Malgré un dispositif policier délirant de plus de 350 hommes armés dans les rues, sur la Place du Bouffay, dès 14H30, des masques de couleur, des boucliers décorés, un char représentant un juge/flic et des banderoles égaient la grisaille de l’après midi. 500 personnes se retrouvent autour de prises de parole avant de partir dans les rues de Nantes. Même si réunir plusieurs centaines de manifestants en période d’état d’urgence est déjà une victoire, l’ampleur de la participation était moindre qu’espérée. La superposition de cette manifestation nantaise avec la grosse mobilisation anti-aéroport du 27 février, le temps pluvieux ou les pressions policières – la BAC a contrôlé et menacé physiquement plusieurs personnes – auraient-ils amoindri l’ampleur du cortège ?

Quoiqu’il en soit, la manifestation a su être imprévisible et tonique, déjouant ainsi les logiques répressives. L’objectif est énoncé d’entrée de jeu : « on part ensemble, on rentre ensemble », pas de blessés ni d’interpellés à l’issue de cette manifestation. Ce pari sera atteint. C’est donc une foule hétérogène qui s’élance dans un centre ville dont la plupart des artères commerçantes sont bouclées. Deux aspects de Nantes se côtoient cet après midi : l’un monochrome et sécuritaire, du côté des rues marchandes aseptisées et des cohortes de flics, l’autre, coloré, qui lutte et défend la ZAD, qui combat l’état d’urgence. Sur le chemin, les façades prennent des couleurs et les slogans résonnent dans les rues et sur les murs. Les CRS en profitent pour lancer à la première occasion des grenades au milieu du cortège pour le diviser, mais l’opération tourne court : une rangée de manifestants avec des boucliers protège l’intégrité du défilé, et les gaz sont renvoyés vers les lignes de CRS. La manifestation continue en chantant. Plus tard, d’autres policiers jetteront des grenades assourdissantes, sans parvenir non plus à diviser les manifestants. Aux abords de la place Royale, le cortège est pris en souricière par la police. La tension monte, mais encore une fois, la manifestation, toujours en mouvement, se fraie un chemin dans les ruelles et parvient à déjouer le piège en restant soudé et tonique. Des musiciens accompagnent le défilé, et l’ambiance prend un ton festif. Les forces de l’ordre, en surnombre, sont désorientées et courent dans tous les sens sans parvenir à freiner la dynamique de la manifestation. La préfecture, EDF, la mairie ou les locaux du Parti Socialiste seront redécorés au cours du parcours.

De retour sur la Place du Bouffay, des applaudissements retentissent : pas question d’arrêter la manif ! La dispersion se fera donc plus loin, sous les Nefs de l’Ile de Nantes, avec un apéro improvisé, mêlé aux badauds du samedi après-midi. Le visage dépité des brigades anti-criminalité, qui ne parviendront pas à réaliser leur quota d’arrestations, décrit déjà la réussite de la manifestation.

Ce samedi a été la démonstration qu’il est encore possible de défiler et de faire exister des gestes revendicatifs au cœur de la ville, d’ouvrir des brèches dans l’apathie ambiante. Déjà, d’autres échéances approchent : les procès de paysans et de militant-e-s anti-aéroport au tribunal de Nantes mardi 23 et mercredi 24 février et la grande manifestation du samedi 27 sur la route qui longe le bocage de Notre-Dame-des-Landes.

A bientôt dans les luttes !