Victoria electoral, derrota de la revolución.

 

Bonne nouvelle, les élections législatives du 6 décembre se sont passées dans le calme et dans la joie ; il n’en a pas toujours été ainsi au Venezuela… Autre bonne nouvelle, la droite a accepté le choix des urnes, et il n’en a pas non plus toujours été ainsi ; on est même tenté de dire : pour une fois, elle a accepté la décision du peuple !

 

Ce que je veux vous dire camardes, vous le savez, un révolutionnaire pourra être résigné, désenchanté ou déçu, parce qu’on ne m’a pas encore donné ma maison, parce que la mission du « droit au logement » n’est pas encore arrivée dans ma campagne, on est d’accord, on peut être désillusionné avec raison et l’on doit critiquer avec raison, mais enfin, cela ne signifie pas qu’on aille soutenir la bourgeoisie.1

Hugo Chavez (12/7/2012).

Lors de l’annonce des résultats on observe une nette avancée de l’opposition. Avec 112 sièges sur 167 à l’assemblée nationale elle est largement majoritaire et met en périle « la révolution bolivarienne. » Cette progression ne doit pas être sous-estimée. Avant même que le CNE2 ne donne les résultats, CNN et ABC avaient déjà sabré le champagne de la victoire. Quelques drapeaux américains étaient d’ailleurs de sortie pour fêter cette réussite de la Table de l’Unité Démocratique (MUD) élue sous le drapeau du « changement ».

La droite a investie beaucoup dans ce mot d’ordre qui met en lumière un programme relativement simple : sortir du processus bolivarien. L’opposition s’est empêchée de parler trop ouvertement de privatisation, de négociation en vue avec le FMI, de révision de la constitution… il faut être consensuelle pour gagner une élection au Venezuela, c’est bien connu, et elle le sait. Mieux vaut camoufler ses idées conservatrices sous les oripeaux sociaux démocrates du « changement ». Le leader de l’opposition, Leopoldo Lopez, coordinateur du parti Volonté Populaire et soutient de la MUD, évite par conséquent de nuire à son image de démocrate en rappelant sa présence lors du coup d’état de 2002. Les formules creusent comme « changer pour progresser » qui occultent le fond ont permis de fédérer les indécis qui ne savent pas où ils veulent aller, mais qui pour une partie d’entre eux, semblent accepter d’aller n’importe où tant que ça ne soit plus sur le chemin emprunté par Bolivar et Chavez. Dès lors, on peut interprèter le résultat des élections comme une défaite du PSUV davantage que comme une victoire de l’opposition qui depuis sa naissance et ses métamorphoses multiples, n’a brillé ni par ses idées ni par son fairplay.

Lors de l’annonce des résultats par exemple, l’épouse de Leopoldo Lopez note sur son Tweeter que le président n’a accepté cette défaite électorale uniquement parce qu’il y avait des représentants internationaux. Elle n’a aucune preuve de ce qu’elle avance, mais disons qu’elle a raison. On peut tout de même ajouter que malgré l’indispensensable présence de représentants internationaux, le président a fait ce qu’il avait dit qu’il ferait: respecter la souveraineté populaire. On peut pas en dire autant de l’autre camp qui rejeta la décision des urnes lors des élections présidentielles de 2013, et ce n’est pas la première fois. Ce rejet n’a rien d’anodin. Va s’en suivre une campagne haineuse contre Maduro (accusé d’avoir fomenté la fraude électorale) et une série de violence qui causeront la mort de 11 militants chavistes. Aujourd’hui encore, le septicisme est roi au vénézuela lorsqu’on aborde la question des éléctions de 2013. En revanche, pour l’OEA, le Centre Carter, l’UE, le CNE, l’Unasur… il n’y a aucun doute : Maduro a obtenu la majorité en 2013.

Pour de nombreuses raisons on peut interpréter le résultat des élections législatives davantage comme le fruit de la déception et de la colère de la population face à la crise économique et aux difficultés quotidiennes (les pénuries, la délinquance, l’inflation) que comme un appui réel et idéologique à la droite, dont les leaders issus de familles riches ressemblent assez peu aux militants ordinaires qui les soutiennent. La victoire s’explique par la situation économique qui s’érode et par une propagande de l’opposition, interne et externe, beaucoup plus efficace3. Pour Maryclen Stelling le meilleurs soutient de la MUD est venu d’agents étrangers qui ont seulement attaqué le pays. En raison de la crise économique la sociologue ajoute qu’ « avoir obtenu le succès de 42% des votes (55 sièges pour le PSUV) c’est un exploit dans ces circonstances tend dramatiques et difficiles. »4

 

Les mensonges de la droite.

