Après avoir livré les migrants aux passeurs et fait de la Grèce un piège à réfugiés en refusant obstinément de leur ouvrir des voies légales d’accès à son territoire et en entérinant la fermeture de la route des Balkans, l’Union européenne s’engage aujourd’hui dans un véritable troc de la honte. Avec l’accord conclu entre l’UE et la Turquie, seront massivement renvoyés vers la Turquie tous les migrants qui ont gagné la Grèce par la mer Égée dans les pires conditions et au péril de leur vie, et qui suite à une enquête bâclée, se voient arbitrairement refuser la protection liée au droit d’asile.

*

– La Turquie un « pays sûr » ? Rien n’est moins… sûr, puisque la Turquie n’a pas de système de protection des réfugiés, de sorte que ceux-ci n’ont pas la garantie de ne pas être refoulés à nouveau vers un pays de persécution, à l’instar de ces centaines de syriens expulsés en zone de guerre ces dernières semaines.

– Par ailleurs, le tri entre bon et mauvais migrant est révoltant : non seulement les régions « sensibles » changent, et ne sont définies qu’en fonction des intérêts ponctuels de l’Europe, mais il nous semble malhonnête d’opposer « zones de conflits » et zones de pauvreté, créés par les guerres économiques menées par les puissances impérialistes qui s’accommodent et soutiennent des dictatures garantissant leurs marchés et leurs intérêts.

  Et à côté des expulsions spectaculaires, il existe des outils plus insidieux pour effectuer ce tri en fonction des besoins de main d’oeuvre et de pousser les migrants à partir d’eux mêmes. Les politiques d’enfermement à répétition, pendant plusieurs mois voire plusieurs années, dans les « hot-spots » aux frontières de l’Europe ou dans des centres de rétention à l’intérieur, où ils sont l’objet de violences, de tortures, d’humiliations constantes et de manque d’accès aux soins, sont autant d’éléments de la militarisation de nos sociétés et du renforcement de l’Etat policier. Et les cohortes de clandestins permanents ainsi générées sont des proies faciles pour tous les « business » (exploitation au travail, commerce sexuel, mafias, etc.).

Dans cette fuite en avant des égoïsmes xénophobes, une deuxième honte se dessine : pour arriver à ses fins, l’Europe accepte de traiter avec un pays qui bafoue ouvertement les libertés individuelles et collectives les plus fondamentales, qui est en guerre contre ses propres peuples, et de lui confier le destin des réfugiés.

En même temps que l’UE s’apprête à payer des milliards d’euros à la Turquie comme prix du tri et de la mise en camps des migrants, elle couvre les violences exercées sur les opposants en observant un silence coupable sur les exactions du régime turc. Chacun connaît les bombardements et massacres subis par les Kurdes. Chacun sait maintenant que la presse d’opposition est totalement muselée, et que l’épuration des universités et de la magistrature sont en cours.

Et l’Union européenne donne 6 milliards d’€ à un État qui est connu pour armer les djihadistes, tout en continuant à diffuser partout l’amalgame écœurant entre terrorisme et migrations ? On se fout dangereusement de nous en entretenant cette xénophobie générale. Censé dissuader les migrants de rejoindre la Grèce, cet accord a déjà entraîné la mort de plusieurs centaines de migrants près des côtes égyptiennes, passage encore plus dangereux pour éviter la Turquie. Mais les dirigeants des « démocraties occidentales » préfèrent ramasser des cadavres plutôt que d’accueillir l’exil. Une autre manière de faire le tri ?

La vie d’un-e migrant-e ou d’un-e opposant-e kurde ne vaut pas lourd dans ce marchandage immonde :

  • Brisons l’entente entre ces états racistes et policiers !
  • Autodétermination des peuples et des individus !
  • Liberté de circulation et d’installation !