussi à incendier voitures de police et magasins. Le juge saisit l’occasion pour H. enfoncer plus encore.

La parole revient encore au proc, maintenant bien échauffé, pour un réquisitoire digne d’un article du Figaro : il dit directement qu’il va demander 6 mois ferme. « Ces manifestations n’ont aucune revendication, il s’agit de se défouler sur les forces de l’ordre. Il y a un réel préjudice pour les personnes qui vivent et travaillent à Nantes, un préjudice pour le pays ! Il y a gens qui voient ces images et qui s’inquiètent. Ils s’inquiètent que ça puisse se passer dans un pays comme la France ! » ou encore « Les manifestants qui ont d’authentiques revendications manifestent maintenant séparément pour leur sécurité ! ». Il demande la requalification des violences sur dépositaire en « violences collectives » : il dit que la justice à affaire à des gens très dangereux et qu’il suffit d’une étincelle : un policier qui se retrouve seul suffit pour qu’il y ait une meute qui s’acharne. Il demande que le contexte soit pris en compte « comme pour un vol seul qui n’a quand même pas la même dangerosité qu’un pillage ».  « Je demande 6 mois ferme pour stopper le développement de ces actions. Ça va continuer, d’autres actions sont prévues et il y a de l’incitation à commettre des violences contre la police et les biens ». Il demande aussi l’interdiction de port d’arme pendant 2 ans et l’interdiction de manif dans le 44 pendant 2 ans.

L’avocate rappelle que H. n’a pas de casier, qu’il n’avait pas l’intention de blesser ou casser. Elle dit qu’il reconnaît les fait, sauf pour les bouteilles et que c’est important que a soit reconnu par la justice. Elle rappelle que H. était blessé et que le m médecin de grade à vue avait demandé à ce qu’il soit conduit au CHU, ce qui n’a pas été fait. Elle insiste sur sa personnalité (de manière un peu misérabiliste) et demande du TIG simple.

Décision du tribunal : Pas de requalification en « violences collectives » H. est jugé coupable de tout ce qui lui est reproché et est condamné à du sursis-TIG : 3 mois de sursis avec obligation d’effectuer un TIG de 105h dans les 18 mois + interdiction de manif dans la 44 pendant 1 an avec exécution provisoire.

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O, interpellé lors de la manif du 31 mars, est accusé de :
– Participation avec arme à un attroupement
– Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’une incapacité supérieure à 8 jours lors de manifestation sur la voie publique
– Rebellion

L’avocat demande un report au motif qu’il vient seulement d’être désigné et n’a pas eu le temps de préparer la défense. Le proc s’y oppose, mais le tribunal accorde le report pour le 2 juin, soit 3 jours plus tard…

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Bilan de la répression judiciaire liée à la manif du 31 mars (à notre connaissance) :
– 16 interpellations pendant la manif qui ont mené à 15 GAV
    – 1 personne est passée en comparution immédiate le 4 avril (et a 1 mois ferme pour avoir montré ses fesses aux flics)
    – 2 personnes passées au tribunal le 30 mai (voir CR ci-dessus)
    – 1 personne passée le 2 juin (CR à venir)
– 5 interpellations hors contexte de manifs. Ce sont des lycéens que la justice accuse d’avoir brûlé une voiture (source presse locale).
    – 3 ont été condamnés en mai
    – 2 passent cet automne devant le juge des enfants.

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Bilan de la répression judiciaire liée à la manif du 26 mai (à notre connaissance) :
– 8 interpellations
– 1 comparution immédiate le 30 mai

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Vous êtes concerné.e.s par la répression, vous avez un procès à venir ou que vous ayez été condamné,etc…? Vous pouvez contacter la legal team au 06 75 30 95 45

Pour soutenir financièrement personnes qui subissent la répression, des chèques (à l’ordre du comité de soutien aux inculpées), peuvent être envoyés à l’adresse suivante :

Comité de soutien aux inculpé-e-s
Le Gué
44220 Couëron