Objet : désertion spontanée.

 

Madame, Monsieur,

Je souhaite vous faire part de ma frayeur quant à l’offre d’emploi que vous recherchez.

En effet, j’ai l’intention de me tenir aussi longtemps que possible hors de l’aliénation salariale. De plus, je ne possède aucun diplôme et ai lamentablement échoué l’ensemble de ma scolarité.

Parfaitement inadapté à la compétition et rétif à l’autorité depuis mon plus jeune âge, je n’ai jamais pu supporter les hiérarchies arbitraires, les commandements absurdes, la surveillance étroite, l’absence d’autonomie, bref, la soumission à l’œuvre dans le monde du travail. Les commérages et les coups bas de collègues aigris par cette condition me désespèrent au plus haut point.

Par ailleurs, ma difficulté à me lever tôt ainsi que ma fâcheuse tendance à la procrastination ont écourté prématurément mes rares expériences professionnelles. Je ne suis jamais parvenu à cacher mon ennui, ou bien la révolte que me cause cette atteinte à la dignité humaine que l’on appelle à juste titre la chaîne. Je reste persuadé que l’humanité libérée saura s’en débarrasser comme elle a su abolir l’esclavage.

Enfin, le salaire scandaleux et les mauvaises conditions de travail de rigueur dans votre entreprise me motivent d’autant moins à en faire partie. L’absence d’utilité sociale de votre production et la pollution qui en résulte ont achevé de me convaincre de son caractère nuisible. Par conséquent, je préfère faire les choses par moi-même – et les partager avec mes amis – plutôt que de perdre mon temps pour ensuite pouvoir les acheter à d’autres exploiteurs de chinois de votre espèce.

En étant évidemment disponible pour boire une bière avec vous dans un contexte non-marchand, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mon RSA déculpabilisé.