Retour sur une escalade judiciaire

Notre ami l’avocat Bernard Ripert a été placé en garde à vue lundi 23 mai. En mode western : cinq voitures de police pour bloquer l’accès à son domicile, dix flics pour venir l’alpaguer l’arme au poing. Cinq en sécurisation dehors, cinq autres pour le menotter dans le dos et le tirer hors de chez lui. « Ça ne s’est pas bien passé. C’est inquiétant, cette façon de procéder », a déclaré son épouse. C’est même intolérable.

Bernard venait d’être inculpé le 13 mai pour « entrave à l’exercice de la justice » et « menace ou acte d’intimidation commis envers un magistrat en vue d’influencer son comportement dans l’exercice de ses fonctions», un délit passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Il aurait eu « une attitude menaçante » vis-à-vis d’un magistrat de la cour d’appel de Grenoble qui avait statué sur le dossier de sanction disciplinaire dont il faisait l’objet. C’est pour cette énième accusation qu’il est placé en garde à vue.

Ils n’en sont pas restés là : en fin de journée, Bernard Ripert a été interné à l’hôpital psychiatrique de Bassens. « L’expert psychiatre a estimé qu’il s’agissait d’une personne présentant des troubles mentaux nécessitant son hospitalisation sous contrainte en structure psychiatrique », a déclaré Jean-Yves Coquillat, procureur de Grenoble. On a souvent pu lire dans le journal comment la pénitentiaire a recours à ce procédé pour écarter des prisonniers récalcitrants. L’internement de Bernard Ripert s’incrit aussi dans la grande tradition des régimes totalitaires qui éliminent les dissidents en les enfermant à vie dans des hôpitaux psychiatriques. La justice a décidé de le faire passer pour fou pour lui faire payer une vie de combat ; pour faire passer sa colère contre les injustices pour une pathologie et sa dignité pour de la paranoïa. Pour les gardiens de l’ordre, sa parole libre, son insoumission sont la preuve de sa folie.

Heureusement, ça ne pouvait pas tenir bien longtemps face à la détermination de Bernard qui s’est immédiatement mis en grève de la faim et à celle de ses proches, confrères et amis qui ont réussi à organiser immédiatement un rassemblement de soutien devant l’hôpital.

C’est le dernier acte – en date – de la campagne de persécution dont cet avocat fait l’objet de la part de l’institution judiciaire. Ca fait plusieurs années que la magistrature de Grenoble tente par tous les moyens de le radier du barreau : il gêne vraiment trop par son refus de la justice de classe, qui l’a mené à défendre aussi bien les militants politiques d’Action directe ou des Grapo que des prisonniers longues peines qui s’évadent comme Christophe Khider, parce qu’il considère que « tous les prisonniers sont des prisonniers politiques ». Cela fait bientôt quarante ans que Bernard Ripert mène une guerre de position dans les cours d’assises contre les juges, procureurs et bâtonniers qui veulent aujourd’hui le voir au trou. Pourquoi ? Pour que les inculpés ne prennent pas les peines infinies que ces magistrats veulent leur coller :

« Comment accepter que les décrets de 1991 et 2005, portant sur l’organisation de notre profession et nos règlements intérieurs, nous obligent à plaider avec « délicatesse et modération » quand la liberté et même la vie de nos clients sont en jeu ? Trente ans de réclusion, perpétuité…. Est-ce de “la délicatesse” et de “la modération” ? » écrivait-il le 26 mars dernier à ses confrères.

Il n’a jamais cessé de rappeler qu’« au niveau pénal, la justice est utilisée comme un moyen d’épuration sociale d’abord, d’épuration ethnique, ensuite. On veut par l’intermédiaire de la justice éliminer une frange de plus en plus importante de la population, l’enfermer, la mettre hors jeu, hors circuit » En avril 2013, il déclarait lors du procès de l’évasion de Christophe Khider et Omar Top El Hadj de la centrale de Moulin-Yzeure : « On veut faire crever les prisonniers dans les prisons de France, et quand on veut faire crever quelqu’un, cette personne a un droit et même un devoir : le devoir de s’évader. »[Cf l’Envolée n°35]