 

Ce qui est certains c’est que le Venezuela a énormément de difficultés. Elles perdurent dans le temps car elles sont complexes à surmonter et parce que le gouvernement ne fait pas les choses correctement. Les erreurs stratégiques se cumulent avec des disfonctionnements, comme pour la distribution de l’eau dans l’Etat de Zulia. La corruption quant à elle s’installe jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat.5 Si elle le voulait, la droite aurait suffisement de matière pour mener une campagne honnête contre le gouvernement, mais elle ne le veut pas, ou ne s’en contente pas. Elle batie son discours sur un tissu de mensonge6, niant au passage les avancés incroyables obtenues par la révolution.7 Le mensonge et l’omission sont une pièce maîtresse de sa propagande.

Au Début des années 2000 par exemple, elle a préféré se ridiculiser en parlant de dictature pour qualifier un régime démocratique qui s’essayait à la démocratie participative. Elle a préféré la calomnie à l’information vérifiée. Elle s’égosille sur tous les écrans, à toutes les radios, qu’il n’y a pas de liberté d’expression au Venezuela alors que la majorité des médias de communications, encore aujourd’hui, sont privés :8 Indépendant de l’Etat et de la révolution, mais pas indépendant du capital. La droite à le droit de dire que la population est soumise à la propagande de l’Etat, mais c’est un mensonge. Les chaînes de télévisions publiques représentent moins de 10% d’audience.

 

 

[Le graphique ci-dessus mesure l’audience des chaînes de télévision. Celles qui font le moins d’audience sont les chaînes publiques : telesur, Vtv, TVes ]9

 

On doit d’ailleurs prendre nos distances avec la défense des médias privés sous couvert de défense de la démocratie et du pluralisme. Un média privé n’est pas forcément la garantie d’une information honnête et impartiale : rappelons que durant la séquestration de Chavez en 2002 par les militaires partisans du coup d’Etat organisé par la droite et le patronnat (Fedecámara), aucun de ces médias n’a donné une information juste sur ce qui était en train de se produire.10 Tous ont diffusé en boucle une lettre de Chavez ou il expliquait qu’il renoncait au pouvoir, or, cette lettre s’est avérée factice. Tout était faux. Après cet événement qui causera la mort de nombreuses personnes, l’opposition de droite persiste et signe dans le mensonge.

Les opposants n’ayant pu en découdre par la force vont essayer de mettre fin au processus révolutionnaire en convoquant un référendum révocatoire (2004). Pour cela, la population doit réunir 2,4 millions de signatures. La droite prétendra en avoir recueilli 3,4 millions. Elle ne manque ni d’imagination ni de signatures, cependant, petit problèlme, le CNE n’en reconu que 1,9 million de valide. Lorsque les observateurs internationaux (OEA, Centre Carter) se sont exprimés à leur tour ils ont fait part de leur « préoccupation sur la validité des signatures » et de leur confiance dans les décisions du CNE11. Récement, la droite s’est chargé de défendre que le CNE n’allait pas permettre la présence d’observateurs internationaux durant les élections : mensonge. Elle déclara aussi que le gouvernement ne respectera pas la décision électorale si la droite était amené à gagner : mensonge. Cette rumeur a fait beaucoup de bruit, mais elle s’est envolée une fois passé le 6 décembre, comme si de rien n’était. La droite parle trop vite et ne se rectifie pas. La vérité qui essaie de s’établir dans le débat s’envole ; les mensonges restent.

Ce camp revenchard qui se veut démocratique et pacifique a de sacrés antécédents. En plus de soutenir les guerres impérialistes menées en Irak, Afganistan, Lybie, Syrie, il a usé la violence et l’a encouragé à de nombreuses reprises au Venezuela.12 On ne peut comprendre cette victoire électorale sans mesurer le poids de la propagande de l’opposition, au Venezuela et dans le monde. Son carburant c’est l’abus de langage, la confusion13, le mensonge.

Cette victoire n’est pas que la victoire du mensonge, c’est aussi la revanche de Fedecámara (chambre du commerce de Vénézuela), la revanche du patronnat.14 Elle s’explique également par la situation économique. La destabilisation de l’économie effectuée par les chefs d’entreprises est l’autre pièce maîtresse de la droite qui dispose de bien plus de leviers pour nuire, avec les mots et le sabotage, à la révolution bolivarienne.

 

Guerre économique et médiatique :

 

La droite a su tirer profit d’une propagande médiatique qui fonctionne à plein régime dans la majorité des médias du vénézuela et qui est facilement relayée et amplifiée dans les médias internationaux. En plus de la série de mensonge qui ont pu être dit, le simple fait que la presse de l’opposition ne reconnaisse pas la guerre économique signifie beaucoup. Les pénuries peuvent être critiqué par le citoyens lorsqu’un produit vient a manquer, et avec plus de véhémence lorsqu’un produit médical devient introuvable, mais il est rare que la relation soit effectuée entre ces manques et la guerre économique15

De nombreux secteurs de l’économie échappent au contrôle de la population et de l’Etat, si bien que les propriétaires peuvent générer des sabotages pour installer le mécontentement dans le pays et dénigrer un peu plus l’incompétence du gouvernement. Lorsqu’il manque de champoing, de savon, de déodorant, lorsqu’il manque decaraota16, de sauce tomate, de beurre etc., c’est un dommage qui est pesant, mais on fait avec… Lorsque les hôpitaux en viennent à manquer de ce qui est essentiels pour effectuer les soins, mettant la vie des usagers en danger, ce sabotage économique devient criminel. Donnons quelques exemples : Le 5 février 2014 les autorités ont trouvé dans l’Etat de Tachira prêt de mille tonnes de produits alimentaires de première nécessité (riz, sucre, huile, café, etc.) cachés dans des entrepôts. Le 13 mai dernier, la superintendance de Prix Juste (sundde) a annoncé avoir trouvé un lot de 14 millions de médicaments expirés dans l’entrepôt SM Pharma, à Maracaibo, dans l’Etat de Zulia. Le 5 juillet derniers, les travailleurs de Pfizer à Valence ont dénoncé l’incinération de médicament dont la majorité n’étaient pas encore espirés. Ceci pourrait être lié à la guerre économique mise en place par l’extrême droite contre le peuple vénézuélien », a dénoncé Ali Mora, secrétaire Général du Syndicat des Travailleurs de la Pfizer. » .17« Durant une opération réalisé par la Garde Nationale Bolivarienne (GNB) dans la localité de Carrasquero, Municipio Mara, les militaires on soustrait 50 tonnes d’aliments de bases qui demeuraient accaparés.(décembre 2015).»18 « Un fraudeur a été pris avec 65 pots de lait infantils, d’autres avec trois malettes remplies de lait pour nourrissons. Plus tard, deux autres personnes se feront prendre par les autorités pour port illégal de 45 cartes de crédits (mi-décembre 2015)»19 Cette guerre économique se reflète aussi sur les prix. Si la classe ouvrière a moins de salaire ce n’est pas tant en raison des faibles salaires, c’est surtout lié a l’inflation qui en ampute une bonne partie. Si l’inflation est si élevé, ça peut signifier deux choses : qu’il y a une dépendance avec de nombreux produits (alimentaire) importés, et qu’il n’y a pas de contrôle populaire sur les prix.

Les prix deviennent fou au Venezuela, et ces augmentations répétées engendre frustrations et régression ; elles deviennent criminelles lorsqu’elles privent la population d’accéder aux produits de premières nécessités. Lorsque Lorenzo Mendoza (représentant du groupe Polar) décide que le nouveau prix de la farine de maïs précuite sera de 65 bolivares, il approuve par la une augmentation de 342% et met en difficultés les plus modestes pour obtenir le produit20. L’entreprise a déjà fait parler d’elle : en 2005 ils ont été expropriés dans l’Etat de Barinas pour avoir engagé des pratiques de sabotage et de destabilisation de l’économie. Cinq ans plus tards, dans l’Etat de Lara, seront expropriés 21 hectars de terre, propriété de l’entreprise Polar. Dans cet espace une grande quantité de nourriture furent soustraite des lieux de vente et stoquée.

 

Ce n’est pas la fin de l’histoire.

 

On peut relativiser la victoire de la droite en rappelant que sur 20 scrutins en 17 ans, le PSUV n’en a perdu, avec celui-ci, que deux. Toujours est-il, si le PSUV veut reconquérir une majorité, retrouver ses 2 millions de voix perdues, retrouver une dynamique populaire et démocratique qui s’éffrite en même temps que la machine économique se dérègle, il convient pour lui de faire son auto-critique, d’assumer ses erreurs et de les rectifier. Il serait par exemple de bonne augure de lutter contre la corruption qui participe à la destabilisation de l’économie au même titre que la guerre économique. La corruption est la meilleurs arme du capital car elle achète le rêve et annule la raison. Cette corruption endémique pourrie le rêve de Bolivar quand la violence des malandros (bandits dont une partie obtient l’appui des paramilitaires colombiens) détruit la paix tant voulue. Cette défaite peut servir de leçon : une politique sociale et démocratique qui ne remet pas clairement en cause les grands secteur de l’économie est une utopie, tout comme celle d’un socialisme dans un seule pays, c’est une chimère. Bien qu’il y aura une réponse de la classe possédante et des Etats-Unis, un pays qui souhaite, comme le Venezuela, se diriger vers le socialisme du XXI siècle devrait peut être exproprier l’ensemble du secteur bancaire et semer les graines de l’autonomie, pour conquéririr la souvraineté alimentaire et passer d’une économie d’échange à une économie d’usage. Un pays rebelle comme le Venezuela devrait aussi avoir une vision plus clair et moins éloignée dans le temps de ce que pourrait être le socialisme du XXI ème siècle.

 

En définitive, cette victoire électorale est une défaite de la révolution ; pourtant, dans les rues, dans les têtes et sur les murs, Chavez vive ; la population qui agit n’est pas décidée à rendre les institutions populaires de la démocratie sociale et participative. La droite à l’assemblée nationale mais le peuple à toujours la rue et les barrios.